Les actes de la table-ronde du lundi 20 janvier 2014 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.


Actes du colloque de la Fondation Res Publica: "L'Europe sortie de l'histoire ? Réponses"
  • Introduction de Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation Res Publica

Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Figaro, samedi 8 mars 2014. Propos recueillis par Eugénie Bastié et Vincent Tremolet de Villers.


"Sans la Russie, il manque quelque chose à l'Europe"
Le Figaro : Quelle issue voyez-vous à la crise ukrainienne ?
Jean-Pierre Chevènement : Dans ce genre de crise, on fait souffler tour à tour le chaud et le froid. Une phase de désescalade, verbale en tout cas, semble toutefois avoir été amorcée par les déclarations du président Poutine. Celui-ci a mené une opération de « gesticulation calculée », comme disent les militaires. Ce qui importe maintenant, c'est de définir des axesde sortie de crise. Il n'y a plus aucune raison idéologique et militaire à une nouvelle guerre froide en Europe. Personne n'y a intérêt. Il y a trop d'interdépendance entre nous pour qu'on ne puisse pas chercher la voie d'une solution durable.

Ce n'est pas le chemin que nous empruntons...
Dès le départ, il y a un grand malentendu : la politique de l'Union européenne visant à associer l'Ukraine tout en lui faisant miroiter une perspective d'adhésion, comme l'avait déclaré le commissaire européen Olli Rehn, est une perspective qui ne peut pas se réaliser dans des délais raisonnables. Une adhésion n'est d'ailleurs pas souhaitable. Il ne fallait et il ne faut pas mettre l'Ukraine devant cette alternative manichéenne : soit la Russie, soit l'UE. C'est un dilemme insoluble pour l'Ukraine compte tenu de son histoire. La réalité de l'Ukraine, c'est son hétérogénéité. Il y a à l'Est les russophones et à l'Ouest des populations catholiques uniates dont certaines ont fait partie de l'Autriche-Hongrie. Il n'est pas raisonnable de concevoir l'alternance démocratique en Ukraine comme étant tantôt le pouvoir des uns, tantôt le pouvoir des autres, comme on l'a vu depuis 1991 : Kravtchouk en 1991, Timochenko, puis Ianoukovitch. Je ne vois pas pourquoi l'Ukraine ne pourrait pas être un pays fédéral. Il paraît que c'est la thèse russe : ce n'est pas une raison suffisante pour disqualifier cette proposition, si elle correspond au bon sens. Quant à la Crimée, personnene peut contester qu'historiquement elle est russe. Sa population est majoritairement russe. Une autonomie substantielle est dans la nature des choses. Comme disait le général de Gaulle : « Il n'y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités. »

Dépêche AFP, samedi 8 mars 2014, 05h19.


Ukraine/Chevènement: plus de raison pour une guerre froide en Europe
Jean-Pierre Chevènement, sénateur du Territoire de Belfort, estime samedi qu'il n'y pas de raison d'ouvrir une nouvelle guerre froide en Europe à propos de l'Ukraine et de la Crimée "historiquement russe", dans un entretien publié par Le Figaro.

"Il n'y a plus aucune raison idéologique et militaire à une nouvelle guerre froide en Europe", assure l'ancien ministre socialiste en soulignant que "personne n'y a intérêt". "Il y a trop d'interdépendance entre nous pour qu'on ne puisse pas chercher la voie d'une solution durable", dit-il encore en indiquant qu'il ne voit "pas pourquoi l'Ukraine ne pourrait pas être un pays fédéral".

Selon le sénateur, "il y a un grand malentendu: la politique de l'Union européenne visant à associer l'Ukraine tout en lui faisant miroiter une perspective d'adhésion" qui "n'est d'ailleurs pas souhaitable".

"Il ne fallait et il ne faut pas mettre l'Ukraine devant cette alternative manichéenne : soit la Russie, soit l'UE", regrette-t-il car "c'est un dilemme insoluble pour l'Ukraine compte tenu de son histoire".

