Ma thèse est que la relation franco-russe, en 2014, doit rester dominée par ses fondamentaux : une relation enracinée dans l’Histoire de nos deux peuples que la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale va encore illustrer, en rappelant le rôle qu’a joué le front russe de 1914 à 1917 dans la victoire finale des alliés ; relation nourrie par la complémentarité économique des deux économies et par l’intérêt réciproque de leur développement ; relation faite de l’attraction que deux des plus grandes cultures européennes exercent l’une sur l’autre ; relation politique et diplomatique enfin, entre deux puissances membres, à titre permanent, du Conseil de Sécurité de l’ONU, aucun grand problème à la surface de la Terre n’étant soluble sans le concours d’au moins un de nos deux grands pays et le plus souvent par le concours des deux, qu’il s’agisse de l’Afghanistan, de l’Iran, de la Syrie, du problème israélo-palestinien, de l’Ukraine, de la sécurité du Sahel, du développement de l’Afrique, de la lutte contre le terrorisme djihadiste partout où il se manifeste, du contrôle des armes nucléaires et de la paix dans le monde. Combien de sujets où il est nécessaire que nous parvenions ensemble à une vue plus générale et plus cohérente des choses, pour mieux servir la cause des hommes !
Bien sûr, il peut y avoir et il y a des divergences de points de vue entre nos deux pays, mais il y a surtout de puissants intérêts communs – ce n’est pas que mon avis car il est partagé par beaucoup de responsables politiques en France. Dans le cours du XXIe siècle, il y a toutes les raisons de rapprocher l’Ouest et l’Est de notre continent européen. C’est ainsi que nous serons fidèles à la vision formulée, en son temps, par le général de Gaulle, d’une « Grande Europe », existant par elle-même et pour elle-même, et allant de l’Atlantique non pas à l’Oural, mais jusqu’au Pacifique, jusqu’à ces rivages auxquels la Russie a reculé les limites de la civilisation européenne.
Bien sûr, il peut y avoir et il y a des divergences de points de vue entre nos deux pays, mais il y a surtout de puissants intérêts communs – ce n’est pas que mon avis car il est partagé par beaucoup de responsables politiques en France. Dans le cours du XXIe siècle, il y a toutes les raisons de rapprocher l’Ouest et l’Est de notre continent européen. C’est ainsi que nous serons fidèles à la vision formulée, en son temps, par le général de Gaulle, d’une « Grande Europe », existant par elle-même et pour elle-même, et allant de l’Atlantique non pas à l’Oural, mais jusqu’au Pacifique, jusqu’à ces rivages auxquels la Russie a reculé les limites de la civilisation européenne.
Nous ne devons pas céder aux mirages du temps court, à la fascination de l’instantanéité qui caractérise trop souvent la perception de beaucoup de politiques, comme si ceux-ci devaient adopter les grilles de lecture simplifiées des présentateurs de télévision. La politique ne se résume pas à la communication. Elle implique la perception de la longue durée, bref de l’Histoire.
La crise ukrainienne sera résolue par la voie politique, parce que tout autre choix serait suicidaire. Ramenons-la par avance à ses véritables dimensions et cherchons ensemble à comprendre le point de vue de l’autre. Le cinéaste japonais, Kurosawa, a montré que la réalité ne se laissait pas enfermer dans une interprétation unique. Dans « Rashomon », il livre quatre récits différents d’un même crime, émanant de ses trois protagonistes et de son unique témoin. Aucun ne recoupe l’autre. Il est toujours important de se demander ce qui se passe dans la tête de l’autre : de toute évidence cet exercice salutaire est peu pratiqué. Ainsi les Etats-Unis et l’Union européenne ne voient pas l’avenir autrement que comme l’extension indéfinie de leurs normes économiques et politiques : libéralisme économique et démocratie à l’occidentale. A leurs yeux, l’accord d’association proposé à l’Ukraine allait dans ce sens. Son rejet par le Président Yanoukovitch valait condamnation morale de celui-ci et légitimait le soutien apporté à « Maïdan », mouvement qu’on peut qualifier de « révolution » aussi bien que de « coup d’Etat », selon le point de vue auquel on se place.
