Dépêche AFP, lundi 28 décembre 2015.
L'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement a reproché lundi à l'État de n'avoir "jamais fait barrage au nationalisme corse", après un week-end agité par des manifestations à Ajaccio et marqué par des dérapages racistes.
"Il y a toujours eu un comportement très violemment hostile aux immigrés de la part des nationalistes corses, cela ne date pas d'aujourd'hui. On fait barrage au Front national, mais on n'a jamais fait barrage au nationalisme corse", estime-t-il dans une interview à L'Opinion publiée lundi. "Pour moi, nous sommes en face de deux courants qui n'acceptent pas la République", ajoute l'ancien ministre de la Défense puis de l'Intérieur, qui condamne à la fois les agressions de pompiers survenues dans la nuit de jeudi à vendredi et les manifestations qualifiée d'"irréelles" qui ont mené au saccage d'une salle de prière vendredi. "Il faut bien comprendre que ces comportements apportent de l'eau au moulin de Daech et de ceux qui veulent mettre la France à feu et à sang", explique M. Chevènement. "Mais ces dérapages ont quelque chose à voir avec l'immense complaisance dont les nationalistes ont bénéficié de la part de tous les gouvernements de gauche et de droite depuis près de quarante ans", juge-t-il. Entretien au quotidien L'Opinion, propos recueillis par Charles Sapin, lundi 28 décembre 2015.
L'Opinion: Comment analysez-vous les événements qui se sont déroulés en Corse depuis le 24 décembre ?
Jean-Pierre Chevènement: Bien entendu, je condamne les agressions de policiers et de pompiers. Mais les manifestations organisées par un certain nombre d’extrémistes, et surtout le saccage d’un lieu de culte, sont tout aussi condamnables. De telles manifestations semblent irréelles. Il faut bien comprendre que ces comportements apportent de l’eau au moulin de Daech et de ceux qui veulent mettre la France à feu et à sang. C’est un engrenage de violences, de bêtises et de surenchère de provocations. Ce que veut Daech, c’est la guerre civile en France, « le clash des civilisations », comme disait Bill Clinton. Il est évident que la bêtise qui s’est exprimée ce week-end à Ajaccio y contribue. La réponse de l’État a-t-elle été à la hauteur ? Manuel Valls s’est exprimé assez clairement. Il faut faire appel au courage des Français et comprendre ce qui est en jeu. Nous sommes face à des provocateurs qui exacerbent les tensions existant au sein de la société française, dont l’origine est le chômage de masse ainsi qu’une intégration mal réussie de certaines populations immigrées, une jeunesse hors sol, à qui il faut apprendre ce que signifie être Français. Évidemment, l’État doit enrayer ces comportements infâmes, mais pas seulement. Un réflexe civique, venu des profondeurs du peuple, doit également y contribuer. Le problème qui est devant nous, c’est l’intégration de ces jeunes à la nationalité française. C’est une affaire de longue haleine. Intervention de Jean-Pierre Chevènement lors de la Rencontre organisée par République Moderne le 16 décembre à l’Assemblée nationale.
Nous ne sommes pas arrivés là où nous en sommes par hasard, mais par une accumulation d’erreurs anciennes, commises par tous les gouvernements successifs, depuis au moins trois décennies, et pas seulement par celui-ci.
Même s’il ne peut s’opérer en un jour, un changement de logiciel permettra seul de redresser le cap pour que la France redevienne une puissance à vocation mondiale et ainsi de reconquérir la confiance populaire. Oui, il faut changer de cap ! Le grand pari sur la reconquête de la compétitivité est en passe d’être perdu. Malgré le pacte de responsabilité, le montant de nos exportations stagne désespérément depuis quatre ans à 400 milliards d’euros, trois fois moins que l’Allemagne, et la courbe du chômage ne s’inverse pas. Le pays s’aperçoit qu’il n’est pas protégé. Le transfert vers Bruxelles ou Francfort de pans entiers de la souveraineté n’a pas entraîné un surcroît d’efficacité. La monnaie unique a creusé le gouffre du chômage. Schengen est moribond. La politique extérieure de l’Union européenne a conduit au Moyen-Orient à l’alignement sur les Etats-Unis. La défense européenne est un leurre. La France au Sahel est seule. Dans l’épreuve, les Français se resserrent autour de la France et de la République et de leurs symboles : ils identifient ainsi le lieu de la démocratie et de la responsabilité et par conséquent de l’espoir. Intervention de Jean-Pierre Chevènement au colloque « De Gaulle et la gauche » organisé par la Fondation Charles de Gaulle, 11 décembre 2015.
