Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Monde (supplément Argent), édition du 5 juin 2010 (page 3).


Entretien au Monde sur l'harmonisation fiscale en Europe
Le Monde : Est-il possible d'adopter une fiscalité identique dans tous les pays européens ?
Jean-Pierre Chevènement :
Identique c'est impossible. Même aux Etats-Unis, les Etats fédérés ont une fiscalité différenciée. J'ajoute que plusieurs pays, à commencer par la Grande-Bretagne, sont farouchement hostiles à toute harmonisation. Or, je vous rappelle qu'en matière fiscale, les décisions, au niveau de l'Union européenne, doivent se prendre à l'unanimité... Mais on peut sans doute agir au niveau de la zone euro pour mettre un terme au dumping fiscal. Imagine-t-on un plan de sauvetage de l'Irlande qui ne mettrait pas un terme à la concurrence fiscale en matière d'impôt sur les sociétés ?

Quelles sont les priorités ?
C'est de contrer la spéculation pour sauver la monnaie unique, victime de l'erreur de conception que j'avais dénoncée dès qu'a été adopté le traité de Maastricht en 1992 : le transfert des souverainetés monétaires s'est fait au profit d'une Banque centrale européenne indépendante (BCE), en dehors de tout pilotage politique. Il faut relancer la demande intérieure pour ouvrir un sentier de croissance à la zone euro. C'est le rôle des économies les plus puissantes et d'abord de l'Allemagne. Cela seul, et non un concours de plans de rigueur, permettra de réduire les déficits des pays les plus endettés.

Rédigé par Chevenement.fr le 4 Juin 2010 à 16:52 | Permalien | Commentaires (2)

Intervention du sénateur Jean-Pierre Chevènement lors du débat du 3 juin 2010 sur le projet de loi de finances rectificative.


Pour une Europe de la croissance et du progrès social
Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Ministres, Mes chers collègues,

La crise de la monnaie unique était prévisible, dès sa création par le traité de Maastricht en 1991. J’ai moi-même, en son temps, dénoncé le transfert de la souveraineté monétaire à une Banque Centrale européenne indépendante, entièrement déconnectée du suffrage universel et sans aucun pilotage politique. La monnaie unique était un canard sans tête. Cela sautait aux yeux en lisant le texte du traité. Aujourd’hui cela nous saute à la figure. La zone euro est une zone monétaire hétérogène, dépourvue d’un gouvernement économique capable de permettre aux Etats de coordonner leurs politiques. Pas seulement en matière budgétaire, mais aussi s’agissant de la dette des ménages et des entreprises, de l’évolution de l’investissement, de la compétitivité et donc de l’emploi, et enfin pour ce qui touche à la balance des paiements des pays concernés.

La monnaie unique souffre, par construction, de rigidités insurmontables puisque les ajustements ayant été rendus impossibles par la monnaie, doivent s’opérer par les salaires et les prix.

On ne peut que regretter rétrospectivement le projet de monnaie commune soutenu à l’époque par la Grande-Bretagne, dit encore « hard écu », la monnaie commune ayant cours vers l’extérieur et laissant subsister, à l’intérieur, des monnaies nationales inconvertibles autrement qu’à travers un accord politique fixant leur parité par rapport à la monnaie commune. Ce système simple permettait, sous un « toit européen » commun, les ajustements monétaires rendus nécessaires par les évolutions divergentes que le pacte de stabilité de 1997, rudimentaire et arbitraire, n’a pas permis d’empêcher.

Entretien au Nouvel Observateur, 3 juin 2010 (page 48)


Entretien au Nouvel Observateur : Le tocsin Chevènement
Le Nouvel Observateur : Quel regard portez-vous sur la crise qui frappe aujourd’hui l’euro ?
Jean-Pierre Chevènement : Depuis 1992, le Mouvement des Citoyens et moi-même avons mis en garde les Français contre l’impasse historique du projet de Maastricht oublieux de la réalité des nations, il était évident qu’un projet de monnaie unique sans même un gouvernement économique pour équilibrer l’omnipotence de la banque centrale ne pouvait nous conduire qu’au gouffre. Nous y sommes aujourd’hui, malheureusement. Les institutions européennes, et notamment la Banque centrale, ne se sont focalisées que sur l’inflation et les déficits budgétaires des Etats, alors qu’il aurait fallu veiller aussi à l’endettement des ménages et des entreprises, à l’évolution de l’investissement, de la compétitivité et par conséquent à l’emploi. Ainsi aurait-on pu éviter des divergences insoutenables. Le pacte de stabilité arbitraire et rudimentaire imposé par le Chancelier Kohl en 1997 est complètement dépassé.

