Le Monde : Est-il possible d'adopter une fiscalité identique dans tous les pays européens ?
Jean-Pierre Chevènement : Identique c'est impossible. Même aux Etats-Unis, les Etats fédérés ont une fiscalité différenciée. J'ajoute que plusieurs pays, à commencer par la Grande-Bretagne, sont farouchement hostiles à toute harmonisation. Or, je vous rappelle qu'en matière fiscale, les décisions, au niveau de l'Union européenne, doivent se prendre à l'unanimité... Mais on peut sans doute agir au niveau de la zone euro pour mettre un terme au dumping fiscal. Imagine-t-on un plan de sauvetage de l'Irlande qui ne mettrait pas un terme à la concurrence fiscale en matière d'impôt sur les sociétés ?
Quelles sont les priorités ?
C'est de contrer la spéculation pour sauver la monnaie unique, victime de l'erreur de conception que j'avais dénoncée dès qu'a été adopté le traité de Maastricht en 1992 : le transfert des souverainetés monétaires s'est fait au profit d'une Banque centrale européenne indépendante (BCE), en dehors de tout pilotage politique. Il faut relancer la demande intérieure pour ouvrir un sentier de croissance à la zone euro. C'est le rôle des économies les plus puissantes et d'abord de l'Allemagne. Cela seul, et non un concours de plans de rigueur, permettra de réduire les déficits des pays les plus endettés.
Jean-Pierre Chevènement : Identique c'est impossible. Même aux Etats-Unis, les Etats fédérés ont une fiscalité différenciée. J'ajoute que plusieurs pays, à commencer par la Grande-Bretagne, sont farouchement hostiles à toute harmonisation. Or, je vous rappelle qu'en matière fiscale, les décisions, au niveau de l'Union européenne, doivent se prendre à l'unanimité... Mais on peut sans doute agir au niveau de la zone euro pour mettre un terme au dumping fiscal. Imagine-t-on un plan de sauvetage de l'Irlande qui ne mettrait pas un terme à la concurrence fiscale en matière d'impôt sur les sociétés ?
Quelles sont les priorités ?
C'est de contrer la spéculation pour sauver la monnaie unique, victime de l'erreur de conception que j'avais dénoncée dès qu'a été adopté le traité de Maastricht en 1992 : le transfert des souverainetés monétaires s'est fait au profit d'une Banque centrale européenne indépendante (BCE), en dehors de tout pilotage politique. Il faut relancer la demande intérieure pour ouvrir un sentier de croissance à la zone euro. C'est le rôle des économies les plus puissantes et d'abord de l'Allemagne. Cela seul, et non un concours de plans de rigueur, permettra de réduire les déficits des pays les plus endettés.
L'harmonisation fiscale aurait un sens s'agissant de la taxation de l'épargne et de l'impôt sur les sociétés. La libération des mouvements de capitaux en 1988 aurait dû être subordonnée à l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne. Hélas, il y a été renoncé : le déchaînement de la spéculation comme le dumping fiscal sont les conséquences de cette déréglementation.
L'Allemagne et la France prônent une « règle d'or » qui graverait dans la Constitution des Etats de la zone euro l'obligation d'équilibrer leur budget. Qu'en pensez-vous ?
Ce serait se lier les mans car une telle décision empêcherait toute politique de contracyclique. Néanmoins, plutôt qu'une relance budgétaire, je prône une relance par la fixation de normes de progression salariale plus fortes. Il faudrait aussi un grand emprunt européen pour financer les infrastructures, la recherche et l'innovation. Enfin, il y aurait tout avantage à laisser filer la parité de l'euro vers une équivalence 1 euro égale 1 dollar. Cela doperait nos exportations.
Sans recourir au levier fiscal, comment coordonner les politiques économiques des Etats ?
Les critères de Maastricht ont vécu. La monnaie unique reposait sur une vision erronée de l'Europe, qui ne prenait pas en compte la réalité des nations et leur diversité économique, culturelle et politique. L'Allemagne, grand pays par sa technologie et son industrie, a des atouts que d'autres pays européens n'ont pas.
Depuis 2000, l'Allemagne pratique une politique de déflation salariale compétitive qui vise à doper ses exportations. L'excédent commercial allemand atteint 160 milliards d'euros par an dont 60 % sur la zone euro. La contrepartie, ce sont les déficits croissants de ses partenaires : la France, l'Italie, l'Espagne, la Belgique... Pour éviter une telle dérive, je suis partisan que les Etats coordonnent mieux leurs politiques économiques.
Comment sortir de la crise ?
Contraindre les Etats européens à tailler dans leurs dépenses au-delà d'un certain point serait suicidaire. Une politique déflationniste dans une période de stagnation économique aurait un effet catastrophique. Le levier fiscal est insuffisant et peut même être contreproductif pour résorber les déficits. Il faut agir sur la croissance pour augmenter les rentrées fiscales.
Propos recueillis par J. Po
L'Allemagne et la France prônent une « règle d'or » qui graverait dans la Constitution des Etats de la zone euro l'obligation d'équilibrer leur budget. Qu'en pensez-vous ?
Ce serait se lier les mans car une telle décision empêcherait toute politique de contracyclique. Néanmoins, plutôt qu'une relance budgétaire, je prône une relance par la fixation de normes de progression salariale plus fortes. Il faudrait aussi un grand emprunt européen pour financer les infrastructures, la recherche et l'innovation. Enfin, il y aurait tout avantage à laisser filer la parité de l'euro vers une équivalence 1 euro égale 1 dollar. Cela doperait nos exportations.
Sans recourir au levier fiscal, comment coordonner les politiques économiques des Etats ?
Les critères de Maastricht ont vécu. La monnaie unique reposait sur une vision erronée de l'Europe, qui ne prenait pas en compte la réalité des nations et leur diversité économique, culturelle et politique. L'Allemagne, grand pays par sa technologie et son industrie, a des atouts que d'autres pays européens n'ont pas.
Depuis 2000, l'Allemagne pratique une politique de déflation salariale compétitive qui vise à doper ses exportations. L'excédent commercial allemand atteint 160 milliards d'euros par an dont 60 % sur la zone euro. La contrepartie, ce sont les déficits croissants de ses partenaires : la France, l'Italie, l'Espagne, la Belgique... Pour éviter une telle dérive, je suis partisan que les Etats coordonnent mieux leurs politiques économiques.
Comment sortir de la crise ?
Contraindre les Etats européens à tailler dans leurs dépenses au-delà d'un certain point serait suicidaire. Une politique déflationniste dans une période de stagnation économique aurait un effet catastrophique. Le levier fiscal est insuffisant et peut même être contreproductif pour résorber les déficits. Il faut agir sur la croissance pour augmenter les rentrées fiscales.
Propos recueillis par J. Po