I – Question préliminaire : Comment le général de Gaulle se définissait-il lui-même ?
Le général de Gaulle avait une trop haute idée de l’Etat pour s’identifier à la droite ou à la gauche. Il s’est appuyé tour à tour sur l’une et sur l’autre, sans être prisonnier d’elles. La gauche était majoritaire dans la Résistance et la droite dans les Assemblées de la Vème République, mais le général de Gaulle se voulait la France, c’est-à-dire à la fois l’une et l’autre, et même un peu plus que les deux réunies. Le général de Gaulle ne pouvait adhérer à un concept aussi sommaire et en même temps si chargé de significations multiples que celui de gauche ou de droite. En 1791, année où prit forme pour la première fois cette ligne de partage fondatrice, la question du veto royal oppose la Gauche et la Droite. De Gaulle, selon moi, aurait certainement été parmi les députés qui défendaient les prérogatives du Roi, du côté de l’Etat. Mais en même temps, De Gaulle était un démocrate et il l’a montré par l’usage fréquent du référendum. Le Chef de l’Etat devait avoir la confiance du peuple. 27 avril 1969 : le texte soumis au référendum n’est pas un texte de droite (sa philosophie : régionalisation et participation des « forces vives » au Sénat est plutôt de gauche et anticipe largement sur la décentralisation de 1982). En l’absence d’une majorité, le général de Gaulle se retire. De Gaulle se veut au-dessus des partis. Il opère une synthèse entre la tradition monarchique de la France et la tradition représentative de la République. Le Chef de l’Etat, dans la Constitution de 1958, est « l’homme de la Nation ». Tel est l’esprit du discours de Bayeux (1946) et cet esprit imprègne le texte de la Constitution de 1958. On a parlé de « monarchie républicaine ». En fait la Vème République est une combinaison de régime présidentiel et de « parlementarisme rationalisé » dont le point d’équilibre s’est constamment déplacé au gré de la conjoncture.
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général de gaulle
Entretien de Jean-Pierre Chevènement au site Figarovox, propos receuillis par Alexandre Devecchio.
FigaroVox : Les nationalistes ont pris la tête de l'Assemblée territoriale de Corse ce vendredi. Que cela vous inspire-t-il?
Jean-Pierre Chevènement: C'est le résultat d'une politique de complaisance à l'égard du nationalisme corse. Complaisance de la gauche d'abord, notamment avec le processus de Matignon promulgué le 22 janvier 2002. Complaisance de la droite également avec le référendum de Nicolas Sarkozy de 2003 qui proposait notamment une fusion des deux conseils généraux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud au sein d'une collectivité territoriale unique. Une fusion qui avait été refusée par les Corses eux-mêmes. Qu'importe! On leur imposera dans deux ans la collectivité unique qu'ils rejetaient alors, dans le cadre d'une réforme territoriale sur laquelle ils n'ont pas eu à se prononcer. Rappelons que les nationalistes corses sont responsable d'une cinquantaine d'assassinats. A l'heure où l'on parle d'union sacrée, existe-t-il un risque de fracturer l'unité nationale? Oui, d'autant plus que dans le même temps, le préfet des Pyrénées Atlantiques prépare un projet de communauté de communes unique pour le Pays basque. Voilà qui devrait donner une caisse de résonance inespérée à l'ETA. Enfin, il faut ajouter à cela, la volonté du gouvernement de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Aujourd'hui la loi, dans notre pays, n'empêche ni l'enseignement ni l'utilisation des langues régionales. Mais alors que veut-on de plus? Appelle-t-on à une nouvelle conception de la République? Veut-on faire des régions le laboratoire d'un nouveau communautarisme avec les Bretons, Basques, Alsaciens ou Occitans «de souche»? Tout cela fait réfléchir.Veut-on le détricotage de l'Etat? Source : Figarovox Jean-Pierre Chevènement était l'invité d'Europe 1, vendredi 18 décembre 2015. Il répondait aux questions de Jean-Michel Apathie.