Toujours est-il que la Russie, se sentant poussée dans ses retranchements par un processus évidemment anticonstitutionnel, s’est crue autorisée à remettre en cause un principe fondamental du droit international : l’intégrité territoriale d’un Etat, au nom d’un autre principe : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Si l’affaire est complexe, la Crimée étant historiquement russe, chacun comprend que la conciliation des deux principes reconnus par l’ONU ne peut résulter que d’une négociation et d’un accord avalisé par le Conseil de Sécurité de l’ONU et donnant lieu à un référendum. Tel n’a pas été précisément le cas. A un processus assurément inconstitutionnel, mais interne à l’Ukraine, la Russie a répondu par la prise en gage d’un territoire formellement et juridiquement ukrainien. L’attachement au droit international est une question politique de fond. La Chine elle-même l’a rappelé par son vote à l’ONU. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment éviter la déstabilisation de l’Ukraine telle qu’elle a été historiquement dessinée en 1920 et qui pourrait engendrer une crise économique et politique grave en Europe. Il faut d’abord appliquer l’accord de Genève conclu entre les quatre parties : Ukraine – Russie – Etats-Unis – Union européenne. Celui-ci prévoit l’évacuation des bâtiments publics. Il prévoit aussi l’octroi d’une autonomie substantielle aux régions. Il faut avoir la volonté d’appliquer ces accords en réunissant des tables rondes entre le gouvernement de Kiev et les représentants des régions russophones de l’Ukraine. A défaut, les élections du 25 mai risquent de mal se passer mais la déstabilisation durable de l’Ukraine n’est de l’intérêt de personne, ni de la Russie, ni de l’Union européenne. Le problème ukrainien comporte au fond trois dimensions. C’est un problème économique. C’est aussi un problème de structure politique. C’est enfin un problème de statut politico-militaire.
Ces problèmes peuvent être résolus sur la base de principes à la fois réalistes et conformes au droit international. Telle est ma conviction, parce que c’est l’intérêt commun de tous les Européens. Ni l’Union européenne ni la Russie n’ont intérêt à une nouvelle guerre froide. Les bases matérielles et idéologiques de celles-ci, à savoir deux systèmes économiques et politiques antagonistes, n’existent plus.
Je ne pense pas que le Président Poutine veuille recréer l’URSS, comme certains le prétendent, mais il veut assurément faire de la Russie un grand pays moderne et qui compte. L’URSS appartient définitivement au passé. C’est pourquoi j’ai confiance : la réalité et le réalisme l’emporteront sur l’idéologie. Il suffit pour cela de replacer les problèmes qui se posent dans leur véritable et plus vaste contexte : la création d’un espace de libre circulation de l’Atlantique au Pacifique. Tel est d’ailleurs l’objet du partenariat Union européenne – Russie lancé en 2003 et que nous avons malheureusement laissé s’enliser.
Il faut donc aider à la désescalade et à l’assainissement négocié de la situation actuelle. Un statut qui ferait de l’Ukraine un pont entre l’Union européenne et la Russie est parfaitement concevable. Ce statut tourne autour de quelques mots :
- fédéralisation ou décentralisation poussée de l’Ukraine, l’essentiel étant une répartition claire des compétences entre le niveau national et les régions ;
- neutralité internationalement garantie ;
- remise à niveau économique, ce qui implique une aide extérieure quelle qu’en soit la forme : subventions, prêts, tarifs préférentiels pour le gaz, à condition qu’y répondent des réformes de structures permettant de mettre un terme aux phénomènes de rente et de corruption. L’Union européenne et la Russie pourraient veiller, avec le concours du FMI, à la bonne utilisation de cette aide extérieure.
Si j’ai insisté sur l’assainissement d’une situation de crise qui pèse sur la relation franco-russe, c’est que je crois nécessaire de revenir rapidement aux fondamentaux de cette relation. Je n’aborderai pas le fond politique des grands dossiers internationaux, encore que je sois convaincu que ce qui nous rapproche soit infiniment plus important que ce qui nous divise. Je me concentrerai sur la relation économique, sans oublier les autres questions : libéralisation des visas – reconnaissance des diplômes – promotion des échanges culturels, universitaires et scientifiques.
La France est en Russie un investisseur important : environ 12 milliards d’euros. Les exportations françaises ont atteint 9,1 milliards en 2012, le solde global de nos échanges étant cependant déficitaire de quelques milliards du fait de nos importations de gaz et de pétrole (13 milliards en 2012). Nous exportons, pour plus des deux tiers, des biens de haute technologie. Nous sommes cependant surclassés quant au montant total de nos échanges par l’Allemagne et l’Italie.
L’Allemagne exporte vers la Russie des montants globalement quatre fois supérieurs aux nôtres. Il n’y a qu’une rubrique où nous faisons mieux que l’Allemagne : c’est l’aéronautique et l’espace. Notre part de marché dans ce domaine est de 52 % contre 10 % à l’Allemagne et 1,3 % à l’Italie.
