Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Parisien, lundi 15 août 2016, propos recueillis par Jannick Alimi.


Fondation pour l'Islam de France: "Je ne me déroberai pas"
LA PRÉSIDENCE DE LA FONDATION

Le Parisien : Vous êtes pressenti pour présider la Fondation pour les oeuvres de l'islam de France. Allez-vous accepter ?
Jean-Pierre Chevènement:
Dès le début de cette année, nous avons eu, Bernard Cazeneuve, son cabinet et moi-même, plusieurs réunions sur le sujet. Car, dès 1999, j'avais, comme ministre de l'Intérieur, lancé une grande consultation sur l'islam de France. Le ministre de l'Intérieur m'a adressé une lettre le 26 avril, me proposant — et je pense qu'il n'a pas fait cette proposition sans l'avoir évoquée avec le Premier ministre et le président de la République — la présidence de cette fondation qui n'est pas encore constituée. J'apprécie beaucoup Bernard Cazeneuve pour sa modération, sa détermination, sa parole toujours maîtrisée.

Vous allez donc dire oui ?
Il s'agit d'une tâche d'intérêt public car les 4,1 millions de musulmans que compte la France doivent pouvoir exercer leur culte mais dans le respect de la laïcité et des principes de la République. Cette mission est tellement d'intérêt public qu'aucun responsable ne peut s'y dérober. Je ne m'y déroberai donc pas sauf si ma nomination devait entraîner des problèmes insolubles qui me forceraient à me retirer. Je dis à un certain nombre d'hommes politiques de l'opposition : il en va de l'intérêt du pays que cette fondation, d'ailleurs mise en place en 2005 sous la présidence de Jacques Chirac, puisse enfin fonctionner. Comme le dit Omar Sy, nous portons tous le maillot bleu de l'équipe de France.

Certains critiquent le fait que vous soyez une personnalité politique et un non-musulman...
Ce que l'on me propose est la présidence de la Fondation pour les oeuvres de l'islam de France qui a une vocation d'intérêt général, et non de l'association cultuelle qui y sera adossée. Le futur président de la Fondation ne sera pas chargé de promouvoir l'islam. Je n'y ai aucun titre, je ne suis pas musulman, je suis un républicain laïc. La laïcité n'est pas tournée contre la religion, elle libère la spiritualité de toute emprise de l'Etat. Je n'entends nullement m'immiscer dans la sphère du religieux.

Dépêche AFP, mercredi 3 août 2016, 13h59.


Présidence de la Fondation pour l'islam de France: "une tâche difficile", estime Chevènement
Jean-Pierre Chevènement, pressenti pour prendre la tête de la Fondation pour l'islam de France, considère qu'il s'agit d'une "tâche difficile", mais à laquelle "on ne peut pas se dérober", car elle "répond à l'intérêt national", a-t-il indiqué mercredi à l'AFP.
François Hollande avait évoqué mardi soir de façon informelle l'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, connu pour son attachement à la laïcité, pour prendre la tête de la Fondation pour l'islam de France. Le président a souligné la nécessité pour cette Fondation, créée en 2005 mais paralysée par des dissensions internes, d'exercer un contrôle notamment sur le financement de la construction des lieux de culte musulmans.
"J'ai été pressenti par Bernard Cazeneuve (le ministre de l'Intérieur, ndlr) au mois de mars", a expliqué M. Chevènement par téléphone à l'AFP, affirmant qu'il communiquerait sa position officielle à la rentrée.
"Je considère que c'est une tâche difficile, mais d'une importance très grande du point de vue de l'intérêt national. On ne peut pas refuser d'apporter sa contribution à cette tâche", a-t-il déclaré. "C'est une tâche difficile, mais à laquelle on ne peut se dérober", a-t-il insisté.
"Il y a quatre millions de musulmans en France, pour la plupart Français, il faut qu'ils soient citoyens avec les droits que cela comporte, notamment la liberté de culte, et aussi bien entendu les devoirs", a-t-il estimé.
La ministre des Droits des femmes Laurence Rossignol a elle plaidé mercredi pour qu'une femme prenne la tête de cette fondation. Interrogé sur le sujet à l'issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a refusé toute "polémique". "Il y a besoin d'une personnalité qui puisse être un médiateur fort, à la fois ferme sur les grands principes de la laïcité, et ouvert, pour permettre à l'ensemble des cultes d'assurer leur exercice dans le cadre de la République", a-t-il déclaré, assurant que M. Chevènement avait été évoqué "de manière très claire".
"J'ai bien entendu Laurence Rossignol (...) mais je ne crois pas que sur ce sujet il y ait de modifications", a-t-il dit.

Jean-Pierre Chevènement était l'invité du matin de RFI animé par Frédéric Rivière, mardi 19 juillet 2016.


