Sur le voyage de Manuel Valls à Berlin
- Manuel Valls n'a commis aucune faute. Je trouve cette polémique ridicule et dégradante à beaucoup d'égards.
- Manuel Valls était invité à Berlin par Michel Platini, il y est allé, il a pris un avion, et il y avait de la place, il a pris ses enfants avec lui. Je pense qu'un Premier ministre est un homme très occupé, il a peu le temps de voir ses enfants, donc c'est tout à fait normal, et cela n'a pas coûté un rond de plus. L'avion devait voler dans tous les cas, il y avait des places libres...
- Le Premier ministre a été invité par le président de l'UEFA. Je trouve que c'est un déplacement officiel, ce n'est pas un déplacement privé.
- Il faut arrêter de ramener la politique à moins que des faits divers : c'est de la politique fiction, c'est de l'émotion mal contrôlée. Il faut essayer de se centrer sur les grands sujets.
- Le niveau de la politique a tellement baissé que les Français se détournent des partis politiques, qui leur tiennent tous le même langage, ne leur offrent plus de perspectives, de discours mobilisateurs. Mais le décri systématique des hommes politiques, dont certains sont des gens non seulement intègres, mais travailleurs, me paraît également injuste.
- Je pense qu'il y a un moment où l'équilibre n'est plus respecté par la plupart des médias, qui rentrent dans cette espèce de facilité qui est de décrier tout responsable politique : « Tous pourris ». Vous savez c'est une vieille thématique d'extrême-droite, il faut le dire. Donc non, pas « tous pourris ». Il y a des gens honnêtes, travailleurs, qui ont quand même un certain sens de l'intérêt général.
- Manuel Valls est un homme tout à fait respectable, qui a une autorité naturelle. On peut être en désaccord avec sa politique, mais personne ne contestera la qualité du Premier ministre.
- On alimente en permanence la déviation du système en tentant d'éteindre soi-même toutes les bulles médiatiques. Mais il y a une autre technique, et je vais vous révélez un petit secret : quand il y a une bulle médiatique, il faut la laisser crever. Et il y a toujours d'autres bulles médiatiques qui poussent la précédente, de sorte que le calme, le sang froid, l'abstention, sont souvent la meilleure attitude.
- (S'adressant à Ruth Elkrief et plus généralement aux médias) Vous avez monté un système de sondages, et vous entretenez en permanence l'émotion, mais c'est une erreur. Si je peux me permettre de vous donner un conseil : vous devriez toujours chercher à aller au fond des choses, pour élever le niveau du débat public, et pour aider les citoyens à prendre leurs responsabilités.
Sur les évacuations de migrants à paris
- Ce qui me frappe, c'est le dévoiement de certaines attitudes, venant de milieux associatifs qui se parent des meilleures intentions du monde, mais qui interviennent pour empêcher l'application de la loi républicaine. En l'occurrence, le préfet de police de Paris a pris une décision, celle de libérer l'espace public d'un certain nombre de migrants qui s'y donnaient rendez-vous. Il s'était engagé à les reloger, et il l'a fait.
- On donne à ces militants associatifs beaucoup trop d'importance... les médias doivent veiller à ne pas alimenter une mise en cause de la loi républicaine, qui ensuite, à travers les images, peut susciter une certaine émotion. Cette émotion vous savez, elle n'est pas toujours la même. Il y a les gens qui sont choqués mais il y a aussi beaucoup de gens qui se disent en voyant ces militants « associatifs » s'interposer entre la police et les demandeurs d'asiles (qui ne le sont pas tous d'ailleurs) qu'il faut voter Front National ! Ces comportements non-républicains alimentent le Front National, en montrant que la loi républicaine n'est rien.
Sur les propos de Cécile Duflot parlant d'un « Waterloo moral »
- Ce sont des propos totalement irresponsables. Je pense que Cécile Duflot devrait réfléchir à ce qu'elle écrit. Je pense qu'on ne peut pas accepter que tous les étrangers qui le souhaitent viennent s'installer sur le territoire national. Il y a une loi, elle doit s'appliquer. Naturellement, elle doit être appliquée avec fermeté, mais en même temps, avec humanité, en tenant compte de la tradition française en matière de droit d'asile.
- Je dirais à Cécile Duflot que les chemins de l'enfer sont pavés de bonnes intentions.
- Tout gouvernement doit se débattre au milieu d'agitations groupusculaires, médiatico-relayés et entretenus par des sondages, de sorte que gouverner en vue du bien public est devenu une chose bien difficile.
Sur la réforme du collège
- Je juge cette réforme contraire à l'intérêt de la République.
- Je pense que quand on diminue de 20% les horaires des disciplines, naturellement on contribue à l'abaissement du niveau. Et l'abaissement du niveau, c'est quand même bien ce qui frappe déjà aujourd'hui !
- Les nouveaux programmes interdisciplinaires sont chewing-gum ! On peut tout y mettre !
- Je pense que Manuel Valls a un penchant républicain qui mériterait d'être encouragé. Or, en l'occurrence, il a cédé à un courant qui est le contraire. Il y a un courant qui refuse d'opposer la démocratisation de l'école et sa qualité, c'est l'élitsme républicain, qui donne à chacun la possibilité d'aller au bout de ses possibilités ; et l'autre courant ne met pas le savoir mais l'élève au centre de l'école. Eh bien, aujourd'hui, nous avons le sauvageon au centre de l'école.
- Cette seconde tendance, pédagogiste, est amenée à préparer la destruction de l'école en tant qu'institution de la République. Voyez l'idée de l'autonomie des établissements : si tous les établissements sont autonomes, il n'y a plus d'école de la République. Il y a des établissements très inégaux entre eux. Si on recrute les maîtres non plus en fonction de savoirs scientifiques, disciplinaires, mais de critères pédagogistes, en amont, pour les former ensuite, cela veut dire qu'on accorde beaucoup moins d'importance à des savoirs académiques et beaucoup plus à des savoirs comportementaux, qui n'en sont pas en réalité.
- J'appelle avec deux anciens ministres de l'Education nationale François Bayrou et Luc Ferry à signer une pétition contre la réforme du collège, par devoir pour la jeunesse du pays.
Questions diverses
- Arnaud Montebourg a beaucoup de traits sympathiques. Je pense qu'il aurait été plus utile au sein du gouvernement, où il a quand même fait du beau travail. Et j'ajoute qu'il faut prendre conscience de ce que le gonflement continue du chômage depuis trente ans à fait le lit du Front National.
- Ce qui fait le lit du Front National, ce n'est pas Jean-Pierre Chevènement, ce n'est pas Arnaud Montebourg : c'est une politique qui n'a jamais changé, parce que ceux qui la mènent ne veulent en aucune manière tenir compte des aspirations qui s'expriment, et des réorientations au niveau européen qui seraient nécessaires. Ce n'est pas l'Europe en soi, mais la manière de faire l'Europe, qui est très critiquable, et cela depuis l'origine. On voit le résultat aujourd'hui.
- Si on prend le terrorisme : j'ai alerté au moment de la guerre du Golfe sur ce qui allait se passer. On voit le résultat aujourd'hui. Je pourrais multiplier les exemples. Il y a une politique dont on voit les conséquences à très long terme. C'est pourquoi il ne faut pas se laisser absorber par ces petites peccadilles ridicules, qui ne sont même pas des peccadilles, car il n'y a pas l'once d'un péché pour Manuel Valls ici.