Jean-Pierre Chevènement était l'invité de l'Institut Diderot mardi 3 décembre 2013, lors d'une conférence intitulée "L'avenir de la mondialisation". Il est revenu sur son livre "1914-2014 : l'Europe sortie de l'histoire ?" puis a répondu aux questions de la salle.


Première partie ci-dessus de la conférence donnée par Jean-Pierre Chevènement à l'Institut Diderot.

Entretien de Jean-Pierre Chevènement accordé au "Figaro Magazine", le 20 décembre 2013. Propos recueillis par Patrice De Méritens.


"Europe ? Hors des nations, point de salut !"
Le Figaro Magazine : Que vous inspire cette commémoration de 14-18 dont lecycle amorcé en novembre dernier se déroulera durant les mois à venir ?
Jean-Pierre Chevènement : Il faut la considérer avec la lucidité dont a fait preuve l’ancien ministre des Affaires étrangères allemand Joschka Fischer, lorsqu’il a dit qu’« il serait admirable qu’il y eût un dialogue européen sur le sujet, car là est le commencement de la tragédie européenne ». Si douloureux que soit un passé, il faut en parler en connaissance de cause, savoir démêler les mécanismes profonds des responsabilités immédiates, travail de pédagogie qui n’est absolument pas accompli ni par nos élites intellectuelles ni par nos dirigeants. A la première mondialisation sous domination britannique, qui dura jusqu’en 1914, succéda après 1945 une seconde sous égide américaine. Les deux mondialisations ont abouti à une profonde modification de la hiérarchie des puissances. Avant 1914, la montée de l’Allemagne impériale est un fait saisissant. Unifiée depuis 1871, adossée au Zollverein, experte en matière scientifique et technique, elle ne cesse, sur le plan économique, de creuser l’écart avec la France et l’Angleterre. L’Empire britannique se méfie de cette nouvelle venue qui se dote au surplus d’une puissante flotte de guerre. Ce conflit d’hégémonie est la véritable cause de la guerre. Les origines de la catastrophe sont occultées, on ne peut que déplorer, à l’instar de Joschka Fischer, cette « déshistorisation » des consciences, si bien que je ne serai pas grand clerc en prédisant que la commémoration de 14-18 sera instrumentalisée à des fins politiques. Au nom du « Plus jamais ça ! », il s’agira pour nos classes dirigeantes de réitérer leur défiance à l’encontre des nations, d’où viendrait tout le mal, et de justifier la mise en congé de la démocratie en Europe au prétexte de sauver cette dernière de ses démons. Or la voix de l’Europe est comme étouffée depuis plusieurs décennies. Comment est-elle progressivement sortie de l’Histoire ? Ce mouvement peut-il être inversé ? C’est à ces questions que j’ai voulu répondre dans mon livre, pour envisager ce que peut et doit être notre avenir commun au XXIe siècle.

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de France 3 Franche Comté, samedi 14 décembre 2013. Il débattait avec Alain Joyandet dans l'émission "La voix est libre", animée par Catherine Eme-Ziri et Jérémy Chevreuil.


(Retrouvez la première partie de l'émission ci-dessus, et la seconde partie en bas de l'article)

Verbatim express :

Sur Matignon
  • Je n'ai pas du tout envie de prendre la place de M. Ayrault. C'est une place qui n'est pas enviable, sauf si on a les mains pour faire une autre politique. Ce serait un cas de figure tout à fait différent. Mais je ne l'envisage pas, et je ne pense pas que ce soit dans les intentions de François Hollande, aujourd'hui, de changer franchement de cap.
  • Lorsque j'ai apporté mon soutien à François Hollande, les yeux ouverts, j'ai dit que j'excluais de redevenir ministre. Je l'ai été à cinq reprises pendant presque 10 ans, bien que j'ai démissionné trois fois.
  • Je considère qu'il y a une équation générale, qui est malheureusement erronée, depuis près de trois décennies. On a voulu substituer l'Europe à la nation, une dérégulation totale, un choix de monnaie unique qui juxtapose des économies profondément hétérogènes, et on le voit bien, ça ne marche pas.
  • Je ne me situe pas vraiment au niveau des partis politiques. J'essaye de regarder ce qui est conforme à l'intérêt du pays. Je m'exprime raisonnablement.
  • Je trouve qu'on ne se pose pas les questions de fond. François Hollande est là depuis longtemps. Il ne mérite pas le flot d'avanies dont il est accablé.
  • Dans mon dernier livre, j'essaye de prendre la mesure du siècle écoulé. Je compare deux mondialisations. Je vois qu'à l'intérieur de chacunes d'elles, il y a une modification profonde de la hiérarchie des puissances. Alors qu'on voyait monter l'Allemagne impériale, aujourd'hui c'est la Chine.
  • La montée fantastique de l'Allemagne impériale aboutit à la Première Guerre mondiale, dont je donne une explication rationnelle, alors qu'aujourd'hui un silence total prévaut, parce que le politiquement correct est immense.

