Carnet de Jean-Pierre Chevènement



L’effritement du cours de l’euro (7 centimes) sur le marché des changes donne lieu à une campagne d’alarmisme totalement déplacée, au motif que l’automobiliste, à la pompe, ferait les frais de l’affaiblissement de l’euro. Cette thèse reflète les intérêts des rentiers, des détenteurs d’actifs financiers et pas du tout ceux des couches populaires. Celles-ci ont besoin que l’activité économique se redresse. Alors les salariés auront de quoi payer l’essence à la pompe.

L’euro à 1,25 dollar reste très au-dessus de son point le plus bas (82 centimes de dollar atteint en l’an 2000) et même au-dessus de son cours de lancement au 1er janvier 1999 (1,16 dollar). Il y a une stricte corrélation entre la surévaluation de l’euro depuis dix ans et l’accélération de la désindustrialisation de la France, même s’il y a d’autres causes à l’affaiblissement de notre tissu industriel.

La "monnaie forte", idole de l’Establishment et de la bien-pensance depuis trois décennies, a écrasé notre compétitivité. Elle a abouti à la fonte de la part de l’industrie dans le produit national (de 27 à 12%), à la perte de plus de 2 millions d’emplois industriels, à l’accélération des délocalisations et à l’effondrement de notre balance commerciale. Il faudrait que l’euro tombe à une quasi parité avec le dollar pour qu’une brise de confiance se lève à nouveau sur le vieux continent.

Personne n’ose le dire, car l’idéologie dominante de la monnaie forte, est celle des classes dominantes.

En fait, un euro à 1 dollar vingt cinq est encore beaucoup trop cher. Je souhaite, pour le redressement productif du pays, que l’euro tombe à au moins un dollar et même moins. Ce serait la meilleure chose qui pourrait arriver à notre industrie et à notre commerce extérieur.

Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 25 Mai 2012 à 12:09 | Permalien | Commentaires (1)

Entretien de Jean-Pierre Chevènement à l'Express paru dans l'édition du 23 mai 2012.


"Il ne faut rien cacher au peuple"
L'Express: Est-il raisonnable d'engager des dépenses supplémentaires au vu de la situation des finances publiques?
Jean-Pierre Chevènement: François Hollande a pris un engagement : en cinq ans, réduire à zéro le déficit public. Dans le collectif budgétaire de l'été, il engagera des dépenses, fortes symboliquement, telles que le relèvement de l’allocation de rentrée scolaire ou la mise à la retraite des personnes qui auront cotisé quarante et une années à l'âge de soixante ans. Tout cela étant compensé à l’euro près.

Faut-il bloquer le prix de l'essence?
Oui si les prix remontaient. Ce n’est pas la tendance.

Un audit est commandé: est-ce le prélude à l'abandon de certaines promesses?

La situation du pays est d'une telle gravité qu'il ne faut rien cacher au peuple. Le président Hollande, comme Mendès-France autrefois, saura dire pourquoi on ne peut pas tout faire tout de suite.

Faut-il demander des économies aux collectivités locales?

Il y a encore des doubles emplois entre administrations, mais cela ne représente pas une immense perspective d'économies.

La presse étrangère analyse la victoire de Hollande comme un vote des Français contre l'austérité. Qu'en pensez-vous?
C'est une appréciation trop rapide. La politique arrêtée par François Hollande est rigoureuse, mais elle tend à restaurer la croissance.

Comment réindustrialiser la France?
Il faut d’abord stopper la désindustrialisation, qui se poursuit depuis le milieu des années 70: nous avions alors près de six millions de travailleurs dans l'industrie, il en reste un peu plus de trois. La fin de la surévaluation de l'euro est une condition du redressement économique. L’effritement de l’euro est de ce point de vue une bonne chose. Mais nous sommes encore loin du point bas de l’euro 82 centimes de dollar en 2000 et même de son cours de lancement : 1,16 dollars.

Jean-Pierre Chevènement était l'invité politique de Julien Arnaud sur LCI, mardi 22 mai 2012.


  • A propos de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs : cela mérite un débat parlementaire. Faut-il les supprimer ? C'est probable. Les tribunaux pour enfants ont tout de même des moyens répressifs. Il faut bien vérifier qu'ils sont insuffisants pour aller vers des tribunaux correctionnels.
  • Le ministre de l’Intérieur a forcément des exigences qui entrent en contradiction avec celles du Ministre de la Justice. C'est à ce moment là au Premier Ministre ou au Président de la République d'arbitrer.
  • L'euro est une affaire mal conçue, je l'avais dit dès le départ. On a abandonné la souveraineté monétaire à une banque centrale copiée sur le modèle de la Bundesbank allemande qui n'a qu'une seule mission : assurer la stabilité monétaire.
  • Il vaut mieux ne pas sortir la Grèce, conserver l'unité de la zone euro et en revoir les règles pour permettre à des pays en difficultés de ne pas emprunter à des taux mirobolants.
  • Il faut qu'on adosse le MES sur la Banque centrale européenne. Ce serait aligner la BCE sur les statuts de toutes les autres banques centrales.
  • A propos de la renégociation du traité budgétaire : il faut tout mettre sur la table, comme l'a dit François Hollande, et discuter. Le rôle de la Banque centrale européenne, par exemple, doit figurer dans les discussions. Quant aux eurobonds, de quoi parle-t-on exactement?
  • L'avenir du gouvernement de la gauche se jouera sur la renégociation du traité, aujourd'hui purement disciplinaire et punitif. Il faut y ajouter des moteurs de croissance.

