ActualitésLes actes du colloque du 20 avril 2015 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
Tribune de Jean-Pierre Chevènement dans La Croix, vendredi 29 mai 2015.
Le rejet du projet de traité constitutionnel européen par le peuple français, par 55 % des suffrages exprimés, a exercé sur le gouvernement français un effet de tétanie jusqu’à l’élection présidentielle de 2007. Il est vrai aussi que le camp du non n’a pas su proposer une alternative sérieuse, faute que son candidat naturel, Laurent Fabius, se soit porté candidat à l’élection présidentielle de 2007.
Candidat à l’élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy prétendait surmonter la difficulté par un « court traité ». En fait, le traité de Lisbonne, adopté en 2008 quand il fut élu président, a repris la quasi-intégralité du texte du « projet de traité constitutionnel », répondant ainsi au vœu exprimé par Angela Merkel d’en voir préservée « la substance ». Un Congrès fut réuni à Versailles pour adopter à la majorité des deux tiers la révision constitutionnelle nécessaire. Il faut le dire : ce véritable déni de démocratie n’a été rendu possible que par l’accord de l’UMP et du PS, et d’abord de leurs chefs. Intervention de Jean-Pierre Chevènement au colloque "François Mitterrand et la Défense", Ecole militaire, mercredi 20 mai 2015.
I – La fin de la guerre froide [0]
Les positions de François Mitterrand, tout au long de la guerre froide, sont bien connues. François Mitterrand était hostile au communisme et à l’URSS mais pas à la Russie. Il appuie Kohl et l’OTAN dans la crise des euromissiles en février 1983, à la veille des élections générales en Allemagne qui opposent Kohl (SPD-Verts) à Oskar Lafontaine et à sa coalition pacifiste (SPD-Verts), ce qui renvoie à deux schémas de réunification de l’Allemagne très différents, au sein ou en dehors de l’OTAN. La chose à l’époque est passée inaperçue. Elle permettra la réunification-absorption de 1990. Mais, François Mitterrand va faire bon accueil en 1985, à Gorbatchev et à sa pérestroïka. Il fait le pari de la sincérité de Gorbatchev mais doute que le communisme soit réformable. Aussi va-t-il maintenir une posture de grande prudence sur le plan militaire vis-à-vis de l’Union Soviétique. Car qui peut savoir si Gorbatchev réussira et de quoi demain sera fait ? Entretien de Jean-Pierre Chevènement accordé au quotidien Le Figaro, mardi 19 mai 2015. Propos recueillis par Caroline Beyer.
Le Figaro : Vous êtes opposé à la réforme du collège. Pour quelles raisons ?
Jean-Pierre Chevènement : L’école souffre depuis longtemps d’une incessante « réformite ». Pourtant, l’école a besoin de stabilité. Et les élèves issus de milieux modestes ont avant tout besoin d’une école structurée. Sa mission fondamentale est la transmission des savoirs et des valeurs républicaines. Cela ne va pas sans effort. Or, la « réforme » va toujours dans le même sens : le laxisme, au prétexte de l’ouverture et du « suivi personnalisé ». Cette réforme du collège diminue les horaires des disciplines pour promouvoir des enseignements pratiques interdisciplinaires. Or, il n’y a de véritable interdisciplinarité que sur la base de savoirs disciplinaires maîtrisés. Selon François Hollande, « il n’y a pas de raison qu’il y ait du statu quo à l’école, alors qu’il n’y a pas de statu quo dans les entreprises ». Que pensez-vous de cet argument ? François Hollande méconnaît la spécificité de l’école : c’est, en France, une institution de la République et non la juxtaposition d’établissements qui définissent eux-mêmes leur projet. Cette thèse, c’était celle de Luc Chatel. Le philosophe Alain voulait faire de l’école républicaine « un sanctuaire ». Nous en sommes loin !
L’entretien que M. Michel Lussault, président du Conseil National des programmes scolaires, donne au Monde du 14 mai dernier, m’inspire une réflexion spontanée : M. Lussault n’a pas l’air de savoir que l’Ecole, en France, est l’Ecole de la République et qu’à ce titre sa plus belle mission est de former des citoyens. Il a oublié la phrase de Michelet : « La France est une personne … » que les fondateurs de l’Ecole républicaine, eux, avaient bien comprise et que n’auraient reniée ni Jaurès, ni De Gaulle, ni Mendès-France. Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, le rejet de la nation est dans l’air du temps.
M. Lussault s’en prend d’emblée à « une hypothétique belle et bonne histoire de France ». « Faut-il, ajoute-t-il, un enseignement allégorique, enseignant une nation française mythique qui n’a jamais existé ? ». Et de s’en prendre au « roman national » : « Il y a quelque chose de dérangeant dans l’idée récurrente de vouloir faire de l’Histoire un « roman national ». Cela renvoie à une conception de l’Histoire qui ne serait plus un outil de lucidité ». Jean-Pierre Chevènement était l'invité de France Inter, lundi 18 mai 2015. Il répondait aux questions de Léa Salamé.
Daesh, Syrie (Palmyre), Irak (Ramadi)
Entretien de Jean-Pierre Chevènement paru dans la Revue des Deux Mondes, mai 2015. Propos recueillis par Valérie Toranian et François d'Orcival.
Revue des Deux Mondes : Vous symbolisez l’autorité depuis quarante ans. Tout le monde s’en réclame depuis quelques mois. La France toute entière semble devenue « chevènementiste ». Cela vous fait plaisir ?
Jean-Pierre Chevènement : Ça me fait sourire. Il ne suffit pas de récupérer les mots pour que l’énergie soit au rendez-vous. Ce qui manque, c’est la vue d’ensemble dans le temps et dans l’espace : la conscience de l’Histoire et en même temps la vision mondiale des problèmes. Je ne pense pas que ça puisse s’acquérir en un jour. C’est l’effet de la pratique et de la réflexion. Vous avez toujours incarné à la fois la République, l’autorité et la nation. Où en-sont ces valeurs aujourd’hui ? Notre pays n’a plus de lui-même une vision très claire. D’abord, il y a eu la France comme création politique qui « vient du fond des âges », selon la formule du général de Gaulle (Mémoires d’Espoir). Puis la France a pris conscience d’elle-même comme nation. Une nation devenue souveraine en 1789 ; la République est née trois ans après. Mais elle a mis beaucoup de temps à s’affermir et il a fallu attendre le général de Gaulle et François Mitterrand pour stabiliser son fonctionnement institutionnel. Je cite François Mitterrand car l’alternance a évidemment renforcé le crédit des institutions de la Ve République. J’ai toujours pensé qu’il était nécessaire que le président soit l’homme de la nation. Mais il faut aussi se demander comment, avec l’élection au suffrage universel, le président de la République peut demeurer l’homme de la nation, c’est-à-dire être l’élu de tous les Français. Peut-il transcender les conditions de son élection ? Il n’est pas évident que l’objectif du général de Gaulle ait été acquis. La présidence pourrait devenir et redevient d’ailleurs un enjeu dans le système des partis. Le quinquennat va-t-il dans le bon sens ? Je ne le pense plus. Tout ce qui donne au président une vue longue est bon et naturellement, le gouvernement doit procéder de l’Assemblée nationale : la démocratie doit fonctionner. Mais la France a besoin d’un Président de la République qui soit l’homme de la Nation. C’est ainsi qu’elle peut assumer son histoire. Nous avons atteint une limite. Une réflexion collective devrait être menée sur le sens de nos institutions, sans qu’il soit question de les changer ; il faut leur restituer leur place, leur autorité.
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Les actes du colloque du 9 mars 2015 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
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