A propos de la Crimée, Jean-Pierre Chevènement souligne que "personne ne peut contester qu'historiquement elle est russe. Sa population est majoritairement russe". "Une autonomie substantielle est dans la nature des choses", estime-t-il en citant le général de Gaulle qui disait qu'"il n'y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités".
Mots-clés : europe russie ukraine

le 8 Mars 2014 à 09:24 | Permalien | Commentaires (1)

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de "Au coeur de l'histoire" sur Europe 1, jeudi 6 mars 2014. Il répondait aux questions de Franck Ferrand.


1914-2014 : "Les nations européennes ont été injustement discréditées et dévalorisées"
jpc_au_coeur_de_l__histoire.mp3 Europe 1 - Au coeur de l'histoire  (21.39 Mo)

Verbatim express :

  • Je défends toujours la paix. Je ne suis pas un parangon de l'ingérence dans les affaires d'autres puissances. Je pense être assez fidèle à moi-même. Je pense qu'il ne faut pas confondre les patriotes et les nationalistes. Clemenceau, qui était un dreyfusard, était aussi un patriote, il l'a toujours été.

  • Le Kaiser Guillaume II était cyclothymique. Qui était le véritable Guillaume II, on ne le sait pas très bien.
  • Il est certain que les décideurs de l'Allemagne impériale – le Chancelier, le ministre des Affaires étrangères, et surtout l'état-major – étaient très influencés par un courant, le pangermanisme, qui s'est développé à partir des années 1890. Il me semble que dans le pangermanisme, il y a deux courants : ceux qui veulent un empire colonial en Afrique, et ceux qui veulent un empire colonial en Europe, en refoulant les Slaves et les Russes jusqu'à la Baltique et à la Mer Noire. Et, il faut le dire, les germes du nazisme sont présents dans l'avant 1914.
  • Toutefois, dans la première mondialisation libérale, il y a un patron, un hegemon, la Grande-Bretagne, qui fait respecter les règles du jeu. La Grande-Bretagne est maîtresse des mers, son empire colonial représente le cinquième de la superficie mondiale, en Europe elle est fidèle à sa politique traditionnelle : garder les mains libres, maintenir l'équilibre des puissances. Ce que ne veut surtout pas la Grande-Bretagne, c'est qu'une puissance prenne l'avantage et parvienne à la domination continentale.
  • Bien entendu, l'Allemagne commet des erreurs considérables. D'abord, carte blanche donnée à l'Autriche-Hongrie, pour mater l'Autriche-Hongrie. Ensuite, elle déclenche une guerre préventive, soi-disant contre la Russie, mais en fait elle se tourne d'abord contre la France, et elle se rue à travers la Belgique, violant un traité de neutralité dont l'Angleterre est garante. Et la Grande-Bretagne intervient parce qu'elle n'accepte pas plus en 1914 la domination de l'Europe tout entière par l'Allemagne impériale, qu'elle n'a accepté un siècle auparavant celle de l'empire napoléonien.
  • L'Allemagne avait un programme d'armement naval qui, à terme, menaçait la suprématie britannique, qui était le ressort de sa puissance mondiale.
  • L'Allemagne impériale a commis deux erreurs : elle a énormément exagéré la puissance russe (mais on le fait toujours aujourd'hui), et d'autre part, elle a sous-estimée les réactions de méfiance qu'elle allait susciter chez les anglo-saxons.
  • La Première Guerre mondiale n'est pas une guerre franco-allemande : elle est une guerre d'abord entre l'Allemagne impériale et l'Empire britannique pour l'hégémonie mondiale. Il faut comprendre cela.

Jean-Pierre Chevènement était l'invité du zoom de France Info lundi 3 mars 2014. Il répondait aux questions de Agnès Soubiran.


"Réconcilier l'Ukraine et la Russie"
11765_03_03_2014_itema_20596065_0.mp3 France Info  (7.72 Mo)

Verbatim express :

Comprendre la situation en Ukraine
  • La situation en Ukraine est gravissime. L'Europe est peut-être à l'orée d'une nouvelle période de tension, d'une nouvelle période de Guerre Froide, avec des risques de conflagrations inévitables. Il faut donc être très prudent et bien comprendre ce que les uns et les autres ont dans la tête.
  • Je pense que l'UE, en voulant diffuser ses valeurs libérales, ses normes, ses standards, a mené une politique légère vis-à-vis des pays du Partenariat oriental, dont principalement l'Ukraine, tandis que le Partenariat stratégique avec la Russie, conclut en 2003, est en panne.
  • Les Russes se sentent dans une situation qui est celle d'un nationalisme obsidional. Ils se voient repoussés dans leurs frontières du XVIe siècle. Ils se souviennent que Gorbatchev et Kohl avaient admis en 1990 dans le Caucase que l'OTAN ne progresserait pas au-delà des frontières orientales de l'Allemagne occidentale, et en fait elle a englobé les pays d'Europe centrale, les pays baltes, la Roumanie... Et en 2008 il y avait un projet de pré-adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN.