Que faudrait-il faire pour enrayer la crise ?
La première urgence voudrait qu’on règlemente les marchés, qu’on établisse un certain contrôle des mouvements de capitaux et qu’on interdise par exemple les ventes à découvert, comme le propose l’Allemagne. Aujourd’hui, nous sommes profondément désarmés devant la puissance des marchés. Les Etats sont des coquilles de noix face aux oscillations brutales de la spéculation. Et collectivement les Etats démontrent leur impuissance (zone euro, Union européenne, G20, etc.). La vraie priorité commande donc de défendre la zone euro pour éviter que la crise ne se répande d’un pays à l’autre, par un effet domino. Mais attention : cela suppose qu’on change les règles du jeu qui nous ont envoyé dans le mur. Comme l’a récemment souligné le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, on ne rétablira pas l’euro par un concours de plans de rigueur, avec blocage des salaires et diminution des retraites à la clé. L’Allemagne doit être conduite à jouer son rôle de locomotive de la croissance européenne par une relance de sa demande intérieure.

Dépêche AFP, 2 juin 2010, 16h19 (mise à jour à 18h51).


Le MRC ne participera pas au "simulacre" de primaires du PS (Chevènement)
Jean-Pierre Chevènement, président du Mouvement républicain et citoyen (MRC) a annoncé mercredi que son parti ne participerait pas au "simulacre" de primaires organisées par le Parti socialiste à l'automne 2011 pour désigner le candidat de la gauche à la présidentielle 2012.

L'ex-candidat à la présidentielle 2002 (5,3%) n'a pas exclu d'être lui-même candidat. "Le projet est plus important que les personnes", "être candidat, cela suppose qu'une demande se manifeste, j'y répondrai le moment venu (...) avant 2012!", a lancé, à quelques journalistes, le sénateur de Belfort.

Le MRC qui tient son congrès les 26 et 27 juin à Paris, soutiendra "un candidat républicain qui porte un projet de redressement" de la France, "pas forcément un candidat de notre mouvement", a-t-il ajouté.

Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal "sont d'accord pour se ranger derrière le candidat plébiscité par les sondages à travers une campagne organisée par les médias", a déploré ce soutien de la présidente de Poitou-Charentes à la présidentielle 2007. Et selon lui, "les responsables socialistes eux-mêmes ont enterré la primaire avant même de l'avoir adoptée".

Avec cet "arrangement entre trois des candidats potentiels, il n'y a plus de primaires", a renchéri Jean-Luc Laurent, maire MRC du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) qui ne voit désormais dans ce processus qu'une "désignation d'un candidat socialiste par le PS".

Rédigé par Chevenement.fr le 2 Juin 2010 à 16:54 | Permalien | Commentaires (5)

Jean-Pierre Chevènement répondait aux questions d'Hubert Huertas dans "En toute franchise".


Jean-Pierre Chevènement invité de France Culture lundi 31 mai à 7h12
L'entretien est podcasté sur le blog ci-dessous.

Carnet de Jean-Pierre Chevènement



La proposition du Président de la République d’inscrire, à l’image de l’Allemagne, la réduction des déficits budgétaires dans la Constitution, va à rebours de ce qu’il faudrait faire :


non pas s’aligner sur l’orthodoxie libérale allemande, legs d’une histoire traumatique, mais convaincre nos amis allemands de prendre la tête d’une initiative de croissance européenne, fondée sur la relance de la consommation intérieure et sur l’investissement public, et cela, dans leur intérêt même : l’Allemagne réalise en effet 60% de ses excédents commerciaux sur la zone Euro. Quand tous les autres pays de la zone Euro se seront mis à l’heure allemande pour conjuguer leurs plans de rigueur respectifs, une crise économique et sociale majeure en résultera inévitablement en Europe, dont l’Allemagne, du fait de la structure de son commerce extérieur, sera la première à faire les frais.

Les Français sont fondés à attendre de leur Président qu’il parle non pas le langage de l’alignement, mais celui d’une France inventive, volontaire et entreprenante.

Dans un conte germanique célèbre, le joueur de flûte de la ville de Hameln, entraîne les rats vers le précipice. Monsieur le Président, ne nous mettez pas dans la situation des rats ! Faîtes entendre une musique française et européenne ! Car l’euro n’est pas seulement la monnaie de l’Allemagne. C’est la monnaie de l’Europe. Or, l’Europe, bien que moins endettée que les Etats-Unis et le Japon est aujourd’hui la lanterne rouge de la croissance mondiale.

