Agenda et médiasEntretien de Jean-Pierre Chevènement au Monde, propos recueillis par Gaïdz Minassian et Frédéric Lemaître, 5 février 2018.
Le Monde : Qu’attendez-vous de la visite sur l’île d’Emmanuel Macron, les 6 et 7 février ?
Jean-Pierre Chevènement : La visite en Corse du président de la République répond d’abord, me semble-t-il, au souci justifié de rendre hommage à la mémoire du préfet Erignac, lâchement assassiné par un commando nationaliste dans la nuit du 6 février 1998. Assassinat dont nul n’a perdu le souvenir, perpétré contre un homme qui refusait toute protection, alors qu’il symbolisait l’Etat dans l’île. A l’époque, une majorité de Corses avaient désapprouvé ce crime. Aujourd’hui, les nationalistes appellent à manifester dans la rue à l’occasion de la venue du président de la République en Corse. Cet appel, particulièrement déplacé eu égard aux circonstances, est révélateur d’une méthode qui, depuis le début, c’est-à-dire depuis la fin des années 1970, n’a pas changé : exercer la pression maximale sur les autorités de la République pour les amener à reculer. Que vous inspire la victoire des nationalistes en décembre 2017 et comment jugez-vous leur attitude depuis lors ? La victoire des nationalistes en décembre 2017 couronne quatre décennies de reculades de la droite et de la gauche, des élus locaux (tels José Rossi et Paul Giacobbi, qui n’ont jamais hésité à s’allier aux nationalistes pour se faire élire), mais aussi des gouvernements. Ainsi, le statut de collectivité unique, faisant disparaître les deux départements, véritable statut de territoire d’outre-mer bis, a-t-il été rejeté par les électeurs corses consultés par référendum en juillet 2003. Douze ans après, le gouvernement l’a imposé par la loi NOTRe (2015) et par ordonnance (novembre 2016). Qu’en déduire donc sinon l’efficacité, dans la durée, de la méthode de la « mise sous pression » permanente des pouvoirs publics concédant un nouveau statut avant même que le précédent ait pu s’appliquer. Les nationalistes masquent ainsi par une surenchère permanente leur incapacité à gérer.
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Rédigé par Chevenement.fr le 5 Février 2018 à 10:10
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Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Parisien, propos recueillis par Myriam Encaoua et Henri Vernet, 31 janvier 2018.
Le Parisien : Quel est le bilan de la Fondation pour l’Islam de France que vous présidez, à l’heure où Emmanuel Macron rouvre le chantier de l’organisation de l’Islam ?
Jean-Pierre Chevènement : Le président de la République souhaite accélérer l’organisation de l’Islam de France. Ce chantier, je l’ai ouvert il y a 20 ans lorsque j’étais ministre de l’Intérieur. Il est, en effet, temps d’accélérer. Nous souhaitons y contribuer, à notre place, au sein de la Fondation de l’Islam de France. Notre but est de combattre l’idéologie salafiste, terreau du terrorisme islamiste, en ouvrant des chemins d’élévation intellectuelle, morale, spirituelle et en contribuant notamment à une meilleure connaissance de l’Islam et de ce que sont aujourd’hui les musulmans de France. La Fondation s’adresse à tous les Français. Elle n’est pas une autorité religieuse. L’instance représentative du culte, que j’ai contribué à mettre en place de 1997 à 2000, c’est le Conseil français du culte musulman. Les actes du colloque du 21 novembre 2017 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
ActualitésLes actes du colloque du 18 septembre 2017 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
Message de Jean-Pierre Chevènement au colloque de l’Institut Pierre Mauroy, "Pierre Mauroy ou la passion du Parti Socialiste", le 7 décembre 2017.
I. Comment j’ai rencontré Pierre Mauroy, sept ans avant le congrès d’Epinay.
J’ai adhéré au Parti Socialiste qui s’appelait alors la SFIO, en décembre 1964, à la 14ème section de Paris. Si quelqu’un me l’eût prédit, dans les années de la guerre d’Algérie, «guerre imbécile et sans issue», comme l’avait qualifiée Guy Mollet lui-même, en 1955, pendant la campagne du Front Républicain, cette prédiction m’aurait laissé abasourdi. Que dis-je ? Je lui aurais ri au nez ! Je revois, en effet, mes parents, alors instituteurs à Besançon et qui votaient socialiste, pester contre Guy Mollet, au soir du 6 février 1956, où, Président du Conseil en visite à Alger, il avait reculé devant quelques jets de tomates, pour démettre le général Catroux et appeler Robert Lacoste à la tête du gouvernement général. Je me revois surtout crapahutant dans les djebels, en 1961-62, pour conduire cette guerre, en effet imbécile, à sa seule issue logique : l’indépendance de l’Algérie, à laquelle ensuite, quand les SAS auxquelles j’appartenais furent dissoutes, je m’efforçai de contribuer de mon mieux, pour qu’elle se fît, selon le mot du Général de Gaulle, avec la France plutôt que contre elle. N’empêche, la période avait été éprouvante pour ceux qui l’avaient traversée et il était difficile de ne pas en vouloir à Guy Mollet d’avoir aggravé les choses en envoyant le contingent en Algérie, en 1956. Par méconnaissance des réalités, celles de l’Algérie, et celles surtout de son temps, il avait sûrement prolongé la guerre de quelques années. Quand je revins d’Algérie, en 1963, la SFIO paraissait un bateau à la dérive. Le Général de Gaulle avait imposé, en septembre 1962, l’élection du Président de la République au suffrage universel. Les élections législatives lui avaient donné une majorité à l’Assemblée nationale. La SFIO, discréditée par les guerres coloniales, apparaissait comme un vestige du passé. Cependant un vent de contestation sociale soufflait sur le pays, avec la grève des mineurs de 1963 notamment. L’ «après de Gaulle» était déjà dans les esprits. Et il nous apparut à quelques camarades et à moi-même qu’en faisant l’union de la gauche avec le Parti Communiste, la «Vieille Maison», comme l’appelait Léon Blum, pouvait retrouver son lustre d’antan. Mais à cette condition là seulement. Entretien de Jean-Pierre Chevènement à Valeurs Actuelles, propos recueillis par Bastien Lejeune, 6 janvier 2018.