Même dans le secteur agro-alimentaire, y compris les boissons, les Allemands font trois fois mieux que nous (8,6 % du marché contre 2,5 % à la France et 2,4 % à l’Italie). Il y a là une carence dont j’espère que le voyage de notre ministre de l’Agriculture, M. Stéphane Le Foll, la comblera.
En matière automobile, notre part de marché est huit fois inférieure à celle de l’Allemagne. Cela ne correspond pas à l’investissement de nos firmes sur le marché russe ni à la qualité de nos productions.
En 2013, du fait de la récession ou de la stagnation qui touche nos deux pays, le montant des échanges globaux a régressé de 14,4 %. Pour les onze premiers mois de l’année, les exportations françaises sont tombées à 7,2 milliards et les importations à 9,7, le solde global s’établissant à 2,5 milliards d’euros en faveur de la Russie. Il semble que les investissements français en Russie génèrent trop peu de courants d’exportation de la France vers la Russie malgré leur importance dans des secteurs comme la distribution, l’automobile, l’énergie, etc. Les investissements russes en France restent faibles : 1 milliard d’euros. Ils souffrent sans doute du contexte psychologique actuel.
On note, à l’inverse, les bons résultats de nos exportations dans le domaine de la pharmacie et des produits chimiques.
Au total, la Russie, troisième débouché de la France hors Union européenne, après la Chine et les Etats-Unis, pourrait certainement fournir un relais de croissance plus important à l’économie française et notamment aux petites et moyennes entreprises. La désindustrialisation relative de notre pays n’est pas une explication suffisante à la place encore modeste de nos productions sur le marché russe. Sans doute, certains secteurs méritent-ils d’être davantage promus comme l’agroalimentaire et le luxe, mais c’est tout le tissu industriel français qu’il faudrait intéresser par des missions de prospection d’Ubi France dans les régions russes éloignées. Nos ventes restent sans doute excessivement concentrées sur des régions comme Moscou et Saint-Pétersbourg.
Enfin, certains secteurs comme le nucléaire pourraient-ils faire l’objet d’une coopération plus intense. La stagnation économique dans nos deux pays ne peut seule expliquer le relatif tassement de nos échanges en 2013. Qu’on le veuille ou non, le facteur politique inter-réagit fortement avec l’économie dans la relation entre la France et la Russie. Je suis persuadé que la relance d’une relation politique forte peut aider à surmonter « le trou d’air » actuel. L’idée qu’on puisse « compartimenter » notre relation n’est pas juste, même si naturellement la responsabilité des entreprises dans les flux économiques reste majeure. Mais il appartient aux Etat de recréer un contexte politique et psychologique favorable, en France comme en Russie.
En France, la russophobie de beaucoup de nos médias, essentiellement idéologique, peut être contrariée parce que l’opinion publique dans ses profondeurs reste russophile eu égard aux liens tissés par l’Histoire et que les responsables politiques et économiques ne partagent pas cette orientation profondément contraire aux intérêts du pays. En Russie enfin, il faut que les responsables s’avisent que leur politique de modernisation de la Russie – tel est l’objectif central fixé par le président Poutine – implique la priorité donnée à la négociation dans tous les domaines. Les relations internationales sont tellement intriquées à tous les niveaux que la pédagogie et la sensibilité à l’autre doivent être, des deux côtés, privilégiées. Pour ma part, je reste fondamentalement optimiste quant à l’avenir de la relation franco-russe parce que son développement répond à l’intérêt mutuel de nos deux pays. Il y a un adage qui définit la mode comme ce qui se démode. Alors ne cédons pas aux modes et gardons le cap de l’essentiel.
La crise ukrainienne sera résolue par la voie politique, parce que tout autre choix serait suicidaire. Ramenons-la par avance à ses véritables dimensions et cherchons ensemble à comprendre le point de vue de l’autre. Le cinéaste japonais, Kurosawa, a montré que la réalité ne se laissait pas enfermer dans une interprétation unique. Dans « Rashomon », il livre quatre récits différents d’un même crime, émanant de ses trois protagonistes et de son unique témoin. Aucun ne recoupe l’autre. Il est toujours important de se demander ce qui se passe dans la tête de l’autre : de toute évidence cet exercice salutaire est peu pratiqué. Ainsi les Etats-Unis et l’Union européenne ne voient pas l’avenir autrement que comme l’extension indéfinie de leurs normes économiques et politiques : libéralisme économique et démocratie à l’occidentale. A leurs yeux, l’accord d’association proposé à l’Ukraine allait dans ce sens. Son rejet par le Président Yanoukovitch valait condamnation morale de celui-ci et légitimait le soutien apporté à « Maïdan », mouvement qu’on peut qualifier de « révolution » aussi bien que de « coup d’Etat », selon le point de vue auquel on se place.