Renversez la vapeur, Monsieur le Président ! Ne vous laissez pas glisser sur la pente fatale d’une rigueur imposée de l’extérieur. Celle-ci ne répond à rien sinon à l’exigence de cupidité sans limite des marchés financiers. Ce sont ceux-ci qu’il faut mettre sous contrôle et pas la consommation des Européens ! Il faut vous dégager de la logique maastrichtienne qui a conduit à la crise actuelle, changer les règles du jeu de l’euro. C’est le moment ! C’est difficile ? Mais tous les pays européens vous soutiendront, ainsi que les Etats-Unis d’Amérique qui pour combler leur propre déficit on besoin d’une locomotive européenne puissante : Il n’est que d’oser, Monsieur le Président !

Rédigé par Jean-Pierre Chevenement le 21 Mai 2010 à 16:31 | Permalien | Commentaires (14)

En 1997, cinq ans après le référendum sur le traité de Maastricht, Jean-Pierre Chevènement publiait "Le Bêtisier de Maastricht" (Editions Arléa). Voici quelques extraits des citations mises en exergue dans le livre. La crise de la zone euro jette une lumière crue sur le surréalisme de ces dernières.


Le Bêtisier de Maastricht
« [Les partisans du "non"] sont des apprentis sorciers. […] Moi je leur ferai un seul conseil : Messieurs, ou vous changez d'attitude, ou vous abandonnez la politique. Il n'y a pas de place pour un tel discours, de tels comportements, dans une vraie démocratie qui respecte l'intelligence et le bon sens des citoyens. » (Jacques Delors à Quimper, 29.8.92)

« Ce qui n’était pas prévu, c’est que les peuples puissent refuser ce que proposent les gouvernements. » (Michel Rocard, International Herald Tribune, 28.7.92)

« Le traité de Maastricht fait la quasi-unanimité de l’ensemble de la classe politique. Les hommes politiques que nous avons élus sont tout de même mieux avertis que le commun des mortels.» (Élisabeth Badinter, Vu de Gauche, septembre 1992)

« Maastricht apporte aux dernières années de ce siècle une touche d’humanisme et de Lumière qui contraste singulièrement avec les épreuves cruelles du passé. » (Michel Sapin, ministre socialiste des finances, Le Monde, 6.5.92)

« Interrogez les peuples de Bosnie, de l’ex-Yougoslavie, de Pologne et des autres pays. Ils nous disent : “ chers amis français, entendez-nous. Apportez-nous votre soutien et votre oui. Ce sera un oui à la française, à l’amitié, à la paix, à l’union. Votre oui à l’union fera tâche d’huile dans nos pays où nous souffrons tant ”. Les gens qui sont aujourd’hui sous les bombes seraient désespérés si les Français tournaient le dos à l’unité européenne. » ( Jack Lang, France Inter, 18.9.92)

Rédigé par Chevenement.fr le 21 Mai 2010 à 15:06 | Permalien | Commentaires (1)

Tribune de Jean-Pierre Chevènement parue dans Le Monde, édition du 21 mai 2010.


Il est illusoire et dangereux de croire que l'on peut mettre un terme à la prolifération nucléaire en supprimant les arsenaux existants
Michel Rocard et Georges Le Guelte sont des hommes réputés compétents, chacun dans son domaine. Je suis d'autant plus surpris de les voir tracer ensemble (Le Monde du 4 mai) des perspectives illusoires pour un mot d'ordre simpliste : "Mettre un terme à la prolifération nucléaire, en éliminant les arsenaux", et négliger les voies praticables du seul objectif aujourd'hui accessible : la minimisation de ces arsenaux en vue de créer une "zone de basse pression nucléaire", selon la formule du rapport adopté en mars par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat ("Désarmement, prolifération nucléaire et sécurité de la France").

Perspective illusoire d'abord que de laisser croire qu'on puisse éliminer les arsenaux nucléaires en moins de quelques décennies. La revue de posture nucléaire américaine NPR publiée le 8 avril, que MM. Rocard et Le Guelte n'ont visiblement pas lue, établit clairement que les capacités industrielles de démantèlement n'y parviendraient pas avant le début de la prochaine décennie, en fait 2024. Cela est encore plus vrai pour les capacités de transformation du plutonium en combustible civil (pas avant la décennie 2030). Tout cela sans compter avec les difficultés politiques aisément prévisibles : les Etats-Unis considèrent notamment l'arsenal russe comme "dimensionnant" pour le leur.

Rédigé par Jean-Pierre Chevenement le 20 Mai 2010 à 15:04 | Permalien | Commentaires (1)
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