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de PolitiqueS sur LCP samedi 14 décembre 2013. Il répondait aux questions de Serge Moati.


Verbatim express :

Sur les différentes interventions internationales de la France
  • (A propos des interventions au Mali et en Centrafrique) Qui pourrait le faire si la France ne le fait pas ? Je ne vais pas souligner l'impotence stratégique de l'Europe. Elle est démontrée. Elle est incapable de réagir. D'autres pays pourraient intervenir, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, mais ils ne connaissent pas ces régions.
  • Je souligne que c'est à la demande de l'ONU, et dans le cadre d'une résolution, que la France intervient à des fins essentiellement humanitaires, et pour remettre ce pays sur les rails, ce qui est déjà beaucoup plus difficile.
  • La France n'est pas seule : il y a une force, la MISCA, qui regroupe les troupes du Tchad, du Congo, de la République démocratique du Congo, du Cameroun, du Gabon, et le président Hollande a annoncé la formation de 20 000 soldats africains par an, ce qui est un objectif extrêmement ambitieux.
  • La France intervient en accord avec l'Afrique, et ses organisations internationales, comme l'Union Africaine. Elle ne peut pas le faire autrement. C'est un point essentiel.
  • Si elle avait eu lieu, l'intervention en Syrie aurait été une très grave erreur, qui nous aurait entraîné dans une guerre que l'ONU n'aurait pas autorisée.
  • Cela aurait ressemblé à la guerre d'Irak. On en voit aujourd'hui le résultat. L'Iran est devenue la puissance dominante dans la région. On a aussi ouvert la voie à l'islamisme radical. Et cette intervention a été ressentie comme une guerre impérialiste, non seulement dans l'ensemble du monde arabe, mais aussi dans l'ensemble du tiers-monde.
  • La France ne doit pas supporter seule le coup de cette mission en Centrafrique. M. Von Rompuy au sommet africain a annoncé que l'Europe mettrait 50 millions d'euros. Ca ne suffira pas, mais c'est un début.

Entretien de Jean-Pierre Chevènement au quotidien Le Progrès, propos recueillis par Dominique Goubatian, jeudi 12 décembre 2013.


"La monnaie unique est une fausse bonne idée"
Le Progrès: Votre nouveau livre met-il en avant les défauts de l’Europe ?
Jean-Pierre Chevènement:
J’ai voulu comprendre comment l’Europe et la France en étaient arrivées là où elles en sont aujourd’hui. J’ai pris comme point de départ la Première Guerre mondiale. J’ai rapproché deux mondialisations libérales. D’une part, celle qui s’est développée sous égide britannique, dont l’issue a été la guerre de 1914-1918, et d’autre part l’américaine après 1945, qui a conduit à la crise du capitalisme financier et à la montée des pays émergents, au premier rang desquels la Chine.

Vous dites que l’Europe est sortie de l’histoire. Pourquoi ?
On voit bien que l’Europe actuelle ne marche pas. Élargie à 28, l’Europe a des divergences d’intérêts et des lenteurs de réactions qui génèrent une véritable impotence stratégique.

Pour quelles raisons êtes-vous critique sur la monnaie unique ?
La monnaie unique est une fausse bonne idée. Elle est viciée dans son principe car elle juxtapose en son sein des économies nationales hétérogènes. L’euro est une monnaie surévaluée. Il faut réformer l’euro afin de le ramener à un cours tolérable.
Mots-clés : 1914-2014 euro europe

Rédigé par Chevenement.fr le 12 Décembre 2013 à 22:46 | Permalien | Commentaires (3)

Jean-Pierre Chevènement était l'invité d'Activ' Radio mercredi 11 décembre 2013. Il répondait aux questions de Timothée Maymon.


