Agenda et médiasEntretien de Jean-Pierre Chevènement à Atlantico, dimanche 17 janvier 2016.
Atlantico : La loi sur la déchéance de nationalité occupe le débat depuis les attentats de novembre alors que pour la majorité des intervenants, celle-ci serait inefficace. Pourquoi, selon vous, s'attache-t-on ainsi à des symboles ?
Jean-Pierre Chevènement : La France depuis les attentats de 2015 est entrée dans une période nouvelle de son histoire. Il est malheureusement prévisible que ces attentats se reproduisent. Ils vont mettre la France à rude épreuve. Notre pays, jusqu'à présent, a réagi avec sang-froid et dignité. Il a montré beaucoup de résilience. Nos concitoyens, dans l'épreuve, se sont regroupés autour de la France, de la République et de leurs symboles et nous avons évité jusqu'à présent le piège de l'escalade qui est naturellement le calcul de Daesh. Celui-ci veut susciter des affrontements qui pourraient conduire à une guerre civile en France, eu égard au contexte politique tendu que nous allons connaître. Je renvoie à Gilles Kepel selon qui le Syrien Abou Moussab Al Souri a identifié l'Europe et la France comme le maillon faible du monde occidental. Le maillon faible n'a pas craqué jusqu'à présent. La tâche du Président de la République et du Premier Ministre est évidement très difficile. Leur prompte réaction a été salutaire. S'agissant de la révision constitutionnelle, j'ai lu que le Président de la République envisageait d'y faire entrer la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature et le statut du parquet. Cela m'inquiète plutôt. La révision se justifie pour définir la place et les conditions du recours à l'état d'urgence. L'état d'urgence n'est pas une situation qui est faite pour durer. Cette révision constitue donc une garantie apportée à la liberté.
le 17 Janvier 2016 à 16:36
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ActualitésLes actes du colloque du 28 septembre 2015 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
Dans le numéro du Débat du mois de janvier, Jean-Pierre Chevènement consacre un long et passionnant article à François Mitterrand. L'ancien ministre choisit le tournant de 1983 pour tracer le portrait d'un homme politique secret et décidé, persuadé que le destin de la France ne peut se faire sans l'Europe. Le Figaro en publie de larges extraits.
La méthode du secret
J'ai rarement vu François Mitterrand hésiter. Je ne parle évidemment pas de la tactique, qu'il savait faire évoluer au gré des circonstances. Les grands choix - il y en avait peu -, il les faisait seul. Ensuite, il les imposait, à la faveur des événements, à ses amis comme à ses adversaires. Le secret était aussi sa manière d'être. Il contribuait à son charme puissant. François Mitterrand savait deviner les êtres et se les attacher. Il professait sur la fin de sa vie qu'en politique il n'y avait pas d'amis. Pourtant, toute sa vie et sa carrière politique ont été la démonstration du contraire : François Mitterrand a pu compter sur des fidèles, entièrement dévoués à sa personne. Pour ma part, je n'ai jamais fait partie de ces mamelouks. Je lui avais offert les clés du parti d'Épinay avec le Ceres et cela nous autorisait à marquer clairement nos désaccords déjà dans l'élaboration du programme socialiste, puis ultérieurement, sur la guerre du Golfe et sur Maastricht, notamment. Mais ces désaccords, si fondamentaux qu'ils fussent, n'empêchaient pas cette « loyauté globale » sur laquelle, me dit-il un jour, il savait pouvoir compter et restaient contenus par la compréhension que j'ai toujours recherchée des raisons qui pouvaient être les siennes. La méthode du secret réussissait à François Mitterrand là où il excellait, dans le maniement des hommes, aussi bien en politique intérieure que dans les affaires internationales. Il en allait différemment en économie, matière à laquelle il était étranger. Il ne croyait pas à la ridicule prétention de figer le réel en formules mathématiques. Sa culture était à l'opposé : un roman, un livre d'histoire lui ouvraient de vastes horizons. Les notes du Plan ou celles de la petite garde de conseillers qui, au lendemain du 10 mai 1981, s'était spontanément constituée entre l'Élysée, Matignon et la rue de Rivoli pour guider ses choix économiques lui tombaient des mains. Il les voyait venir. Sous l'habit du courtisan, il devinait les « rocardiens » qu'issus du même moule ils avaient toujours été. Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Point, samedi 2 janvier 2016, propos recueillis par Emmanuel Berretta.
Le Point : Emmanuel Macron a été l'un de vos sympathisants au début de son engagement politique. Vous l'aviez croisé ?
