Commentaire du discours prononcé par Charles de Gaulle à Bayeux, par Jean-Pierre Chevènement, au Théâtre de Cergy, le 08 avril 2015.


I. Première partie du discours de Bayeux : La légitimité.[1]

Cette première partie du discours de Bayeux est d’abord une affirmation de la légitimité incarnée par de Gaulle dès le 18 juin 1940. Elle contrarie la mode qui s’est instituée depuis qu’en juillet 1995 Jacques Chirac a déclaré à propos de la rafle du Vel’ d’Hiv : « La France a commis l’irréparable », la France et non pas « l’Etat français ».

Pour de Gaulle, au contraire, le gouvernement Pétain, pourtant nommé par le Président de la République de l’époque, Albert Lebrun, le 16 juin 1940, perd sa légitimité dès le lendemain 17 juin quand Pétain demande à Hitler à connaître les conditions de l’armistice.

- Premier point. De Gaulle explicite sa pensée dès le 18 juin et plus encore le 22 : « La France a perdu une bataille mais elle n’a pas perdu la guerre car cette guerre est mondiale » (18 juin).

- Deuxième point. « Ce n’est pas seulement l’honneur mais c’est aussi l’intérêt de la France de continuer le combat. Que resterait-il de la France si elle se retirait d’une guerre mondiale où le camp de la liberté aurait fini par triompher ? » (22 juin). J’insiste sur cette vision : l’Etat pour être légitime doit reposer sur l’intérêt de la nation. Cette guerre est mondiale : elle entrainera tôt ou tard les Etats-Unis et l’URSS, elle-même dans le camp des Alliés.
En trahissant l’engagement pris vis-à-vis de la Grande-Bretagne de ne pas conclure une paix séparée, le gouvernement du Maréchal Pétain commet une erreur politique et une faute morale.

Entretien de Jean-Pierre Chevènement paru dans Défis, avril 2015.


"Patriotisme économique et Europe européenne"
Défis : La notion de patriotisme économique vous paraît-elle légitime dans le discours politique ?
Jean-Pierre Chevènement : Le patriotisme économique doit être soigneusement distingué du nationalisme économique. Le patriotisme économique est la défense de l’intérêt général du pays concerné, et cet intérêt général ne s’oppose pas forcément à un intérêt plus vaste. Il n’y a sur un aussi vaste sujet que des réponses particulières. Par exemple, la France est aujourd’hui un pays en voie de rapide désindustrialisation dont le déficit commercial en 2012 atteignait 75 milliards d’euros. Face à une telle désindustrialisation, il est nécessaire de se préoccuper de redresser le cours des choses, si l’on raisonne à l’aune des intérêts de la France. Mais qui raisonne encore aujourd’hui dans l’univers politique et économique à l’aune des intérêts de la France ? Le paradigme européen s’est substitué au paradigme national dans les années 1980- 1990 et aujourd’hui parler d’intérêt national est très mal perçu par un certain nombre de gens. C’est une erreur car, hormis le cas des très jeunes Etats qui ne constituent peut–être pas encore véritablement des Etats-nations (notamment en Afrique), le monde reste fait de nations. Les pays dit « émergents » sont des nations sûres d’elles-mêmes, conquérantes, qui veulent laver l’humiliation qu’elles considèrent avoir subie à l’époque où elles étaient colonisées ou plus ou moins mises en coupe réglée, comme la Chine. On ne peut pas comprendre le dynamisme chinois actuel sans avoir saisi que la Chine souhaitait purger le siècle d’éclipse qu’elle a connu du milieu du 19ème siècle jusqu’à 1949.
La conclusion d’un accord entre les puissances occidentales, la Russie d’une part, et l’Iran d’autre part, met fin à une situation qui n’était plus tenable. L’Iran renonce à acquérir l’arme nucléaire, en contrepartie les sanctions internationales qui pénalisaient le développement de ce grand pays doivent être levées. La France, soucieuse de garanties, ne doit cependant pas donner le sentiment de mener un combat d’arrière-garde en freinant l’accord définitif qui interviendra en juin. Elle doit contribuer à un équilibre de sécurité stable entre l’Iran et les puissances sunnites au service de la paix. La France et l’Iran ont beaucoup de choses à faire ensemble.

le 3 Avril 2015 à 11:52 | Permalien | Commentaires (3)

Intervention de Jean-Pierre Chevènement, représentant spécial de la France pour la Fédération de Russie, à l'Assemblée générale de l'Association du Dialogue franco-russe, jeudi 26 mars 2015.