Verbatim :
Il faut porter un jugement nuancé. Les Français ont manifesté beaucoup de dignité. La minute de silence a été respectée dans tout le pays.
Manuel Valls a été sifflé par une petite partie des personnes présentes sur la promenade des Anglais et ce n’est pas à leur honneur, car je pense que Manuel Valls fait son travail. C’est notre premier ministre et les reproches qui lui sont faits par certains leaders de la droite de ne pas avoir pris les moyens qu’il devait prendre ne sont pas argumentés.
Lesquels fallait-il prendre ? Comment pouvait-on empêcher ce camion fou de semer la mort sur la promenade des Anglais ? L’individu n’était pas connu des services de renseignement. La tâche des pouvoirs publics est très difficile or il faut quelles que soient les opinions politiques, on fasse preuve d’un certain loyalisme, d’un certain légalisme. Il y a un président de la République, il y a un premier ministre, il y a un ministre de l’Intérieur auquel je veux rendre hommage parce qu’il a un travail considérable à faire tous les jours. Je trouve que les reproches qui sont faits sont des reproches tout à fait excessifs. On ferait mieux de réfléchir à la réponse collective que nous devons apporter à ce défi du terrorisme.

Il y a effectivement des attentats, ce n’est pas nouveau, c’était prévisible, et ça va continuer, parce que nous sommes en présence d’un problème infiniment complexe qui met en jeu toutes les tensions de la société française et ne l’oublions pas, un monde musulman traversé de conflits, de convulsions, une guerre interne entre le terrorisme djihadiste et on pourrait élargir, mais pas trop élargir.

le 19 Juillet 2016 à 15:06 | Permalien | Commentaires (21)

Les actes du colloque du 18 avril 2016 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.


Actes du colloque de la Fondation Res Publica: "Etats-Unis, horizon 2017"
  • Accueil de Jean-Pierre Chevènement, Président de la Fondation Res Publica
  • Introduction de Loïc Hennekinne, ambassadeur de France, membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica
  • Sur les élections primaires, par André Kaspi, historien, spécialiste des États-Unis, auteur, entre autres, de « Les Américains » (2 tomes, rééd. 2014, Points) et « Les présidents américains », en collaboration avec Hélène Harter (Tallandier, 2012)

le 11 Juillet 2016 à 18:22 | Permalien | Commentaires (0)
J’apprends avec grande peine le décès de Michel Rocard. Il reste pour moi le jeune secrétaire général du PSU que j’ai connu au milieu des années 1960, quand j’ai crée moi-même le CERES, avant tout un militant sincère qui croyait à la force des idées et à bien des égards, l’espoir de sa génération.

Il est devenu ensuite un acteur incontournable du Parti Socialiste.

Il a campé, en 1977, au congrès de Nantes, une opposition entre deux cultures du socialisme, l’une jacobine, l’autre autogestionnaire et décentralisatrice. Cette opposition qui m’a toujours parue un peu factice a gouverné nos relations sans nuire à leur cordialité .Sa culture était plus mendésiste que mitterrandienne.

Les Français ont aimé sa sincérité. Ils ont apprécié la compétence du premier ministre.

Michel Rocard n’a pas été Président de la République mais il restera comme une figure idéologique majeure du socialisme français dans la seconde moitié du XXème siècle.

J’exprime à sa famille et à ses proches toute ma sympathie et ma tristesse
Mots-clés : michel rocard

Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 3 Juillet 2016 à 09:21 | Permalien | Commentaires (2)

Entretien de Jean-Pierre Chevènement avec Le Figaro Magazine, propos recueillis par Alexandre Devecchio et Eléonore de Vulpillières, vendredi 1er juillet 2016


"Le sentiment d’appartenance est nécessaire à la démocratie"
Nous avions rendez-vous avec l’ancien ministre de l’Intérieur pour évoquer sa vision de l’Histoire de France. Le Brexit nous a fait dévier de notre chemin initial. Mais pour cet homme d’Etat, qui raisonne encore à l’échelle du temps long, tout se tient : le passé éclaire le présent.

L’apocalypse n’a pas eu lieu. Le Brexit, loin d’être le cataclysme annoncé est, pour Jean-Pierre Chevènement une chance de sursaut. Une nouvelle page de l’Histoire qui s’ouvre. L’Histoire, à l’entendre, c’est ce qui manque aux Français pour se réconcilier avec eux-mêmes. Pour mieux la défendre, l’ancien ministre de l’Education nationale a rédigé la préface d’un manuel scolaire à paraître *, qui fait la part belle à la chronologie et aux grands hommes. Jean-Pierre Chevènement y rappelle son attachement au « récit national » et signifie son refus de toute repentance. « L’incompréhension du présent naît fatalement de l’ignorance du passé. Mais il n’est peut-être pas moins vain de s’épuiser à comprendre le passé, si l’on ne sait rien du présent », écrit Marc Bloch dans Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien. En disciple de l’auteur de L’Etrange Défaite, Jean-Pierre Chevènement scrute les siècles précédents pour mieux analyser les maux de notre époque. Il voit dans « la déconsidération de soi à laquelle nous nous sommes laissé réduire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale », la cause profonde de la crise existentielle de l’Europe contemporaine.