Toujours est-il que la Russie, se sentant poussée dans ses retranchements par un processus évidemment anticonstitutionnel, s’est crue autorisée à remettre en cause un principe fondamental du droit international : l’intégrité territoriale d’un Etat, au nom d’un autre principe : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Si l’affaire est complexe, la Crimée étant historiquement russe, chacun comprend que la conciliation des deux principes reconnus par l’ONU ne peut résulter que d’une négociation et d’un accord avalisé par le Conseil de Sécurité de l’ONU et donnant lieu à un référendum. Tel n’a pas été précisément le cas. A un processus assurément inconstitutionnel, mais interne à l’Ukraine, la Russie a répondu par la prise en gage d’un territoire formellement et juridiquement ukrainien. L’attachement au droit international est une question politique de fond. La Chine elle-même l’a rappelé par son vote à l’ONU. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment éviter la déstabilisation de l’Ukraine telle qu’elle a été historiquement dessinée en 1920 et qui pourrait engendrer une crise économique et politique grave en Europe. Il faut d’abord appliquer l’accord de Genève conclu entre les quatre parties : Ukraine – Russie – Etats-Unis – Union européenne. Celui-ci prévoit l’évacuation des bâtiments publics. Il prévoit aussi l’octroi d’une autonomie substantielle aux régions. Il faut avoir la volonté d’appliquer ces accords en réunissant des tables rondes entre le gouvernement de Kiev et les représentants des régions russophones de l’Ukraine. A défaut, les élections du 25 mai risquent de mal se passer mais la déstabilisation durable de l’Ukraine n’est de l’intérêt de personne, ni de la Russie, ni de l’Union européenne. Le problème ukrainien comporte au fond trois dimensions. C’est un problème économique. C’est aussi un problème de structure politique. C’est enfin un problème de statut politico-militaire.
Ces problèmes peuvent être résolus sur la base de principes à la fois réalistes et conformes au droit international. Telle est ma conviction, parce que c’est l’intérêt commun de tous les Européens. Ni l’Union européenne ni la Russie n’ont intérêt à une nouvelle guerre froide. Les bases matérielles et idéologiques de celles-ci, à savoir deux systèmes économiques et politiques antagonistes, n’existent plus.
Je ne pense pas que le Président Poutine veuille recréer l’URSS, comme certains le prétendent, mais il veut assurément faire de la Russie un grand pays moderne et qui compte. L’URSS appartient définitivement au passé. C’est pourquoi j’ai confiance : la réalité et le réalisme l’emporteront sur l’idéologie. Il suffit pour cela de replacer les problèmes qui se posent dans leur véritable et plus vaste contexte : la création d’un espace de libre circulation de l’Atlantique au Pacifique. Tel est d’ailleurs l’objet du partenariat Union européenne – Russie lancé en 2003 et que nous avons malheureusement laissé s’enliser.
Il faut donc aider à la désescalade et à l’assainissement négocié de la situation actuelle. Un statut qui ferait de l’Ukraine un pont entre l’Union européenne et la Russie est parfaitement concevable. Ce statut tourne autour de quelques mots :
- fédéralisation ou décentralisation poussée de l’Ukraine, l’essentiel étant une répartition claire des compétences entre le niveau national et les régions ;
- neutralité internationalement garantie ;
- remise à niveau économique, ce qui implique une aide extérieure quelle qu’en soit la forme : subventions, prêts, tarifs préférentiels pour le gaz, à condition qu’y répondent des réformes de structures permettant de mettre un terme aux phénomènes de rente et de corruption. L’Union européenne et la Russie pourraient veiller, avec le concours du FMI, à la bonne utilisation de cette aide extérieure.
Si j’ai insisté sur l’assainissement d’une situation de crise qui pèse sur la relation franco-russe, c’est que je crois nécessaire de revenir rapidement aux fondamentaux de cette relation. Je n’aborderai pas le fond politique des grands dossiers internationaux, encore que je sois convaincu que ce qui nous rapproche soit infiniment plus important que ce qui nous divise. Je me concentrerai sur la relation économique, sans oublier les autres questions : libéralisation des visas – reconnaissance des diplômes – promotion des échanges culturels, universitaires et scientifiques.