"Dans la guerre des monnaies, l'Europe joue avec les bras attachés dans le dos"
activradio.mp3 Activ'Radio  (12.45 Mo)

Verbatim express :

  • Dans les commémorations du centenaire de 1914, il y a beaucoup de malentendus. On lit toujours le passé à la lumière du présent, mais on ne comprend pas ce qui s'est passé quand on essaye de discréditer les nations, comme si elles étaient à l'origine de la Première Guerre mondiale. Je crois que ce n'est pas le cas.
  • L'idée du livre est de comparer les deux mondialisations, la mondialisation britannique, avant 1914, et ensuite la mondialisation américaine, après 1945. Dans les deux cas, on voit se modifier profondément la hiérarchie des puissances. Les causes profondes de la Première Guerre mondiale sont là.
  • Les élites allemandes, pénétrées d'idées pangermanistes, ont pris tout une série de décisions inconsidérées, précipitant la guerre, donnant son caractère véritablement mondial à ce conflit.
  • Les historiens aujourd'hui s'intéressent surtout à l'histoire des mentalités. Ils ne cherchent pas à comprendre ce qui, au cours du siècle, a entraîné la marginalisation de l'Europe. Je tire de mon livre des réflexions pour aujourd'hui.

Intervention de Jean-Pierre Chevènement, dans le cadre de la deuxième lecture du projet de loi de programmation militaire au Sénat, mardi 10 décembre 2013.


Ce contrat nous engage tous
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre,

L’adoption par le Sénat en deuxième lecture de la loi de programmation militaire dans le texte issu des travaux de l’Assemblée Nationale, et utilement précisé à cette occasion, marquera la fin positive d’un long marathon que vous avez su mener à bien à partir de l’arbitrage initial du Président de la République assurant à nos armées une ressource totale de crédits de 190 milliards d’euros sur six ans.

Mon concours, et plus généralement celui des sénateurs RDSE, au nom desquels je m’exprime, ne vous manqueront pas plus à l’issue de la seconde lecture que de la première.

Comme l’a rappelé le Président de la CAEDFA du Sénat, M. Jean-Louis Carrère, dont je tiens à saluer le travail considérable et l’implication constante, l’Assemblée Nationale a approuvé la plupart des avancées introduites par le Sénat et notamment les clauses de sauvegarde permettant le respect de la trajectoire financière dessinée par la LPM. A l’initiative du gouvernement a été introduite une majoration potentielle éventuelle des recettes exceptionnelles, à hauteur de 500 millions d’euros, pour compenser les annulations de crédits de la fin de gestion 2013. En effet, le Ministère de la Défense a dû contribuer, à hauteur de 486 millions d’euros, à l’effort de réduction des déficits publics demandé à tous les ministères pour que l’Etat puisse tenir les engagements européens qu’il a pris en la matière. C’est à ce prix que la Commission européenne a accordé son satisfecit au budget 2014.

Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le 11 Décembre 2013 à 00:24 | Permalien | Commentaires (2)

Agenda et médias



Entretien de Jean-Pierre Chevènement au journal "Le Télégramme", mercredi 10 décembre 2013. Propos recueillis par Philippe Reinhard.


"Il faut une école forte"
Le Télégramme : Le rapport Pisa dégrade l'école française. Est-elle aussi nulle que le laisse entendre ce rapport ?
Jean-Pierre Chevènement : Elle n'est pas nulle, mais il est incontestable que son niveau se dégrade. Toutefois, il faut savoir que les qualités propres à l'école française - clarté, capacité d'abstraction - ne sont pas mesurées par le rapport Pisa. Je fais donc quelques réserves sur l'instrument de mesure.Toutes les enquêtes internes du ministère de l'Éducation nationale montrent une dégradation de l'orthographe, de la grammaire, de la syntaxe, des capacités de calcul et de mémorisation. Je pense que l'environnement des enfants est marqué par l'immédiateté. Nous sommes dans la vidéosphère. Les progrès d'internet ont beaucoup d'effets pervers.

Des effets pervers qui ne touchent pas que la France...
Cela ne concerne pas que la France, mais cela touche davantage un enseignement de type classique et très structuré comme le nôtre.Mais la cause principale est ailleurs. Elle est dans la vogue de ces pédagogies constructivistes qui aboutit à l'affaiblissement de ce qu'on appelle « l'effet maître », le rapport que l'enseignant a avec l'élève.

Les maîtres ne sont-ils pas à la hauteur de leur mission ?
Un rapport récent de l'inspection générale de l'Éducation nationale dit que « les maîtres ne disposent pas, pour la plupart d'entre eux, des outils conceptuels et didactiques pour mettre en oeuvre les programmes tels qu'ils existent ». C'est un rapport tout à fait décapant. Il est d'ailleurs assez étonnant qu'il ait pu passer à travers le filtre de la hiérarchie.
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