Jean-Pierre Chevènement : Non, j'ai eu beaucoup de sympathisants, et je ne m'en souviens pas. Mais cela me flatte ! Car il a des qualités rares en politique : la culture, la finesse. Il apporte beaucoup au gouvernement. Aujourd'hui, il n'est plus sur votre ligne : il est libéral et européen, alors que vous êtes souverainiste. Et pourtant vous le soutenez... Cette façon de présenter les choses est caricaturale. La souveraineté, c'est d'abord et avant tout la démocratie, soit le titre I de la Constitution. Or, Emmanuel Macron a le sens de l'État. Et c'est cela qui compte. Sa loi Macron a fait polémique dans une partie de la gauche. Qu'en pensez-vous ? Je ne pense pas qu'ouvrir les magasins le dimanche dans un certain nombre de zones touristiques soit la ligne qui sépare le jour de la nuit. Vous qui avez côtoyé de très nombreux politiques, pensez-vous qu'il possède la carrure pour porter un destin national ? C'est une perspective qui n'a pas de réalité politique à court terme. Macron a beaucoup de qualités. Il incarne l'élitisme républicain, que je respecte. Aussi, pour la suite, je ne dis pas non. Valls et Macron, quelles sont leurs différences à vos yeux ? Je ne veux pas les mettre en concurrence. Agenda et médiasEntretien de Jean-Pierre Chevènement au Parisien, samedi 2 janvier 2016, propos recueillis par Jannick Alimi.
Le Parisien: Est-ce que la victoire des nationalistes aux régionales vous inquiète ?
Jean-Pierre Chevènement: D’abord, je ne suis pas hostile au nationalisme corse : je défends avant tout l’Etat républicain, tant sur l’île que sur le continent. Je reste attaché à ce que l’Etat soit reconnu comme l’émanation de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de couleur de peau ou de religion. Bien sûr, la Corse a son histoire, incarnée au XVIII e siècle par Pascal Paoli. Mais depuis le 14 juillet 1790, fête de la Fédération, la page est tournée. La Corse, qui y était représentée, fait partie intégrante de la nation et du Peuple français. Les nationalistes à la tête de la région ne revendiquent pas l’indépendance… La plupart de leurs revendications auraient pour conséquence de faire sortir la Corse du cadre républicain. La reconnaissance de la nation corse, la co-officialité de la langue corse avec le français, le statut de résident fiscal qui remettrait en cause le principe de l’égalité de tous les citoyens devant l’impôt, sont des revendications inacceptables. La Corse est la collectivité la plus décentralisée de France. Sur certains sujets comme l’investissement, les liaisons entre l’île et le continent, il est normal de débattre. Mais il faut maintenir le principe de la souveraineté du Peuple français et d’une République une et indivisible. Agenda et médiasJean-Pierre Chevènement était l'invité de Florent Peiffer sur iTELE, mercredi 30 décembre 2015.
Dépêche AFP, mercredi 30 décembre 2015.
L'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement a jugé mercredi que la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français et condamnés pour terrorisme était une mesure "symbolique" non dissuasive mais importante "du point de vue des valeurs".
"Si on prend la lutte contre le terrorisme, on peut dire qu'elle n'est pas nécessaire, parce qu'effectivement, les gens qui se font sauter au milieu d'une foule innocente ne se laisseront pas dissuader par la perspective du retrait de leur passeport", a déclaré l'ancien ministre de la Défense puis de l'Intérieur sur I-Télé, qualifiant les jihadistes de "sauvageons". "Mais si on place dans la perspective de la réussite de l'intégration, (...) c'est important pour faire prendre au sérieux la question de la nationalité", a-t-il poursuivi. "C'est une mesure symbolique, qui ne concernera que quelques dizaines de cas, mais les mesures symboliques ont une importance du point de vue des valeurs (...) Être Français, c'est un plébiscite de tous les jours", a-t-il dit, citant le philosophe et historien Ernest Renan, auteur du célèbre discours "Qu'est-ce qu'une nation?". Le projet de réforme constitutionnelle adopté par le Conseil des ministres le 23 décembre, qui prévoit l'inscription de l'état d'urgence et l'élargissement de la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français et condamnés pour terrorisme, sera examiné à l'Assemblée à partir du 3 février. Dépêche AFP, lundi 28 décembre 2015.
L'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement a reproché lundi à l'État de n'avoir "jamais fait barrage au nationalisme corse", après un week-end agité par des manifestations à Ajaccio et marqué par des dérapages racistes.
"Il y a toujours eu un comportement très violemment hostile aux immigrés de la part des nationalistes corses, cela ne date pas d'aujourd'hui. On fait barrage au Front national, mais on n'a jamais fait barrage au nationalisme corse", estime-t-il dans une interview à L'Opinion publiée lundi. "Pour moi, nous sommes en face de deux courants qui n'acceptent pas la République", ajoute l'ancien ministre de la Défense puis de l'Intérieur, qui condamne à la fois les agressions de pompiers survenues dans la nuit de jeudi à vendredi et les manifestations qualifiée d'"irréelles" qui ont mené au saccage d'une salle de prière vendredi. "Il faut bien comprendre que ces comportements apportent de l'eau au moulin de Daech et de ceux qui veulent mettre la France à feu et à sang", explique M. Chevènement. "Mais ces dérapages ont quelque chose à voir avec l'immense complaisance dont les nationalistes ont bénéficié de la part de tous les gouvernements de gauche et de droite depuis près de quarante ans", juge-t-il. |
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