Dépêche AFP, vendredi 18 décembre 2015.
L'ancien ministre et président de République moderne, Jean-Pierre Chevènement, s'est dit "certainement" choqué vendredi par le discours en corse prononcé jeudi par l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni,
nouveau président de l'Assemblée de l'île. A la question : "Avez-vous été choqué qu'il [Jean-Guy Talamoni, NDLR) prononce son discours en corse ?", qui lui était posée sur Europe 1, l'ancien ministre de l'Intérieur, en fonction au moment de la négociation d'un nouveau statut de l'île, a répondu : "Certainement". "Aujourd'hui, la co-officialité de la langue corse, que réclament les nationalistes, d'autres la réclament par ailleurs. Si on votait cette charte des langues régionales et minoritaires, eh bien, il faudrait que les actes de mariage, de décès (...) puissent être rédigés non seulement en français mais dans une soixantaine d'idiomes. Ce serait l'éclatement de l'espace national", a-t-il jugé. Jean-Pierre Chevènement a par ailleurs qualifié d'"inadmissible" un passage du discours d'installation à la présidence de l'assemblée de Jean-Guy Talamoni. "Nous sommes arrivés ici avec tous ceux qui, comme nous, ont toujours combattu les autorités françaises sur la terre de Corse", a déclaré jeudi le dirigeant indépendantiste. "Il y a eu pendant la guerre des résistants corses, il y a eu des combattants de la libération corses, il y a eu des gens qui se sont battus pour la France", a réagi M. Chevènement. Les nationalistes ont pris le pouvoir jeudi en Corse avec l'accession de l'autonomiste Gilles Simeoni à la présidence du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale (CTC), le mini gouvernement de l'île, et l'installation de l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni au perchoir de l'Assemblée de Corse. C'est la première fois, depuis la création de l'Assemblée de Corse en 1982, que les nationalistes, qui ont nettement gagné les élections territoriales des 6 et 13 mars, dirigent les institutions insulaires. Communiqué de presse de Jean-Pierre Chevènement, Ancien ministre, Président de République Moderne, 17 décembre 2015.
Monsieur Jean-Guy Talamoni, intronisé il y a seize ans, dans le cadre du processus de Matignon, comme interlocuteur valable du Gouvernement, sans qu’il eût préalablement renoncé à la violence, est devenu aujourd’hui Président de l’Assemblée de Corse.
Dans le même temps, M. Gilles Siméoni, fils d’Edmond, sacré « héros du nationalisme corse » par le journal Le Monde du 18 décembre 2015 pour avoir été, en 1975, à l’origine des incidents sanglants d’Aléria, devient le Président de l’Exécutif Corse. Tristesse. Voilà le beau résultat d’une politique de complaisance à l’égard d’un nationalisme corse (plus de cinquante victimes) dont les Corses, consultés par référendum en 2003, ne voulaient pas. Qu’importe ! On leur imposera dans deux ans la collectivité unique qu’ils rejetaient alors, dans le cadre d’une réforme territoriale sur laquelle ils n’ont pas eu à se prononcer Dans le même temps, le Préfet des Pyrénées Atlantiques prépare un projet de Communauté de Communes unique pour le Pays Basque. Si le Gouvernement envisageait de détricoter l’unité nationale, il ne s’y prendrait pas autrement ! |
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