Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Rebecca Fitoussi dans "On va plus loin" sur Public Sénat, mardi 24 octobre 2017.
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le 24 Octobre 2017 à 20:36
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Entretien de Jean-Pierre Chevènement à la revue Charles, propos recueillis par Loris Boichot, octobre 2017.
Revue Charles: Vous naissez le 9 mars 1939 à Belfort, six mois avant l’invasion de la Pologne par l’Allemagne qui marque le début de la Seconde Guerre mondiale. Vous effectuez ensuite votre service militaire en Algérie à la fin de la guerre d’indépendance. Diriez-vous que la guerre, la conscience du tragique qui résulte de l’expérience d’un conflit, est ce qui sépare votre génération de celle d’un Emmanuel Macron ?
Jean-Pierre Chevènement: Devenir Président de la République à trente-neuf ans, c’est une expérience qui vaut mieux que l’expérience de la guerre. La guerre change profondément les hommes. En bien ou en mal. Quelquefois les deux. Et vous, comment vous a-t-elle changé ? Oh, elle a fait de moi un homme. Je n’étais pas un homme quand je suis parti en Algérie. J’étaisun grand adolescent à peine sorti de la belle bibliothèque de Sciences Po. L’essentiel de mon temps, je l’avais consacré à la rédaction d’un mémoire sur « La droite nationaliste française et l’Allemagne de 1870 à 1960 ». C’était pour moi, petit provincial sociologiquement « de gauche » un moyen de connaître la droite et ses différentes familles de pensée. Mais je n’avais que 21 ans. Quand je suis rentré deux ans et demi plus tard d’Algérie, j’avais été façonné par une expérience qui m’avait mis au cœur d’évènements où j’avais vu des gens tués près de moi et une société basculer. J’avais vu le massacre de Saint-Denis-du-Sig (un massacre de harkis le 19 mars 1962 suivi d’une « reprise en mains » sanglante, NDLR). Pendant l’insurrection de l’Organisation de l’armée secrète (OAS), j’avais vu des femmes de ménage algériennes assassinées dans la rue, le port d’Oran bombardé puis incendié. J’avais vu des officiers français assassinés par l’OAS : le général Ginestet et le colonel Randon. J’avais vu beaucoup de choses de très près… Quand on a fait la guerre, on est moins manichéen et en même temps on acquiert un certain sens de l’Histoire. On relativise et en même temps on anticipe mieux les choses … C’est ce que j’ai voulu faire à mon retour d’Algérie en 1963 en préparant « l’après de Gaulle », tout en essayant de conserver de son héritage ce qui méritait de l’être... Intervention de Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre au Colloque de la Fondation pour la Recherche Stratégique, « Résistance et Dissuasion », tenu le 5 octobre 2017 à la Bibliothèque Nationale de France.
Pour les peuples, la guerre est toujours le moment de la Vérité. C’est-dire qu’elles se gagnent ou se perdent longtemps à l’avance, en fonction des doctrines stratégiques, de l’effort consenti pour faire face aux menaces, de la qualité des hommes, de l’adéquation des systèmes d’armes et, plus que tout, d’un « vouloir vivre national ».
I. Si j’insiste sur ce dernier point, c’est qu’il ne peut pas y avoir de bonne défense pour un peuple qui se défait. Le patriotisme n’est pas seulement le ressort de l’esprit de sacrifice qu’on attend des soldats. Il est l’ultime garantie que la France saura surmonter demain les épreuves qui sont sur sa route, comme il permit hier à une petite élite exemplaire d’incarner la France Libre et de maintenir la République française au rang des vainqueurs de la Seconde guerre mondiale. A. La dissuasion a ainsi été forgée par l’effort de tous ceux qui avaient ressenti la brûlure de 1940. C’est dans le souvenir du grand effondrement de notre pays que celui-ci a puisé la volonté de se doter d’un outil militaire qui lui permettrait de ne jamais plus connaître la honte de la capitulation ourdie par ceux que Marc Bloch appelait « les nouveaux Bazaine ». « Jamais plus 1940 ! » voilà le cri silencieux des patriotes dans les générations qui ont suivi la Seconde guerre mondiale. Mais avec le temps qui passe, les souvenirs s’effacent. De là à voir dans la dissuasion, comme l’écrit le philosophe allemand Sloterdijk, un simple « symptôme contraphobique », il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas, car la dissuasion est d’abord à mes yeux un outil politique, moyen pour la France de ne pas être entraînée dans « une guerre qui ne serait pas la sienne ». Les actes du colloque du 22 mai 2017 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
Intervention de Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre, au colloque organisé par la Fondation Charles de Gaulle dans le cadre du Festival du livre d’Histoire à Blois, le 6 octobre 2017.
