Article de Jean-Pierre Chevènement pour L’Ena hors les murs (revue des anciens de l'ENA), La République, n° 375, octobre 2007.
L’Ena hors les murs, La République, n° 375, octobre 2007
Si la République se définit d’abord par la souveraineté du Peuple, il se pourrait bien qu’elle nous divise aujourd’hui plus qu’elle ne nous réunisse. En effet, loin des consensus mous qui nous font si souvent communier dans la religion de l’existant (la République identifiée au suffrage universel) ou bien dans la bienpensance (la « Constitution européenne » prématurément intégrée à notre Constitution), la République est d’abord une exigence de responsabilité civique. Le citoyen est une parcelle du Souverain et la citoyenneté s’apprend. C’était le rôle de l’Ecole publique d’« éduquer à la liberté », dans un espace laïque où la seule religion était celle de l’intérêt commun. La citoyenneté demande à chacun d’oublier son intérêt particulier pour se hausser à la hauteur de l’intérêt général.
Or, que reste-t-il de ce modèle qui met l’intérêt commun et la Raison au cœur de la République, quand celle-ci cesse de s’identifier à la communauté nationale, cadre naturel du débat démocratique, qu’en conséquence la grande majorité des règles qui nous régissent sont élaborées dans des instances européennes très largement déconnectées du suffrage universel et qu’enfin le « marché » (ou « la concurrence »), en fait et en droit, impose sa loi ? Que reste-t-il de la « volonté générale » dont Rousseau avait formulé la théorie, quand « les marchés » et le droit européen imposent leur primauté ? Le verdict du marché au jour le jour ne saurait en effet s’identifier à l’intérêt général parce que le marché ne connaît pas le long terme et qu’aussi bien l’économie ne saurait absorber le politique. Au-dessus du marché, il y a le citoyen. La loi n’est l’expression de la volonté générale, que si le peuple dont elle émane conserve sa souveraineté, c’est-à-dire une raisonnable autonomie. C’est cette difficile équation que le nouveau Président de la République, grand adepte du volontarisme en politique, prétend résoudre.
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Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le 23 Octobre 2007 à 12:41
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Dépêche Reuters, lundi 22 octobre 2007, 8h52.
Jean-Pierre Chevènement considère le traité simplifié adopté par les Vingt-Sept la semaine dernière à Lisbonne comme une "entourloupe" et réclame qu'il fasse l'objet d'un référendum en France.
"On se moque du monde, on se moque du peuple Français", a déclaré sur France 2 le président d'honneur du Mouvement républicain et citoyen. "Je demande à tous les citoyens de faire pression sur leurs députés pour qu'ils ne se prêtent pas à cette mascarade et que tout le monde exige un référendum", a ajouté l'ancien ministre, qui estime que le texte rejeté par les Français en mai 2005 n'a subi que "quelques modifications de forme" depuis lors. Jean-Pierre Chevènement, qui avait appelé à dire "non" à la Constitution européenne il y a deux ans, réclame que le nouveau texte soit adopté par référendum et non par la voie parlementaire, comme l'a décidé le président Nicolas Sarkozy. Dépêche AFP, lundi 22 octobre 2007, 8h45.
Le président d'honneur du MRC (Mouvement républicain et citoyen), Jean-Pierre Chevènement, a jugé "un peu ridicule" que le président Nicolas Sarkozy n'assiste pas lundi à la lecture de la lettre de Guy Môquet dans un lycée.
"Ca me paraît un peu ridicule, je pense que Nicolas Sarkozy devrait affronter quelques sifflets d'enseignants", a déclaré M. Chevènement sur France 2. Le chef de l'Etat, qui avait lui même décidé de cette journée d'hommage, ne se rendra pas dans un lycée, comme un temps envisagé, à l'occasion de la journée de commémoration du Résistant Guy Môquet, a annoncé dimanche son conseiller spécial Henri Guaino, invoquant des raisons d'agenda. Interrogé sur la polémique parmi les enseignants sur la lecture de cette lettre, M. Chevènement a indiqué que "comme ancien ministre de l'Education", il ne "conseillerait pas l'indiscipline aux enseignants". "Mais je leur demanderais de lire la lettre dans son contexte, celui de la Résistance, en parlant de l'esprit de la Résistance qui est la lutte contre toutes les formes qui oppriment la liberté". Même si cette journée de commémoration est "une retombée de la campagne électorale" de M. Sarkozy, "il n'est pas mauvais qu'on apprenne à travers l'exemple de Guy Môquet que la France n'était pas Vichy comme certains essaient de nous le faire croire", a-t-il expliqué. ActualitésEntretien à l'Est républicain, Propos recueillis par François Zimmer, lundi 22 octobre 2007
L'Est républicain : Que devenez-vous depuis votre défaite aux législatives et votre démission de votre poste de maire de Belfort ?
