Jean-Pierre Chevénement est l'invité de la rédaction de France Info lundi 19 février à 8h15.
L'émission est podcastée ci-dessous.
Cet entretien est paru dans Le Parisien / Aujoud'hui en France, samedi 17 février 2006
Ségolène Royal semble en difficulté. Que doit-elle faire ?
Jean-Pierre Chevènement: Son discours de Villepinte sur la France, sur l'Europe et sur le monde était très cohérent et de haute tenue. Par exemple en matière de politique étrangère, elle est cent coudées au-dessus de Sarkozy. Elle doit maintenant décliner les différents thèmes comme la politique industrielle - expliquer, par exemple, ce qu'on fait contre les délocalisations- ou la sécurité. Elle doit aussi enrichir ses propositions puisque, naturellement, elle n'a pas pu tout dire. Mais il est important de ne pas s'écarter de la ligne de Villepinte. N'est-il pas dangereux d'être en retard à la mi-février ? En fait, les choses se cristalliseront à partir de la mi-mars. Il est évident, pour moi, que la bataille va se jouer entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. A eux deux, ils totalisent dans les intentions de vote environ 60 %. Il est clair qu'aucun autre ne percera, ni Le Pen, ni Bayrou. C'est mécanique. La machine Sarkozy apparaît difficile à prendre en défaut... Sarkozy est très bien organisé, ça s'est sûr. Il embraye directement sur le système des grands médias qui sont très proches de lui. Cela lui donne un réel avantage. Ségolène a dit des choses très fortes, notamment sur l'Europe - une Europe qui protège et dont les statuts de sa Banque centrale doivent être modifiés - qui n'ont pas été reprises par les médias.
Commentaires du blog MRC90 : «Du parterre au balcon, la salle des fêtes de Belfort a fait le plein jeudi soir. Les six cents participants au meeting de soutien à Ségolène Royal sont rentrés chez eux galvanisés. Après un Jean-Pierre Chevènement lyrique et combatif, puis un Sami Naïr inspiré, Arnaud Montebourg a captivé, séduit les citoyennes et citoyens rassemblés place de la République, dont le symbole décorait la tribune, pavoisée de tricolore.»
Voir toutes les photos du meeting dans la galerie dédiée Carnet de Jean-Pierre ChevènementLe Président de la République a confié à Pierre Péan :
« Je connais bien Nicolas Sarkozy, avec ses qualités - qui sont grandes - et avec ses défauts... Sarkozy est spontanément plus libéral que moi. Il existe aussi des différences d’approche, s’agissant notamment de la relation avec les Etats-Unis. Et puis il y a aussi la question du communautarisme... ».
Quelques pages plus loin, Jacques Chirac ajoute : « Le libéralisme est lui aussi dangereux et conduira aux même excès [que le communisme]... Je suis convaincu que le libéralisme est voué au même échec que le communisme, et qu’il conduira aux mêmes excès. L’un comme l’autre sont des perversions de la pensée humaine ». Le Président de la République n’a sans doute pas tort : l’actuelle « mondialisation libérale », avec les inégalités abyssales et les injustices criantes qu’elle nourrit, peut préparer les pires catastrophes. La « guerre des civilisations » peut conduire demain avec l’Iran ou après-demain avec la Chine, à des confrontations aussi mortelles que la première guerre mondiale qui sonna le glas de la première « mondialisation », celle que Suzanne Berger appelle « la mondialisation anglaise ». Comment Jacques Chirac pourrait-il nous faire mieux entendre que Nicolas Sarkozy, par les temps qui courent, est un homme dangereux par les idées libérales qu’il professe et par son alignement spontané sur les Etats-Unis ? Le Président de la République parle d’expérience. Sa mise en garde doit être lue entre les lignes : elle n’en est que plus forte. Agenda et médiasLe MRC organise, le jeudi 15 février à 20h30 à la salle des fêtes de Belfort, une grande réunion publique avec Arnaud Montebourg, député PS, Sami Naïr, ancien député européen MRC et Jean-Pierre Chevènement.Carnet de Jean-Pierre ChevènementM. Sarkozy prétend relever « la valeur travail ».
