Le Nouvel Observateur : Quel regard portez-vous sur la crise qui frappe aujourd’hui l’euro ?
Jean-Pierre Chevènement : Depuis 1992, le Mouvement des Citoyens et moi-même avons mis en garde les Français contre l’impasse historique du projet de Maastricht oublieux de la réalité des nations, il était évident qu’un projet de monnaie unique sans même un gouvernement économique pour équilibrer l’omnipotence de la banque centrale ne pouvait nous conduire qu’au gouffre. Nous y sommes aujourd’hui, malheureusement. Les institutions européennes, et notamment la Banque centrale, ne se sont focalisées que sur l’inflation et les déficits budgétaires des Etats, alors qu’il aurait fallu veiller aussi à l’endettement des ménages et des entreprises, à l’évolution de l’investissement, de la compétitivité et par conséquent à l’emploi. Ainsi aurait-on pu éviter des divergences insoutenables. Le pacte de stabilité arbitraire et rudimentaire imposé par le Chancelier Kohl en 1997 est complètement dépassé.
Que faudrait-il faire pour enrayer la crise ?
La première urgence voudrait qu’on règlemente les marchés, qu’on établisse un certain contrôle des mouvements de capitaux et qu’on interdise par exemple les ventes à découvert, comme le propose l’Allemagne. Aujourd’hui, nous sommes profondément désarmés devant la puissance des marchés. Les Etats sont des coquilles de noix face aux oscillations brutales de la spéculation. Et collectivement les Etats démontrent leur impuissance (zone euro, Union européenne, G20, etc.). La vraie priorité commande donc de défendre la zone euro pour éviter que la crise ne se répande d’un pays à l’autre, par un effet domino. Mais attention : cela suppose qu’on change les règles du jeu qui nous ont envoyé dans le mur. Comme l’a récemment souligné le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, on ne rétablira pas l’euro par un concours de plans de rigueur, avec blocage des salaires et diminution des retraites à la clé. L’Allemagne doit être conduite à jouer son rôle de locomotive de la croissance européenne par une relance de sa demande intérieure.
Jean-Pierre Chevènement : Depuis 1992, le Mouvement des Citoyens et moi-même avons mis en garde les Français contre l’impasse historique du projet de Maastricht oublieux de la réalité des nations, il était évident qu’un projet de monnaie unique sans même un gouvernement économique pour équilibrer l’omnipotence de la banque centrale ne pouvait nous conduire qu’au gouffre. Nous y sommes aujourd’hui, malheureusement. Les institutions européennes, et notamment la Banque centrale, ne se sont focalisées que sur l’inflation et les déficits budgétaires des Etats, alors qu’il aurait fallu veiller aussi à l’endettement des ménages et des entreprises, à l’évolution de l’investissement, de la compétitivité et par conséquent à l’emploi. Ainsi aurait-on pu éviter des divergences insoutenables. Le pacte de stabilité arbitraire et rudimentaire imposé par le Chancelier Kohl en 1997 est complètement dépassé.
Que faudrait-il faire pour enrayer la crise ?
La première urgence voudrait qu’on règlemente les marchés, qu’on établisse un certain contrôle des mouvements de capitaux et qu’on interdise par exemple les ventes à découvert, comme le propose l’Allemagne. Aujourd’hui, nous sommes profondément désarmés devant la puissance des marchés. Les Etats sont des coquilles de noix face aux oscillations brutales de la spéculation. Et collectivement les Etats démontrent leur impuissance (zone euro, Union européenne, G20, etc.). La vraie priorité commande donc de défendre la zone euro pour éviter que la crise ne se répande d’un pays à l’autre, par un effet domino. Mais attention : cela suppose qu’on change les règles du jeu qui nous ont envoyé dans le mur. Comme l’a récemment souligné le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, on ne rétablira pas l’euro par un concours de plans de rigueur, avec blocage des salaires et diminution des retraites à la clé. L’Allemagne doit être conduite à jouer son rôle de locomotive de la croissance européenne par une relance de sa demande intérieure.
Votre parti, le Mouvement républicain et citoyen, prévoit d’adopter le mois prochain un « programme de salut public ». Il faut faire la révolution ?
La France née de Maastricht a un futur, mais elle n’a pas d’avenir. Elle est en pleine dépression. Nos concitoyens sont confrontés au chômage de masse, ils se voient condamnés à l’austérité à perpétuité. La République est à remettre debout, avec ce que cela suppose d’audace, d’exigence et de morale. La France a besoin d’un projet national pour se reconstruire. Elle en a eu à certains moments de son histoire, au début de la IIIème République, ou avec De Gaulle à la Libération, ou en 1958. La France des années 1930, en revanche, n’en avait pas. Et on a vu où cela l’avait conduit : Munich, la capitulation, Vichy… Nous n’en sommes pas loin.
La droite ou la gauche ont-elles pris conscience, selon vous, de la gravité de la situation ?
Nicolas Sarkozy fait preuve d’un certain pragmatisme sur le gouvernement de la zone euro, même s’il a tendance à emboiter le pas à Madame Merkel en engageant un concours de plans de rigueur. Quant aux socialistes… Je n’ai vu chez eux, à ce jour, aucune analyse de la mondialisation, ni aucune analyse critique de la monnaie unique. Aucune proposition pour relancer la croissance dans la zone euro et pour en changer les règles. Le tournant libéral en 1983, puis l’adoption du Traité de Maastricht ont brouillé leurs repères. Seul le volet fiscal de leur programme tient la route mais il ne peut suffire à rendre l’espoir à notre peuple. Pour mettre la gauche à la hauteur nous sommes toujours disponibles…
Vous venez pourtant de claquer la porte des discussions que le PS avait ouvert avec vous sur l’organisation de primaires ?