Dépêche AFP, mardi 22 mai 2012, 10h59.


Chevènement: "l'avenir du gouvernement se jouera" sur la renégociation du traité européen
L'avenir du gouvernement "se jouera" sur la renégociation du traité de discipline budgétaire européen dans le sens de la croissance, a estimé mardi sur LCI le président d'honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC), Jean-Pierre Chevènement.

"L'avenir du gouvernement de la gauche se jouera sur la renégociation du traité aujourd'hui purement disciplinaire et purement punitif" qui a été signé par Nicolas Sarkozy, a dit l'ancien ministre.

Selon lui, "il faut peut-être en revoir le calendrier, en changer un peu les perspectives et puis y ajouter ces moteurs de croissance".
"Il faut tout mettre sur la table et discuter. Le rôle de la Banque centrale (européenne) doit par exemple figurer au menu des discussions", a estimé M. Chevènement.

L'ancien ministre s'est prononcé d'autre part, en réponse à une question, en faveur du maintien de la Grèce dans la zone euro, à la création de laquelle il fut pourtant fermement opposé.

"Il vaut mieux ne pas sortir la Grèce, conserver l'unité de la zone euro et revoir les règles de la zone euro pour permettre en effet à des pays en difficulté de ne pas emprunter à des taux mirobolants", a-t-il souligné.

"Ce n'est pas tenable", a-t-il en effet estimé, prenant les exemples de l'Espagne et de l'Italie.

Jean-Pierre Chevènement a d'autre part laissé entrevoir sa déception qu'aucun membre de son parti n'ait été retenu pour figurer dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. "Vexé? Non. Mais je l'ai regretté", a-t-il confié.
Mots-clés : bce euro europe grèce mrc

Rédigé par Chevenement.fr le 22 Mai 2012 à 11:07 | Permalien | Commentaires (1)

Jean-Pierre Chevènement était invité, lundi 21 mai 2012, de "Ça vous regarde" sur LCP aux côtés de Françoise Hostalier, députée UMP du Nord, Romain Rosso, grand reporter à L’Express et François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique. Ils répondaient aux questions d’Arnaud Ardoin sur l'OTAN et l'Afghanistan.


  • J'étais contre la première guerre d'Irak mais même en Afghanistan, je n’étais pas partisan de l'engagement de troupes au sol, même si je sais reconnaître le sentiment de légitime défense des États-Unis.
  • François Hollande s'en est très bien tiré. Il a concilié à la fois le respect de la décision de retrait des troupes françaises d'Afghanistan et les meilleures relations avec notre ami américain. Stratégiquement, c'est du grand art.
  • Barack Obama a annoncé de manière unilatérale la retrait d'Afghanistan en 2014 sans consulter ses alliés. D'autres, comme les Canadiens, ont retiré leurs troupes en 2010-2011. Nous sommes fondés à retirer nos troupes combattantes fin 2012.
  • Quand une stratégie, la « contre-insurrection », a échoué, il vaut mieux en tirer les conséquences.
  • La décision de François Hollande est justifiable. Elle se passe en bonne harmonie avec nos alliés. Il demeurera naturellement un dessein général qui est d'aider la construction d'un État Afghan.
  • Les raisons de notre présence en Afghanistan n'ont jamais été claires car au départ, c'était une réaction légitime des États-Unis qui ont jeté à bas le pouvoir des talibans et Ben Laden. On a ensuite laissé les seigneurs de la guerre reprendre le pouvoir et l'intervention américaine en Irak a pollué le dossier Afghan.

Jean-Pierre Chevènement était l'invité du 22h de Public Sénat, lundi 14 mai 2012. Il répondait aux questions de Sonia Maabrouk.


