Entretien de Jean-Pierre Chevènement accordé au Figaro, vendredi 3 juillet 2015. Propos recueillis par Alexandre Devecchio.
LE FIGARO : Le premier ministre Alexis Tsipras va soumettre le plan d'aide à la Grèce à référendum. Que vous inspire cette décision ?
JEAN-PIERRE CHEVÈNEMENT : Cela me paraît être une décision démocratique et légitime. Le plan d'aide est très critiquable. Les institutions de Bruxelles auraient pu bouger sur au moins deux volets. D'abord, le volet financier : le premier ministre grec demandait qu'on allonge de cinq à neuf mois la durée du plan d'aide actuel. Cela était tout à fait raisonnable. Ensuite, sur le volet de la dette. Des Prix Nobel d'économie comme Joseph Stiglitz ou Paul Krugman, mais aussi en France le directeur de la recherche et des études de Natixis, Patrick Artus, qui n'a rien d'un gauchiste, s'accordent à reconnaître que la dette grecque, qui représente 177 % du PIB, n'est pas soutenable ni donc remboursable. Il y a une volonté punitive dans ce « plan d'aide » : on voulait par avance donner une leçon au Portugal, à l'Espagne, à l'Italie, voire à la France. Plus largement, il est le symbole de l'échec de la « règle d'or » imposée en 2012 à tous les pays d'Europe après avoir été adoptée par l'Allemagne dès 2009. Mais ce qui vaut pour l'Allemagne ne peut pas valoir pour tous les autres. On touche au vice originel de la monnaie unique qui juxtapose des pays très hétérogènes et fait diverger leurs économies au lieu de les faire converger. Par un mécanisme bien connu, les zones les plus productives ont vu leur production croître tandis que les zones moins compétitives ont vu la leur décliner et se sont donc appauvries. Il y a un défaut de conception au départ dont le résultat était tout à fait prévisible. Certains dirigeants européens se sont agacés de cette décision. Comprenez-vous cette réaction ? Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a dit : « Il n'y a pas de démocratie en Europe en dehors des traités. » Or le traité de Lisbonne reprend la quasi-totalité, la « substance » comme l'a dit M me Merkel, du projet de « traité constitutionnel » qui avait justement été rejeté par le peuple français en 2005 par référendum. Par ailleurs, M. Juncker ne me paraît pas le mieux placé pour mener le combat du oui au référendum grec. En effet, il a été un excellent premier ministre luxembourgeois mais du point de vue du Luxembourg qu'il a organisé, avec succès, comme un véritable paradis fiscal ! Cela ne le qualifie pas pour prêcher la solidarité.
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le 3 Juillet 2015 à 12:44
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Commentaires (4)
Carnet de Jean-Pierre Chevènement
Le dispositif antiterroriste centralisé qu’il a mis en place a montré son efficacité et n’a pas été remis en cause par la gauche.
C’est dans la loi de janvier 1995 sur la police qu’on trouve pour la première fois le mot de police de proximité. C’est ce que j’ai mis en œuvre en 1999-2000 mais que Nicolas Sarkozy a ensuite laissé dépérir. Charles Pasqua était taillé pour les situations difficiles. Ayant fait très jeune ses premières armes dans la Résistance, il a gardé de cette formation précoce quelques méthodes d’action qui lui ont été reprochées. Nul cependant ne lui conteste le talent et l’énergie. Il animait la scène politique. Je n’oublie pas non plus nos combats communs : il est dommage que nous n’ayons pu en 1992 enrayer la mécanique de la monnaie unique dont on voit aujourd’hui les résultats. Charles Pasqua était un patriote. Il a été un grand serviteur de la France
J’apprends avec beaucoup de peine le décès d’Evgueni Primakov, qui fut un grand serviteur de la Russie comme Premier Ministre et plus généralement dans les affaires internationales. Primakov est un nom que l’Histoire n’oubliera pas. A sa famille, à ses proches et au gouvernement russe, j’adresse mes condoléances attristées.
Agenda et médiasJean-Pierre Chevènement était l'invité du Talk Le Figaro-Orange, mardi 22 juin 2015. Il répondait aux questions de Yves Thréard.
Verbatim express :
Entretien de Jean-Pierre Chevènement accordé aux Dernières Nouvelles d'Alsace, vendredi 19 juin 2015.
DNA : Dans quel état d’esprit êtes-vous après avoir démissionné du MRC, que vous aviez fondé ?