Je remercie le Dialogue franco-russe de m’avoir invité à participer à son Assemblée générale, en présence notamment du Vice-Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie, M. Mechkov, et de Monsieur le Président Yakounine que je suis heureux de saluer.

Nous vivons avec la crise ukrainienne un moment difficile mais, comme le dit le proverbe, « c’est dans les crises qu’on voit ses véritables amis ». La France est particulièrement soucieuse de préserver l’avenir de la paix et de la relation franco-russe, comme l’ont montré les initiatives prises par le Président Hollande pour hâter une sortie de la crise ukrainienne.

J’organiserai mon propos en trois points.
  • cette crise, selon moi, était évitable ;
  • le Président de la République a tenté une médiation qui a abouti aux accords de Minsk II dont l’application doit permettre la levée des sanctions ;
  • il faut enfin et surtout donner un contenu positif à la sortie de crise en unissant nos efforts pour stabiliser l’Ukraine politiquement, mais aussi économiquement.
Mots-clés : france otan russie ukraine

le 27 Mars 2015 à 16:57 | Permalien | Commentaires (0)
Monsieur Sarkozy commet une grave faute en prônant « le ni-ni » au second tour des élections départementales entre les candidats du Front National et les candidats de gauche.

Je suis d’autant plus choqué que M. Sarkozy avait manifesté, il y a peu de semaines, l’intention de rebaptiser l’UMP de la seule épithète « Les Républicains », prétention en elle-même déjà très choquante.

Comment en effet un parti pourrait-il s’approprier, sans autre précision, la République qui, par définition, est la chose de tous ? Et comment M. Sarkozy peut-il renvoyer dos à dos l’extrême droite, de quelque façon qu’elle se maquille, et la gauche qui structure le paysage politique français depuis 1791, c’est-à-dire depuis plus de deux siècles ?

J’en appelle aux électrices et aux électeurs pour que dimanche 29 mars il fassent aller de pair la République et l’exigence qu’elle comporte.

Intervention de Jean-Pierre Chevènement à la conférence organisée par l'Association France - Grande-Bretagne, mardi 10 mars 2015.


I – Deux nations dont le sort a été longtemps étroitement mêlé.

1. On ne sait si la France a conquis l’Angleterre en 1066. Certains le croient : ce sont les Français. Pour les Anglais, ce sont les Normands mais ceux-ci s’étaient, après un siècle et demi, complètement francisés (Ces sauvageons avaient construit les abbayes de Jumièges, de St Wandrille et tissé la Tapisserie de Bayeux !

Les souverains britanniques sont restés longtemps rois de France mais ce sont les Plantagenet qui n’étaient pas normands mais d’Anjou. Grâce à Aliénor d’Aquitaine ils ont pu soutenir, jusqu’au XVe siècle, plus que l’idée : la réalité d’un Royaume unique, que le Channel traversait, comme la Seine traverse Paris.
L’attentat terroriste du musée du Bardo n’a qu’un objectif : casser le développement réussi de la démocratie tunisienne, et l’espoir que celle-ci représente pour le monde arabe tout entier.

La France doit prendre la tête d’un mouvement de solidarité de toutes les démocraties à l’égard de la Tunisie blessée.

Blessée mais toujours debout ! Tous les démocrates de par le monde se reconnaissent dans le combat du peuple tunisien pour pouvoir construire librement son avenir, à l’abri des chantages de la terreur.

Intervention de Jean-Pierre Chevènement au colloque "L'Après-janvier : plus que jamais la République laïque", organisé par le "Comité laïcité et République", samedi 14 mars 2015.


Les attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 à Paris comportent une leçon essentielle : ils illustrent a contrario la pertinence de l’idéal laïc pour nous aider à relever le défi.


I - La laïcité n’est pas tournée contre les religions.

Définition de la laïcité : c’est la croyance en la raison naturelle et en la capacité des citoyens (formés par l’Ecole de la République) à s’entendre sur une idée du bien commun  (« Res Publica »), dans un espace public soustrait à l’empire des dogmes.

La laïcité n’est pas tournée contre les religions ; il y a une déontologie de l’Ecole laïque qu’on trouve dans la lettre de Jules Ferry aux instituteurs. Ne pas confondre laïcité à l’Ecole et liberté d’expression dans l’espace public. La seule limite à cette liberté c’est le refus de l’appel à la haine. Mais un professeur de dessin, à l’Ecole publique, ne peut caricaturer Mahomet.

Manifestation du 11 janvier 2015 :

Ce que signifie « Je suis Charlie » : je n’admets pas qu’on porte atteinte à la liberté d’expression » et non « Je suis sur la ligne éditoriale de Charlie ». Encore moins « Je suis contre l’Islam ».
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