Notons d’abord que le candidat de l’UMP distingue soigneusement « la valeur travail » de la valeur du travail que les économistes appellent « salaire ». Il ne propose évidemment ni de relever le SMIC ni le niveau général des salaires.
Bizarrement il propose de détaxer les heures supplémentaires pour que ceux qui travailleront plus puissent gagner plus. Cela coûte cher (4,6 milliards d’euros) mais ne donnera pas de travail à ceux qui n’en ont pas. M. Sarkozy par ailleurs ne dit mot de la pression des pays à très bas salaires qui constitue la véritable cause de la dévalorisation du travail dans les pays socialement avancés. Rien sur les moyens d’enrayer les délocalisations, à la différence de Ségolène Royal qui évoque « une Europe qui protège et nous protège », l’inclusion de normes sociales et environnementales dans les règles de l’OMC et surtout une dynamisation de l’offre à l’échelle européenne par une politique de soutien à la croissance et à l’emploi et par des politiques communes notamment en matière industrielle. M. Sarkozy croit tellement à « la valeur travail » qu’il propose de réserver aux détenteurs de gros patrimoines qui n’ont pas besoin de travailler l’essentiel de ses mesures fiscales : -Suppression de fait de l’impôt sur les successions dans lequel Léon Blum voyait, dans A l’échelle humaine (1946), un des principaux leviers pour réduire les inégalités sociales, en abolissant le privilège des fortunes héréditaires. -Bouclier fiscal à 50 % du revenu et exonérations de l’ISF (impôt sur la fortune) à hauteur de 50 000 euros, mesures qui signeraient la fin de ce dernier. Tout cela est parfaitement cohérent : M. Sarkozy a lu Le Capital : il veut accroître la différence entre le travail effectué et le travail payé, ce que Marx (et Ricardo avant lui), appelait « la plus-value ». Il met Marx au service des patrons. Pour faire campagne sur le terrain et à distribuer autour de vous !
Télécharger le tract au format PDF ci-dessous
«Monsieur Sarkozy ne défend pas l’égalité mais l’inégalité. C’est un Thatcher en complet-veston qui nous prépare une thérapie de choc libérale !»
Le président d’honneur du MRC revient sur le discours de Ségolène Royal, samedi à Villepinte.
Ségolène Royal a-t-elle réussi son rendez-vous avec les Français ? Jean-Pierre Chevènement : Oui, incontestablement. On attendait qu’à la fin de la phase d’écoute, Ségolène Royal parle aux Français, et elle l’a fait de manière tout à fait magistrale. Son discours présidentiel a eu à mon sens beaucoup plus de portée que celui de Nicolas Sarkozy, car il a embrassé tous les sujets, y compris la politique européenne et étrangère. Ségolène Royal a posé l’équation de la réussite en s’adressant à la fois aux couches populaires, à la jeunesse et à la France. N’était-ce pas d’abord un discours destiné à rassurer l’électorat de gauche ? Ce discours s’adressait à tous les Français, pas seulement à l’électorat de gauche. Je pense que le problème des quartiers, avec le rétablissement d’une police de proximité, appelée «police de quartiers», ça n’intéresse pas que des électeurs de gauche, mais aussi des électeurs de droite, voire d’extrême droite. La droite critique déjà le coût du projet. Comment vont être financées ces 100 propositions ? Ségolène Royal a parlé d’une réforme de la fiscalité, qui permettrait de taxer davantage le capital que le travail. Et puis prenez par exemple le prêt de 10 000 euros aux jeunes. C’est un prêt gratuit. On peut demander aux banques de faire un effort ! Les profits des banques font partie de ce règne sans frein du profit financier que Ségolène Royal a fustigé à juste titre. Il y a aussi la réforme de l’Etat, diminuer le nombre des ministères, alléger le poids des administrations, mettre un peu de clarté dans les textes législatifs… |
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