Jean-Pierre Chevènement : Je suis à la fois peiné et soulagé, dans l’état d’esprit de quelqu’un qui estime qu’il vaut mieux explorer un chemin certes difficile mais nouveau que de s’entêter dans une impasse. Un parti, surtout s’il est très petit, est prisonnier de sa logique. Moi je suis enfin libre. J’ai toujours vécu à voix haute et je continuerai à m’exprimer sur tous les sujets qui concernent l’avenir de la France : la monnaie unique, la crise grecque, la désindustrialisation, le chômage, la crise ukrainienne, le terrorisme et Daech, etc. Je garde le contact avec tous ceux qui cherchent une issue authentiquement républicaine aux problèmes du pays, sans exclusive. Vous avez cosigné un appel contre la réforme du collège avec Luc Ferry et François Bayrou, deux ex-ministres de l’Éducation comme vous, mais dans des gouvernements de droite. Pourquoi ? Tout ancien ministre de l’Éducation Nationale a une responsabilité vis-à-vis de la jeunesse qui transcende les clivages partisans. L’école, est une institution de la République. Elle doit former des citoyens, par la transmission des savoirs et des valeurs. Or, la réforme des collèges ne va pas du tout dans ce sens. Elle s’inscrit dans la continuité d’une tout autre inspiration dite « pédagogiste », ou si vous préférez soixante-huitarde : l’objectif n’est plus la transmission des connaissances, mais le façonnement d’un homme nouveau. Utopie ruineuse, qui explique en grande partie l’affaissement de l’école depuis deux décennies ! La réforme des collèges supprime 20 % des enseignements disciplinaires pour mettre à la place des « enseignements pratiques interdisciplinaires » (EPI) dont le flou est révélateur : « corps, santé, bien-être et sécurité », « monde économique et professionnel », « transition écologique et développement durable »… Bref, du chewing-gum ! Vous défendez « l’élitisme républicain ». Oui, je définis celui-ci comme « la possibilité donnée à chacun d’aller au bout de ses capacités ». C’est cela l’égalité, et non pas l’égalitarisme niveleur. Je reprends à mon compte l’objectif assigné à l’École à la Libération par Paul Langevin, qui était communiste : « La promotion de tous et la sélection des meilleurs. » Pourquoi supprimer le latin et le grec qui nous rattachent aux origines de notre civilisation, ou les classes bilangues qui ont permis d’enrayer le déclin de l’allemand ? Un enseignement de qualité tirera tous les élèves vers le haut, alors que la théorie qui a consisté, depuis la loi d’orientation de 1989, à « mettre l’élève au cœur de l’école » et non plus le Savoir, nous donne aujourd’hui, à la sortie, le sauvageon. Carnet de Jean-Pierre Chevènement
La reconduction des sanctions prises à l’encontre de la Russie depuis septembre 2014 a été décidée le 17 juin au niveau des Ambassadeurs de l’Union européenne.
Cette décision qui doit être entérinée lundi 22 juin par les ministres des Affaires étrangères, puis par les Chefs d’Etat et de gouvernement n’est ni juste ni raisonnable. Elle n’est pas juste parce que la non-application des accords de Minsk II résulte essentiellement du refus de l’Ukraine d’appliquer leur volet politique concernant la décentralisation des régions russophones de l’Est. Elle n’est pas non plus raisonnable. Nos exportations vers la Russie, composées aux deux tiers de produits de haute technologie ont déjà chuté de 9 à 6,7 Milliards d’euros de 2012 à 2014, soit du quart. Pour le premier trimestre de 2015 elles chutent encore du tiers (-33,6 %) par rapport au premier trimestre 2014. L’institut autrichien Wifo évalue à un point du PIB en 2015 l’impact négatif sur la croissance allemande et à 0,5 % et 15 000 emplois de moins l’impact sur la France. C’est l’ensemble du commerce extérieur qui est grippé et pas seulement les secteurs visés par les sanctions, du fait de la frilosité des banques elles-mêmes tétanisées par l’application extraterritoriale et arbitraire du droit américain. Il me semble que la voix de la France devait se faire entendre et pas seulement celle de la Grèce, pour refuser une politique qui, à travers l’Union européenne, fait de notre politique étrangère l’otage de la politique américaine. Carnet de Jean-Pierre Chevènement
M. Jean-Pierre Chevènement, ancien Ministre, a déclaré :
« Le Club République moderne, créé en 1983 a renouvelé ses instances lundi 15 juin 2015. Son bureau est ainsi composé : Président : Jean-Pierre Chevènement 1ère Vice-présidente : Marie-Françoise Bechtel, députée de l’Aisne Vice-présidents : Christian Hutin, député du Nord, Christine Meyer, conseillère régionale des Pays de Loire, Jean-Yves Autexier, ancien parlementaire Secrétaire générale : Estelle Folest, cadre supérieure Secrétaire général adjoint : Claude Nicolet, conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais Trésorier : Gérard Pierre, universitaire Trésorier adjoint : Marie-Pierre Logelin, professeur Le Club République moderne prendra l'initiative à la rentrée d'un débat ouvert sur le thème « Europe et souveraineté ». Jean-Pierre Chevènement Entretien de Jean-Pierre Chevènement accordé au Parisien, lundi 15 juin 2015. Propos recueillis par Martine Chevalet.
Le Parisien : Maintenant, que voulez-vous faire ?
Jean-Pierre Chevènement : Il faut créer un mouvement d’idées alternatif qui transcende les sensibilités historiques car on ne sortira pas la France de l’ornière sans cela. Le clivage gauche-droite ne correspond plus à la réalité depuis que la droite, tournant le dos au gaullisme, et la gauche, au projet de transformation sociale d’où est tirée sa légitimité, se sont retrouvées sur un projet soi-disant européen mais profondément régressif. On en voit aujourd’hui les résultats. Ce qui est en jeu c’est le redressement de la construction européenne à partir de ses nations et sur la base d’un projet « d’Europe européenne », pour reprendre l’expression du général de Gaulle. Concrètement, qu’est-ce qui motive votre départ du MRC ? J’ai essayé en vain de faire bouger la direction du MRC. Je lui ai proposé d’être le fer de lance d’une alternative républicaine dans une démarche de rassemblement sans sectarisme. Mais c’est un petit parti prisonnier de sa logique. C’est pourquoi le débat y a été étouffé. Pour ma part, je compte relancer le club République moderne que j’ai fondé en 1983 après avoir quitté le gouvernement. Mais pourquoi vouloir privilégier Dupont-Aignan ? Je suis partisan d’un dialogue sans exclusive et sans sectarisme avec tous ceux qui souhaitent une alternative républicaine, de Mélenchon à Dupont-Aignan. Je ne veux pas précipiter à la trappe les hommes et les femmes qui composent les partis de gouvernement, mais leur logiciel est complètement périmé. Ils doivent renouveler leur grille de lecture du monde. Source : Le parisien |
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