  • J'ai fait savoir dès le 13 mars, le jour où j'ai annoncé mon soutien à François Hollande, que pour ce qui me concerne je ne visais aucune responsabilité
  • Je n'ai jamais été polarisé par une responsabilité ministérielle.
  • La tâche de François Hollande est celle d'un Président de la République. Il doit choisir les profils qui correspondent le mieux aux tâches qui sont celles de l’État. Par conséquent, ce sont des choix extrêmement importants. Il ne peut pas y avoir d'affect.
  • François Hollande a dit qu'il valait mieux que le Président de la République se sente proche de son Premier Ministre. Ça n'a pas toujours été l'avis de François Mitterrand.
  • S'agissant de Jean-Marc Ayrault, c'est un homme de gauche authentique. Je le connais depuis longtemps. Il a su montrer toutes ses qualités comme président du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale pendant plus de 10 ans.
  • Je n'ai pas d'avis à donner. François Hollande en reçoit beaucoup. Il fait sa synthèse, comme il sait si bien le faire, mais le fait tout seul.

Carnet de Jean-Pierre Chevènement



Cette belle victoire est d’abord celle de François Hollande, de la force tranquille qu’il a exprimée avec talent et constance, à partir des orientations tracées dans son discours du Bourget le 22 janvier 2012. Il a su opérer les corrections nécessaires par rapport à certaines dérives et se situer au-dessus des partis. C’est cette posture présidentielle et ce sens des responsabilités conforme à l’esprit des institutions, qui lui ont fait gagner l’élection.

En ce sens, cette victoire est aussi plus que la victoire de la gauche : elle est celle de tous les républicains. Elle témoigne d’un esprit de rassemblement qu’il faudra préserver pour la suite. François Hollande a appelé à plus de justice. C’est la condition d’un effort partagé qui sera nécessaire compte tenu de l’ampleur des défis.

Pour ma part, j’apporterai au Président Hollande « le soutien ferme, sans démagogie, mais les yeux ouverts », que j’ai affirmé dans ma déclaration du 13 mars dernier, après que j’ai retiré ma candidature à son profit.

L’échec de Nicolas Sarkozy exprime le rejet du néolibéralisme et d’une politique européenne à courte vue, telle que l’a manifestée le traité européen signé le 2 mars dernier. Je mesure l’amertume qui peut être celle du Président sortant, qui n’avait pas que des défauts. Mais le peuple français a parlé. Il appartient désormais à tous les citoyens de servir ses intérêts.

Maintenant les choses sérieuses vont commencer car la campagne ne permettait sans doute pas de traiter au fond les problèmes nés de la crise de la monnaie unique.

Le Président Hollande aura à créer avec l’Allemagne le rapport de convictions qui amènera celle-ci à accepter de revoir le rôle de la Banque Centrale européenne, à la fois pour casser la spéculation contre l’euro et pour en abaisser le cours, aujourd’hui surévalué. C’est ainsi seulement qu’on pourra prévenir une rechute de la crise de l’euro et faire souffler sur l’Europe une brise de croissance dont elle a bien besoin.

Le Président Hollande saura, j’en suis sûr, dessiner le projet de redressement européen à travers lequel la France pourra continuer son Histoire. Les semaines qui viennent seront décisives. Je souhaite qu’une large majorité de Français lui donne aux élections des 10 et 17 juin prochains, les moyens de relever ce superbe défi.

Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 7 Mai 2012 à 00:02 | Permalien | Commentaires (1)

Intervention de Jean-Pierre Chevènement au colloque du GIPRI (Institut international de recherche pour la Paix à Genève) à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau, vendredi 27 avril 2012


De Jean-Jacques Rousseau, le fameux « citoyen de Genève », je n’avais, à mon entrée en politique, dans les années 1960, que des souvenirs scolaires. Et encore …

Tout au plus me souviens-je d’avoir dû rédiger une dissertation qui laissait le choix aux élèves d’argumenter leur préférence pour Rousseau ou Voltaire. Oserai-je avouer devant vous, ici, Genève, à l’occasion de ce colloque heureusement organisé par Gabriel Galice et Christophe Miqueu, à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau que j’ai choisi « Voltaire », comme tant d’autres petits misérables. J’en conçois une forte honte rétrospective, car j’ai appris depuis lors, à mieux connaître, et même à lire attentivement l’immortel auteur du Contrat Social, de l’Emile, de la Nouvelle Héloïse, des Confessions, des Rêveries et de tant de textes profonds et souvent sublimes dans leur formulation, qui reflètent non pas un système clos sur lui-même mais une pensée en mouvement, surplombant des abîmes.


Et pourtant il a été, presque à mon insu, présent dans mon engagement politique, dès le début des années soixante, en Algérie où il était difficile de ne pas reconnaître l’existence d’un peuple algérien différent du nôtre, puis en France : imprégné dès mon adolescence des idées de Pierre Mendès France et désireux de réactiver, à travers une synthèse nouvelle appelée « union de la gauche », le modèle républicain français, j’ai été très tôt « rousseauiste » sans le savoir, tant la pensée de Rousseau a marqué la Révolution française et par suite la tradition politique républicaine à laquelle celle-ci a donné naissance et à laquelle j’appartiens.
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