Un texte de Jean-Pierre Chevènement paru dans la Revue Défense Nationale, mars 2012.


Défendre le continent européen, avec qui, contre qui?
J’observerai d’abord que le continent européen n’a pas d’existence politique propre. Il y a les vingt-sept pays membres de l’Union européenne qui, par le traité de Lisbonne (2008), ont souscrit une obligation de défense mutuelle, mais la politique de défense européenne n’a qu’une existence embryonnaire. Aussi bien, les Etats-Unis n’en veulent pas et la plupart des pays européens non plus, au premier rang desquels la Grande-Bretagne et les pays de l’arc atlantique, mais aussi les pays d’Europe centrale et orientale.

Les Européens sous tutelle militaire?
Depuis 1949 il existe une obligation de défense mutuelle entre les pays de l’Alliance atlantique. Celle-ci s’est dotée à travers une organisation militaire intégrée, l’OTAN, d’un bras armé et d’un Etat-major sous l’autorité d’un général américain. Aux pays de l’Union européenne membres de l’OTAN (22 sur 27), s’ajoutent la Norvège et la Turquie dont le territoire est pour l’essentiel situé en Asie. Les Etats membres de l’Union européenne qui le sont également de l’OTAN se sont engagés par le traité de Lisbonne à faire de cette dernière organisation « l’instance d’élaboration et de mise en œuvre » de leur politique de défense. Ainsi la réponse parait-elle avoir été trouvée : c’est à l’OTAN, c’est-à-dire en dernier ressort aux Etats-Unis, que l’Union européenne a confié sa défense.

Cette réponse est pourtant fragile : d’une part les Etats-Unis se tournent de plus en plus vers le Pacifique et la Chine. L’Asie de l’Est et du Sud et la région du Golfe arabo-persique viennent désormais dans leurs préoccupations stratégiques bien avant l’Europe. Par ailleurs les Etats-Unis sont engagés dans une vaste opération de réduction de leur budget de défense (de 500 à 1000 Milliards de dollars d’ici 2020, selon les estimations). Ils viennent d’entamer le retrait de deux des quatre brigades qu’ils maintenaient encore en Europe : la présence de leurs forces terrestres y devient ainsi symbolique. La garantie militaire américaine repose donc désormais pour l’essentiel sur les forces aériennes et maritimes des Etats-Unis et, en dernier ressort, sur leurs armes nucléaires. Dans ce contexte, la demande, en 2010, du retrait des armes nucléaires tactiques stationnées sur leur sol par quatre pays européens membres de l’OTAN (Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Norvège) illustre le paradoxe d’une Europe devenue pacifiste dans le contexte d’un monde marqué à la fois par le début du repli américain et par la montée en puissance de nations dites « émergentes », qui ne sont pas seulement les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) mais d’autres, situées à nos portes et héritières de civilisations prestigieuses : Turquie, Iran, sans parler du monde arabe agité par ses révolutions démocratiques dont le processus, par définition, nous échappe.

Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 9 Mars 2012 à 18:58 | Permalien | Commentaires (0)

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Questions d'actualité sur France 3, jeudi 1er mars 2012. Il répondait aux questions de Patrice Machuret.


  • Le MES est une partie intégrante du TSCG qui institue pour les peuples européens un purgatoire à perpétuité. C'est un traité de mortification. Avec ce traité qui prévoit la suppression des déficits et la résorption de la dette à 60% d'ici 20 ans, on s'adonne à des exercices d’auto-flagellation qui vont encore accroître le niveau du chômage.
  • Le traité n'est pas à la hauteur car on ne veut pas voir que le vice congénital de l'euro, c'est l'hétérogénéité des 17 économies qui constituent la zone euro. Par conséquent il faudrait donner à la BCE les moyens, plutôt que d’inonder les banques, de prêter aux États.
  • Une politique industrielle ne peut pas se réduire à une forme de copinage entre le pouvoir politique et des grands groupes industriels qui renvoient l'ascenseur vis à vis de tous les services rendus hors campagne électorale.
  • Le traité européen qui va être signé est un cadeau formidable fait par M. Sarkozy à Mme Merkel

Rédigé par Chevenement.fr le 1 Mars 2012 à 20:28 | Permalien | Commentaires (15)

Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat sur la préparation du Conseil européen des 1 et 2 mars, mardi 28 février 2012.