La France est en Russie un investisseur important : environ 12 milliards d’euros. Les exportations françaises ont atteint 9,1 milliards en 2012, le solde global de nos échanges étant cependant déficitaire de quelques milliards du fait de nos importations de gaz et de pétrole (13 milliards en 2012). Nous exportons, pour plus des deux tiers, des biens de haute technologie. Nous sommes cependant surclassés quant au montant total de nos échanges par l’Allemagne et l’Italie.
L’Allemagne exporte vers la Russie des montants globalement quatre fois supérieurs aux nôtres. Il n’y a qu’une rubrique où nous faisons mieux que l’Allemagne : c’est l’aéronautique et l’espace. Notre part de marché dans ce domaine est de 52 % contre 10 % à l’Allemagne et 1,3 % à l’Italie.
Même dans le secteur agro-alimentaire, y compris les boissons, les Allemands font trois fois mieux que nous (8,6 % du marché contre 2,5 % à la France et 2,4 % à l’Italie). Il y a là une carence dont j’espère que le voyage de notre ministre de l’Agriculture, M. Stéphane Le Foll, la comblera.
En matière automobile, notre part de marché est huit fois inférieure à celle de l’Allemagne. Cela ne correspond pas à l’investissement de nos firmes sur le marché russe ni à la qualité de nos productions.
En 2013, du fait de la récession ou de la stagnation qui touche nos deux pays, le montant des échanges globaux a régressé de 14,4 %. Pour les onze premiers mois de l’année, les exportations françaises sont tombées à 7,2 milliards et les importations à 9,7, le solde global s’établissant à 2,5 milliards d’euros en faveur de la Russie. Il semble que les investissements français en Russie génèrent trop peu de courants d’exportation de la France vers la Russie malgré leur importance dans des secteurs comme la distribution, l’automobile, l’énergie, etc. Les investissements russes en France restent faibles : 1 milliard d’euros. Ils souffrent sans doute du contexte psychologique actuel.
On note, à l’inverse, les bons résultats de nos exportations dans le domaine de la pharmacie et des produits chimiques.
Au total, la Russie, troisième débouché de la France hors Union européenne, après la Chine et les Etats-Unis, pourrait certainement fournir un relais de croissance plus important à l’économie française et notamment aux petites et moyennes entreprises. La désindustrialisation relative de notre pays n’est pas une explication suffisante à la place encore modeste de nos productions sur le marché russe. Sans doute, certains secteurs méritent-ils d’être davantage promus comme l’agroalimentaire et le luxe, mais c’est tout le tissu industriel français qu’il faudrait intéresser par des missions de prospection d’Ubi France dans les régions russes éloignées. Nos ventes restent sans doute excessivement concentrées sur des régions comme Moscou et Saint-Pétersbourg.
Enfin, certains secteurs comme le nucléaire pourraient-ils faire l’objet d’une coopération plus intense. La stagnation économique dans nos deux pays ne peut seule expliquer le relatif tassement de nos échanges en 2013. Qu’on le veuille ou non, le facteur politique inter-réagit fortement avec l’économie dans la relation entre la France et la Russie. Je suis persuadé que la relance d’une relation politique forte peut aider à surmonter « le trou d’air » actuel. L’idée qu’on puisse « compartimenter » notre relation n’est pas juste, même si naturellement la responsabilité des entreprises dans les flux économiques reste majeure. Mais il appartient aux Etat de recréer un contexte politique et psychologique favorable, en France comme en Russie.
En France, la russophobie de beaucoup de nos médias, essentiellement idéologique, peut être contrariée parce que l’opinion publique dans ses profondeurs reste russophile eu égard aux liens tissés par l’Histoire et que les responsables politiques et économiques ne partagent pas cette orientation profondément contraire aux intérêts du pays. En Russie enfin, il faut que les responsables s’avisent que leur politique de modernisation de la Russie – tel est l’objectif central fixé par le président Poutine – implique la priorité donnée à la négociation dans tous les domaines. Les relations internationales sont tellement intriquées à tous les niveaux que la pédagogie et la sensibilité à l’autre doivent être, des deux côtés, privilégiées. Pour ma part, je reste fondamentalement optimiste quant à l’avenir de la relation franco-russe parce que son développement répond à l’intérêt mutuel de nos deux pays. Il y a un adage qui définit la mode comme ce qui se démode. Alors ne cédons pas aux modes et gardons le cap de l’essentiel.