Valeurs Actuelles : On parle d’islam de France depuis des années… Où en est-on ?
Jean-Pierre Chevènement : Il y a quatre à cinq millions de musulmans en France selon l’INED. Les trois quarts ont la nationalité française. Il s’agit d’en faire des citoyens comme les autres, à égalité de droits et de devoirs. Je préside une Fondation dont la vocation est culturelle, éducative et sociale : notre but est de faire comprendre à tous nos concitoyens ce que sont la laïcité, les valeurs de la République et d’expliquer le lien qui existe entre l’Europe et l’islam depuis quinze siècles. Cette relation n’a pas été seulement conflictuelle ! L’algèbre, les algorithmes, des découvertes fondamentales en matière d’astronomie, de médecine, de pharmacie… sont des importations arabes dans notre culture. Par cet effort de compréhension, nous voulons fortifier l’amitié civique entre nos citoyens, quelle que soit leur confession, et freiner les surenchères mortifères que cherchent à susciter, entre différentes catégories de Français, nos ennemis. Daech ne cachait pas sa volonté de créer en France les conditions d’une guerre civile. Nous répondons culturellement, pour tenter de faire émerger un islam cultivé. Mais la réponse religieuse ne nous appartient pas. C’est l’affaire des musulmans d’opposer à la théologie salafiste, simpliste et violente, une théologie plus conforme à l’esprit de miséricorde qui est celui de l’Islam. Pour les Français non musulmans, ils doivent se garder de confondre l’islam avec l’islamisme et plus encore avec le djihadisme terroriste. Ce serait tomber dans le piège de Daech. Très concrètement, que proposez-vous pour y parvenir ? L’un de nos objectifs est de promouvoir la formation profane des imams. Nous intervenons aussi pour aider au développement de pôles publics d’islamologie dans les universités ou à la création d’un campus numérique dont le but est d’élever le niveau de conscience des Français de confession ou de tradition musulmane et des Français non musulmans sur ces questions décisives pour l’avenir de notre pays. Nous réfléchissons également à une grande exposition qui montrerait, sur quinze siècles, les interactions entre la civilisation européenne et le monde de l’islam. Bref, nous mettons l’accent sur ce qui rapproche et sur ce qui unit. Et la laïcité peut nous y aider. Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Figaro, samedi 9 décembre 2017, propos recueillis par Alexandre Devecchio.
Le Figaro: Les nationalistes corses sont arrivés largement en tête lors du premier tour des élections territoriales sur l'Ile de Beauté. Comment expliquez-vous ce résultat?
Jean-Pierre Chevènement: Je ne suis nullement surpris par le résultat des élections en Corse. La montée du nationalisme corse est le résultat de démissions successives de tous les gouvernements de droite et de gauche depuis une quarantaine d'années. C'est Valéry Giscard d'Estaing qui a créé l'université de Corte qui est devenue la matrice et le fief du nationalisme corse. La gauche a accordé à la Corse son premier statut et si ce n'avait été l'intervention du conseil constitutionnel, elle aurait reconnu la notion de «peuple corse». J'ai moi-même quitté le gouvernement pour ne pas entériner un transfert de pouvoir législatif à l'Assemblée de Corse. C'était en l'an 2000 et pourtant j'avais accepté que, contre tous les engagements antérieurs, le gouvernement abandonne la renonciation préalable à la violence qu'il exigeait des nationalistes. C'est ainsi que s'est ouvert le processus dit de «Matignon». Je fais également observer que l'Etat français s'est assis sur le référendum de 2003. Les Corses avaient pourtant rejeté la fusion des deux départements. Ils voulaient garder un découpage territorial qui les rapprochait de la France continentale et n'acceptaient pas d'être transformés en territoire d'Outre-mer bis avec une collectivité unique. Le législateur, sous le précédent Président de la République, a fait fi des résultats de ce référendum. En 2003, toutes les forces politiques de droite et de gauche, ainsi que les nationalistes, voulaient la collectivité unique. Ne s'y opposaient que les radicaux de gauche, le PCF et moi-même. Les électeurs corses nous ont alors donné raison mais, en 2014, le Parlement leur a imposé la collectivité unique. Beau déni de démocratie!
Le succès des nationalistes corses peut être relativisé par l’importance de l’abstention. Au total, ils ne représentent que moins d’un quart des inscrits. Mais ce serait une erreur de sous-estimer la poussée de l’ethnicisme en Corse comme partout ailleurs en Europe. C’est une tendance de fond qu’on a pu observer depuis le début des années 90 en Europe centrale et orientale, dans l’ex-URSS, dans les Balkans, et maintenant en Europe occidentale avec la Catalogne, la Flandre, la Lombardie et la Corse. Le cas corse présente une originalité car la Corse n’est pas une région riche. Elle bénéficie de transferts massifs de la part de la collectivité nationale de laquelle les nationalistes corses aspirent à se détacher. C’est la limite de leur revendication. Celle-ci peut cependant se révéler contagieuse. C’est pourquoi on attend du gouvernement de la République française qu’il reste ferme sur ses principes : la République n’a pas de concessions à faire à l’ethnicisme.
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