Comme l’a montré le Professeur Philippe Raynaud dans « l’Esprit de la Vème République » (1), celle-ci est passée par plusieurs phases :
De la « République consulaire » (1958-1962) à la République présidentielle, dominée d’abord par un « quadrille bipolaire » (1962-1981) puis par un bipartisme de fait, amorcé en 1965 puis quasi institutionnalisé à partir des années 1980. Ce bipartisme apparemment consensuel (sur les traités européens, de 1987 à 1992 et sur les orientations politiques qui en découlent) est cependant miné par la désaffection croissante des citoyens (recherche d’une alternative « citoyenne » et à défaut montée des extrêmes et de l’abstention). Les deux partis de gouvernement (PS et RPR devenu UMP en 2002) bénéficient tous deux de la « rente institutionnelle » que procure le mode de scrutin majoritaire. « L’effet essuie-glaces » résume la vie politique de 1986 à 2012. Mais ce système s’érode de l’intérieur quand la désaffection des électeurs l’emporte sur le vote habituel d’allégeance. C’est ainsi que le candidat du PS, Benoît Hamon, ne recueille plus que 6.33% des voix au premier tour des présidentielles de 2017. La percée d’Emmanuel Macron (24% des voix au premier tour) fait tomber dans la trappe le candidat de la droite (20%). Emmanuel Macron réussit à éliminer dès le premier tour les deux partis de gouvernement, ce à quoi j’ose dire que j’avais frayé la voie en 2002. Intervention de Jean-Pierre Chevènement au colloque "Vie et oeuvre de Jacques Berque, grand islamologue du XXème siècle", Collège des Bernardins, 5 octobre 2017.
Messieurs les Professeurs, chers amis,
Des obligations antérieures que je ne peux remettre m’empêchent d’être des vôtres pour rendre à Jacques Berque l’hommage qui lui est dû. Croyez que je le regrette profondément car je l’ai toujours considéré comme mon maître, et pour bien d’autres choses que la Méditerranée. Il m’a fait, durant les quinze dernières années de sa vie, l’honneur de son amitié. Il est impossible de classer Jacques Berque, tant son savoir était immense, au croisement de toutes les disciplines : sociologie, histoire, anthropologie, philosophie. Il savait et disait que la vérité, comme le monde, était pluriel. Cette pluralité, il la trouvait d’abord en lui : « Passé latin, passé maghrébin, en moi tous deux entrelacés, je ne puis vous dissocier l’un de l’autre ». Cette pluralité, il l’enveloppait d’un verbe altier, d’un geste ample. Son port était celui d’un grand seigneur descendu de l’Atlas, jusque parmi nous. Jean Sur l’a défini justement comme un « penseur du fondamental ». Procédant par bonds successifs, « par sauts et gambades » aurait dit Montaigne, sa pensée allait à l’essentiel, c’est-à-dire au tragique. Dans Dépossession du monde, il reconnait dans l’Arabe non pas le fantôme qu’on aurait voulu ou qu’on voudrait faire de lui, mais « d’anciens seigneurs injustement déchus ». Il touchait l’âme. Quelles épreuves furent donc pour lui les déchirements du monde arabe après la Guerre des Six jours et la destruction de l’Irak entreprise dès 1991, quatre ans avant sa mort. Entreprise dont nous récoltons aujourd’hui les fruits vénéneux. Agenda et médiasJean-Pierre Chevènement était l'invité de Sonia Mabrouk sur CNews dans Les Voix de l'Info, mercredi 4 octobre 2017.
Je regrette que des obligations contractées antérieurement et que je ne pouvais remettre m’empêche d’être parmi vous pour rendre à Nicole l’hommage qui lui est dû et dire à tous les siens, à son fils Renaud, à ses petits-enfants et à tous ceux qui l’ont aimé, particulièrement à Jean-Paul Planchou, ma tristesse et ma fidélité.
Nicole Bricq qu’une mort brutale vient de nous enlever était à l’image même de cette jeunesse qui face au discrédit ou à l’impuissance des anciens partis s’était levée, au début des années 1970, pour redonner sens à la politique et à l’engagement militant. 1971 fut l’année où Nicole enfanta d’un petit Renaud, mais ce fut aussi l’année où elle s’engagea au Parti Socialiste, via le CERES que ses adversaires décrivaient, à juste titre d’ailleurs, comme « un parti dans le parti ». Nicole et son mari, Philippe, adhérèrent à Mazamet dans le Tarn, où ils travaillaient avec la ferme détermination de bousculer les anciens de la SFIO et de forger l’outil politique qui permettrait l’alternance pour « changer la vie » : tel était en effet le titre du programme socialiste de 1972. Nous voulions réussir, là où nos anciens avaient échoué, sous le Front Populaire face à la montée du fascisme, et à la Libération face à la guerre froide. Nous pensions possible dans un contexte nouveau, de surmonter la division de la gauche en France et en Europe, en forgeant un Parti Socialiste renouvelé, en prise avec les nouvelles générations. Nicole était le symbole de cette détermination. Entier était son engagement, comme entière était sa personnalité. Chez elle pas de faux-fuyant. |
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