Jean-Pierre Chevènement : Je prépare 2012 à travers la refondation de la gauche sur des bases républicaines. J'ai plus de temps pour me consacrer à la Fondation Res Publica que j'ai créée il y a trois ans. C'est par les idées qu'on peut redresser la politique ! Et je reste très actif au plan local, comme président de la communauté d'agglomération belfortaine. Il ne se passe pas une semaine sans que je n'intervienne pour défendre les intérêts de Belfort et de son département. C'est nécessaire car on ne nous fait pas de cadeaux, notamment dans le domaine des services publics. Il faut toujours être sur la brèche, et je compte bien y rester, si bien sûr les électeurs le décident... Vous pensez donc à un nouveau mandat, celui de sénateur par exemple ? Je n'exclus pas d'être à nouveau candidat. A quoi ? On verra le moment venu. Pour l'instant, la gauche doit s'opposer mais aussi proposer. Seule une opposition constructive permettra de présenter au pays le projet républicain, à la fois ambitieux et crédible, qui lui offrira plus qu'une alternance : une alternative. Que pense « l'opposant constructif » du nouveau traité européen ? Ce soit-disant traité simplifié reprend l'essentiel du projet de constitution rejeté par 55 % des Français en 2005. Avec 256 pages, c'est un monument de complexité. Illisible ! Inaccessible ! Je souhaite que la gauche s'y oppose fermement. Nicolas Sarkozy n'a rien obtenu, notamment pour tempérer la toute puissance de la banque centrale, et tout ce qu'il a dit pendant sa campagne, notamment sur l'initiative de croissance européenne, c'est du pipeau. Les entreprises sont de plus en plus poussées à se délocaliser, comme Kléber à Toul ou Peugeot-motocycles à Mandeure. Prétendre faire la synthèse du oui et du non à la constitution européenne, c'est plus qu'une mystification, c'est un véritable déni de la volonté populaire ! Agenda et médiasVous avez entendu comme moi « mini-traité » ou encore « traité simplifié » pendant la campagne présidentielle. Beaucoup reprennent ces expressions, je veux le croire par inadvertance.
Avec 256 pages, y compris les déclarations annexées, le traité de Lisbonne n’est qu’une pluie d’articles modifiant les traités de Rome et de Maastricht. Incompréhensible ! Illisible !
Tout cela pour donner le change et occulter le fait que 90 % des dispositions du projet de Constitution européenne ont été reprises par le traité de Lisbonne ! Celui-ci mérite ainsi d’être plutôt appelé « le traité complexifié ». Ses auteurs, conscients de l’énormité de la chose, l’ont pudiquement appelé « traité modifié ». La démocratie est doublement bafouée dans la forme et dans le fond puisque le Président de la République s’arroge le droit de faire rentrer par la lucarne parlementaire ce que le peuple avait sorti par la grande porte du suffrage universel. Le Président Sarkozy, au lieu de s’appuyer sur le « non français » pour obtenir des concessions sur le gouvernement économique de la zone euro, sur la politique monétaire ou sur la préférence communautaire a capitulé sur toute la ligne.
Le traité de Lisbonne consacre la rupture de l’égalité fondatrice de la France et de l’Allemagne dans les institutions européennes (chacune disposant de 29 voix) en instaurant une pondération démographique : la France pèsera désormais moins que les ¾ de l’Allemagne qui, avec l’appui de nombreux Etats-clients, pourra faire jouer partout la minorité de blocage. La relation franco-allemande en sera durablement déséquilibrée et affaiblie.
Quant au Haut Représentant de l’Union pour la politique extérieure dans une Europe à 27 largement inféodée à Washington, que pourra-t-il dire le jour où M. Bush décidera de lancer ses missiles sur l’Iran : rien qui puisse le contrarier ! Et la France là-dedans ? Elle ne va pas contredire l’Europe. Elle s’écrasera donc ! Voilà à quoi conduit la politique de M. Sarkozy : elle prétend relancer l’Europe mais en fait elle va contre l’intérêt et contre la liberté de la France, et par conséquent contre l’idée même d’une Europe européenne. Les actes du colloque du 10 septembre sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
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