1) Le Conseil européen des 1er et 2 mars va se pencher sur la récession qui, selon la Commission, frappera la zone euro en 2012. La zone euro est la seule zone du monde qui verra diminuer son PIB de 0,3%, alors que, partout ailleurs, il augmente : pays émergents de l’Asie, 7,3%, Chine : 8,2%, Amérique latine : 3,8%, Russie : 3,3% et même aux Etats-Unis : 1,8% alors que leur dette, leur déficit public et leur balance extérieure sont beaucoup plus dégradés que ceux de la zone euro.

2) Il n’y a pas besoin de chercher bien loin l’origine d’un tel état de fait ; c’est la logique de l’euro elle-même. La monnaie unique comporte un vice congénital : elle juxtapose, en effet, dix sept économies hétérogènes à l’ombre d’une Banque centrale européenne copiée sur le modèle de la Bundesbank allemande. La priorité donnée à la seule lutte contre l’inflation enferme la zone euro dans une croissance lente et un chômage de masse : environ 10% de la population active. La surévaluation de l’euro, depuis son lancement, en 1999, a creusé avec les Etats-Unis et la Chine dont la monnaie est arrimée au dollar, un écart de compétitivité de 30%. Au sein même de la zone euro, la politique salariale déflationniste mise en œuvre par l’Allemagne, depuis le début des années 2000, a accru l’écart de quinze points entre ce pays et le reste de la zone euro, écart auquel a contribué aussi la polarisation naturelle qui s’effectue au sein de toute zone monétaire entre la partie riche, industrialisée et excédentaire, et la partie la plus pauvre, dominée par une économie de services et déficitaire.

Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat sur le Mécanisme européen de stabilité, mardi 28 février 2012.


Le Mécanisme européen de stabilité: un pare-feu illusoire et une procédure détournée
Nous sommes saisis de deux projets de loi, l’un autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme de stabilité, l’autre autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

I- s’agissant de la création du MES, je me bornerai à deux observations :

  • Le MES est partie intégrante du dispositif mis en place par le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire) qui prévoit notamment l’intégration de la prétendue « règle d’or » dans un texte « de préférence constitutionnel ». Ce texte, s’il était adopté nous ferait plonger dans une récession prolongée à l’échelle de la zone euro toute entière.
  • Seconde observation : le MES est un mécanisme opaque qui n’assure nullement le contrôle par le Parlement des fonds publics potentiellement mis à disposition par la France soit 142 milliards d’euros.

    Reprenons ces deux points :

    A) Le mécanisme européen de stabilité est partie intégrante du dispositif mis en place par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union européenne dit TSCG.
    Cela ne figure peut-être pas dans les articles, mais cela résulte clairement des considérants croisés des deux textes.

    1-S’agissant du MES, le projet de traité mentionne à deux reprises dans ses considérants le rôle du TSCG « pour faire progresser l’intégration des politiques économiques et budgétaires en renforçant la coordination, la surveillance et la discipline » (dernier alinéa de la première partie).

    Le préambule du projet de traité instituant le MES affirme encore de manière plus catégorique dans l’antépénultième alinéa de la IIème partie : « Le dispositif de solidarité créé par le MES est complémentaire de la volonté d’évoluer vers une union plus forte au moyen d’un accord international, le TSCG. Il est reconnu et convenu que l’octroi d’une assistance financière en vertu du MES sera conditionné à la ratification du TSCG par l’Etat membre concerné ».

    On ne saurait être plus clair.

Rédigé par Chevenement.fr le 28 Février 2012 à 20:37 | Permalien | Commentaires (0)

Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat sur la Loi de Finances rectificative, mercredi 22 février 2012.


Un mécanisme insuffisant et opaque: un pas de plus vers une Europe post-démocratique
En mettant en place le mécanisme européen de stabilité qui va de pair avec le traité européen dit traité TSCG (sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union européenne) qui n’est pas encore signé et encore moins ratifié, la France va d’abord alourdir son déficit et son endettement de 6,5 milliards d’euros, somme inscrite en crédits de paiement dans la loi de finances rectificative. Ce montant correspondant aux deux premières annuités de la première tranche de la souscription initiale en capital prévue à hauteur de 16,309 milliards d’euros, crédits qui figurent en autorisations d’engagement par la loi de finances rectificative.

Cette contribution de 6,5 milliards d’euros en crédits de paiement est la cause principale de l’aggravation du déficit de l’Etat passant de – 78,7 milliards en loi de finances initiale à 84,9 milliards en loi de finances rectificative. Bien sûr, ce déficit n’apparaît pas dans l’immédiat dans le déficit public au sens maastrichtien du terme par l’allégation du caractère patrimonial de la dotation. Mais pour le contribuable, où est la différence ?

Et qu’arrivera-t-il au moment où les pertes apparaîtront ? Elles seront couvertes par le capital appelé puis par un montant approprié du capital appelable soit, je le rappelle pour la France, 142 milliards d’euros au total.