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de RTL mercredi 26 février 2014. Il répondait aux questions de Jean-Michel Apathie.


Verbatim express :

Sur le dossier centrafricain
  • J'ai voté hier la prolongation de l'opération Sangaris en Centrafrique, parce que, dans une affaire comme celle-là, très difficile, dans un pays ou l’État n'a jamais existé, où les structures d'autorité se sont effondrées, il y a un devoir d'action, plus que d'assistance. Il y a un mandat des Nations Unies, c'est la condition de tout. Mais il y a pour la France les liens de l'histoire.
  • Notre intervention a au moins évité des massacres de masse. Les difficultés sont réelles, néanmoins la perspective de mise en œuvre d'une opération de maintien de la paix de l'ONU est le terme logique de l'intervention française.
  • Les grands pays de l'Europe occidentale, ne sont pas au rendez-vous de cette intervention.

    Sur l'Ukraine
  • Il faut avoir un peu de culture historique. La première Russie, c'était l'Ukraine. Ensuite il y a eu une migration vers Moscou devant l'invasion mongole. Enfin l'Empire russe s'est rattaché l'Ukraine en 1647. C'est une vieille affaire.
  • Je me méfie toujours un peu de l'ingérence.

Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat concernant la proposition de résolution relative à la transition énergétique, mardi 25 février 2014.


La transition énergétique au service de la compétitivité
La proposition de résolution déposée par MM Gaudin et Poniatowski constitue une nouvelle occasion de débattre de ce qu’on appelle la « transition énergétique ». La chose n’est pas nouvelle : Flaubert donnait déjà dans le « Dictionnaire des idées reçues », cette définition du mot « Epoque » : « la nôtre est une époque de transition ».

Il n’est pas douteux que le réchauffement climatique, le coût croissant des hydrocarbures et la perspective d’arrivée à maturité d’énergies nouvelles obligent à conduire une politique volontariste.

Mais la volonté politique doit être éclairée. Sur la question énergétique il y a certes beaucoup d’incertitudes mais il y a surtout beaucoup de préjugés ! Le nucléaire est ostracisé par les écologistes au nom d’un principe de précaution qui ne répond à aucune formulation scientifique et ne dit rien de plus que le proverbe de nos grands-mères : « Deux précautions valent mieux qu’une ».

Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat dans le cadre du débat concernant la prolongation de l'intervention des forces armées en République centrafricaine, mardi 25 février 2014.


La décision d’intervenir en République centrafricaine a sans doute été tardive, eu égard aux violences initialement perpétrées par la Seleka mais une intervention ne pouvait avoir lieu en dehors d’un mandat du Conseil de Sécurité des Nations-Unies.

On aurait pu espérer un retour au calme plus rapide par l’exercice de ce que certains ont appelé un « effet de sidération ». C’était compter sans le potentiel de haines mis en mouvement et sans les violences aveugles déchaînées par les milices « anti-balaka », abusivement décrites comme des milices « chrétiennes ». L’Afrique n’est plus ce qu’elle était : les autorités traditionnelles se sont effondrées. Aucun Etat digne de ce nom ne les a remplacées. L’usage des armes à feu s’est banalisé. La République Centrafricaine était déjà réputée être « la cendrillon de l’Afrique », selon un ouvrage de Louis Brustier ; Georges Conchon s’en inspirait en 1964 pour écrire l’« Etat sauvage » dans un ouvrage qui reçut alors le prix Goncourt. Les choses depuis lors ne se sont pas arrangées : la Centre Afrique a toujours été sous-administrée et mal gouvernée. Au point de déliquescence où les choses en étaient arrivées, notre intervention a-t-elle du moins évité des massacres de masse, comme le Ministre de la Défense l’a souligné devant la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées le 17 février dernier.
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