Martine Aubry s’est assise sur l’accord qu’elle avait signé avec notre parti pour les élections régionales. Quant aux primaires, elles sont aujourd’hui complètement ringardisées par la compétition médiatique arbitrée par les sondages, qui se déroule entre Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry et Ségolène Royal qui revient dans le jeu. Pour que ces primaires aient une chance de se dérouler dans de bonnes conditions, il aurait fallu qu’on ait d’abord un accord politique. Or, le Parti socialiste ne se préoccupe que de ses problèmes internes. Il n’offre pas un projet mobilisateur à la France.
Qui défendra vos idées à la prochaine présidentielle alors ?
Est-ce qu’un candidat de salut public peut surgir d’un des grands partis constitués, la droite et la gauche ayant voté ensemble le traité de Lisbonne en 2008? Il n’y a pas de grande capacité d’homme d’Etat à l’horizon : Sarkozy, Juppé, Strauss-Kahn, Aubry ont défendu ensemble l’Europe de Maastricht et approuvé le traité de Lisbonne. La logique, c’est donc qu’il y ait un candidat républicain en 2012. Mais ces choses là ne sont pas automatiques : il faut qu’un espace politique s’ouvre, que la conscience de nos concitoyens progresse sur la nécessité d’opérer des choix cohérents et courageux, bref qu’une demande de vrai changement pointe dans le pays.
Une « demande » qui s’appelle Jean-Pierre Chevènement ?
L’âge et l’expérience peuvent être un avantage : ils donnent une vue large des choses. Il faut aussi forcer la porte des médias qui supportent mal la pensée hétérodoxe. « En France, disait Chamfort, on laisse en repos ceux qui mettent le feu et on persécute ceux qui sonnent le tocsin ».
Propos recueillis par Matthieu Croissandeau
La France née de Maastricht a un futur, mais elle n’a pas d’avenir. Elle est en pleine dépression. Nos concitoyens sont confrontés au chômage de masse, ils se voient condamnés à l’austérité à perpétuité. La République est à remettre debout, avec ce que cela suppose d’audace, d’exigence et de morale. La France a besoin d’un projet national pour se reconstruire. Elle en a eu à certains moments de son histoire, au début de la IIIème République, ou avec De Gaulle à la Libération, ou en 1958. La France des années 1930, en revanche, n’en avait pas. Et on a vu où cela l’avait conduit : Munich, la capitulation, Vichy… Nous n’en sommes pas loin.
La droite ou la gauche ont-elles pris conscience, selon vous, de la gravité de la situation ?
Nicolas Sarkozy fait preuve d’un certain pragmatisme sur le gouvernement de la zone euro, même s’il a tendance à emboiter le pas à Madame Merkel en engageant un concours de plans de rigueur. Quant aux socialistes… Je n’ai vu chez eux, à ce jour, aucune analyse de la mondialisation, ni aucune analyse critique de la monnaie unique. Aucune proposition pour relancer la croissance dans la zone euro et pour en changer les règles. Le tournant libéral en 1983, puis l’adoption du Traité de Maastricht ont brouillé leurs repères. Seul le volet fiscal de leur programme tient la route mais il ne peut suffire à rendre l’espoir à notre peuple. Pour mettre la gauche à la hauteur nous sommes toujours disponibles…
Vous venez pourtant de claquer la porte des discussions que le PS avait ouvert avec vous sur l’organisation de primaires ?
Martine Aubry s’est assise sur l’accord qu’elle avait signé avec notre parti pour les élections régionales. Quant aux primaires, elles sont aujourd’hui complètement ringardisées par la compétition médiatique arbitrée par les sondages, qui se déroule entre Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry et Ségolène Royal qui revient dans le jeu. Pour que ces primaires aient une chance de se dérouler dans de bonnes conditions, il aurait fallu qu’on ait d’abord un accord politique. Or, le Parti socialiste ne se préoccupe que de ses problèmes internes. Il n’offre pas un projet mobilisateur à la France.
Qui défendra vos idées à la prochaine présidentielle alors ?
Est-ce qu’un candidat de salut public peut surgir d’un des grands partis constitués, la droite et la gauche ayant voté ensemble le traité de Lisbonne en 2008? Il n’y a pas de grande capacité d’homme d’Etat à l’horizon : Sarkozy, Juppé, Strauss-Kahn, Aubry ont défendu ensemble l’Europe de Maastricht et approuvé le traité de Lisbonne. La logique, c’est donc qu’il y ait un candidat républicain en 2012. Mais ces choses là ne sont pas automatiques : il faut qu’un espace politique s’ouvre, que la conscience de nos concitoyens progresse sur la nécessité d’opérer des choix cohérents et courageux, bref qu’une demande de vrai changement pointe dans le pays.
Une « demande » qui s’appelle Jean-Pierre Chevènement ?
L’âge et l’expérience peuvent être un avantage : ils donnent une vue large des choses. Il faut aussi forcer la porte des médias qui supportent mal la pensée hétérodoxe. « En France, disait Chamfort, on laisse en repos ceux qui mettent le feu et on persécute ceux qui sonnent le tocsin ».
Propos recueillis par Matthieu Croissandeau