Rédigé par Chevenement.fr le 22 Février 2012 à 19:19 | Permalien | Commentaires (3)

Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat lors du débat sur la proposition de loi "assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale" le 20 février 2012.


L’intercommunalité: une œuvre de longue haleine
Il est bon que les dispositions relatives à l’intercommunalité puissent faire l’objet d’un vote consensuel.
Pour cela, le gouvernement a fait une concession importante. Il a de fait renoncé aux pouvoirs spéciaux accordés aux Préfets pendant l’année 2012. Le pouvoir d’avis et d’amendement des CDCI est prolongé jusqu’en juin 2013, tant qu’un schéma directeur de la coopération intercommunale n’a pas été adopté. Lors du débat organisé au Sénat, le 9 novembre 2010, je vous avais moi-même conseillé de renoncer à ces pleins pouvoirs préfectoraux qui ne conviennent pas à l’esprit de l’intercommunalité. Vous aviez choisi, vous disais-je alors, d’ « utiliser un marteau pilon pour écraser une mouche ».
Vous avez heureusement retiré de votre arsenal le marteau-pilon. Les préfets ont un pouvoir de conviction suffisant par eux-mêmes et les élus ont un sens de la responsabilité que nul ici ne contestera.

La proposition de loi, qui nous est transmise par l’Assemblée nationale doit doute à M Pélissard et aux travaux de l’AMF. Elle doit beaucoup aussi à la proposition de loi sénatoriale de M Jean-Pierre Sueur dont je salue la contribution décisive. La commission des lois, selon le rapport de M Alain Richard, considère que les ultimes réglages, auxquels il a été procédé, remplissent l’essentiel des objectifs que la proposition de loi sénatoriale s’était assignés et qu’il n’y a donc pas lieu de prolonger le débat.

Rédigé par Chevenement.fr le 20 Février 2012 à 18:00 | Permalien | Commentaires (0)

Jean-Pierre Chevènement était l'invité d'Internationales sur RFI et TV5, dimanche 19 février 2012. Il répondait aux questions de Xavier Lambrechts (TV5 Monde) et Thomas Wieder (Le Monde).


Verbatim express

  • Ce qui me meut est en réalité toujours la même idée, celle que je ne suis pas rallié au social-libéralisme, cela depuis 30 ans, et que je me bats toujours pour une société plus juste où l’État retrouverait un rôle de régulation et d'orientation stratégique.
  • Ma candidature avait un but pédagogique. Je l'ai retirée le 1er février, avant que ne se produise l'inévitable polarisation au nom d'un vote utile, que je conteste d'ailleurs. L’élection présidentielle doit être l'occasion de faire émerger des idées nouvelles. C'est ce que j'ai essayé de faire en 2002.
  • Quand je considérerai que les lignes auront bougé, je pourrai dire à quel candidat j'apporte mon soutien les yeux ouverts. Je pense représenter un repère pour un certain nombre de gens. Par conséquent, je prendrai mes responsabilités.
  • M. Sarkozy, qui fait une préemption de la France, oublie de nous dire qu'il a préparé un traité qui met en réalité la France à la merci des orientations de Mme Merkel et nous engage à réduire la dette publique à 60%. C'est la garantie de l’austérité à perpétuité. C'est un traité de déclin.

Carnet de Jean-Pierre Chevènement



La monnaie unique, en rigidifiant les parités monétaires, montre à Athènes toute la nocivité de sa conception. Sans doute la Grèce doit-elle retrouver sa compétitivité. Mais la plus absurde des solutions consiste à en confier le soin à la troïka Commission européenne – Banque Centrale européenne – FMI.

Le peuple grec, ami du peuple français, comprend que le plan de rigueur que la troïka veut lui administrer ne peut déboucher sur aucun redressement. Le choix de la monnaie unique aura ainsi abouti à l’inverse de ce que déclarait vouloir, en 1950, Robert Schuman : « œuvrer à une union toujours plus étroite des peuples européens ».

Ce qui est vrai aujourd’hui à Athènes le sera demain à Paris si la France ne parvient pas à réorienter fondamentalement la construction européenne.

Le traité européen que Nicolas Sarkozy veut imposer au peuple français en s’appuyant sur Madame Merkel engendrera en Europe une récession de longue durée dont la France sortira exsangue. Il est temps de dire non. La prochaine élection présidentielle sera pour les Français l’occasion de le faire en exigeant la révision de ce traité.

Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 13 Février 2012 à 22:44 | Permalien | Commentaires (11)
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