Le Figaro Magazine: Avec le Brexit, une nouvelle page de l’Histoire de l’Europe s’ouvre-t-elle ?
Jean-Pierre Chevènement:
Certainement. Il faut repenser l’Europe à partir de l’exigence de la démocratie. Les Britanniques n’avaient qu’un pied dans l’Europe mais ils ont voulu conserver leur capacité à décider par eux-mêmes de ce qui les regarde. Ils sont attachés à leur Parlement. Ils ne veulent pas être régis de manière opaque par des anonymes qu’ils n’ont pas désignés. La démocratie vit dans les nations. Elle suppose un sentiment d’appartenance. La seule instance démocratique légitime dans l’Europe actuelle c’est le Conseil des chefs d’Etats et de gouvernement. Mais elle n’est pas outillée pour décider. Quant au Parlement européen, il gagnerait à procéder des Parlements nationaux. Il n’y a pas de « démos » européen. Personne ne connaît son « député européen ». Il faut faire un retour et un détour par les nations pour refonder démocratiquement l’Europe.

En second lieu, l’Europe telle qu’elle a été conçue par Jean Monnet et Jacques Delors (marché unique, monnaie unique) souffre de son économicisme : elle n’a jamais été une entité stratégique. Elle n’offre aucune protection face aux menaces et aux défis qui nous attendent. Je suggère une grande conférence pour revoir les traités, à la lumière de ces deux observations. Si ce n’est pas possible, il faudra saisir les Français par référendum.

le 1 Juillet 2016 à 18:24 | Permalien | Commentaires (8)

Tribune de Jean-Pierre Chevènement, Marianne, 1er juillet 2016.
Opaque et technocratique, la Commission de Bruxelles a dépossédé les Etats de leurs prérogatives et s'est substituée aux droits nationaux, sans pour autant répondre aux défis de notre époque. Il est de temps de défendre l'Europe et ses travailleurs et de remettre la politique au poste de commande.


Relever l’idée européenne par la démocratie
Le Brexit n’a pas seulement révélé, comme l’éclair illumine un paysage nocturne, les fragilités de la construction européenne, il a sonné comme un retentissant et cuisant désaveu à l’égard des institutions de Bruxelles.

La Grande-Bretagne avait un statut à part, dans l’Union européenne. Et pourtant, il faut croire que l’intelligence collective de son peuple a préféré délaisser ce statut avantageux pour reprendre en main et en toute transparence le contrôle entier de son destin. L’opinion claironnée de la plupart des élites européennes, au lendemain du Brexit, est que la Grande-Bretagne s’est tirée une balle dans le pied, que son économie va entrer en récession et que peut-être le Royaume-Uni va éclater. Cela est possible, encore que peu probable.

Mais si c’était le contraire qui était vrai ? Si la Grande-Bretagne avait quitté un édifice branlant où elle n’avait d’ailleurs mis qu’un pied, avant qu’il ne s’effondre sur sa tête ? La Grande-Bretagne a vu avec inquiétude la prolifération des règles et des normes européennes élaborées, sans aucun contrôle démocratique véritable, par une Commission européenne technocratique et opaque, l’envahissement du droit dérivé et surtout la supériorité du droit européen sur le droit national. En maints domaines, le Parlement de Westminster n’avait plus le dernier mot. Le problème allait donc bien au-delà de l’immigration polonaise. La question de fond était : est-ce qu’un gouvernement démocratique est encore possible dans nos sociétés dites « avancées » ? Mais en quoi seraient-elles avancées si elles commençaient par renoncer au principe de « self government » ? Ce débat n’était-il pas légitime ?

Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 1 Juillet 2016 à 10:57 | Permalien | Commentaires (3)

Tribune collective* publiée dans Le Figaro, vendredi 1er juillet 2016.


Une conférence pour une nouvelle construction européenne
Les auteurs lancent un appel pour une renégociation des traités qui s'articulerait autour de trois priorités : la souveraineté, la prospérité et l'indépendance stratégique.

Le peuple britannique a exprimé souverainement sa volonté de rester maître des décisions qui le concernent. Ce vote courageux et massif est évidemment une claque pour la dérive technocratique dans laquelle l'Union européenne actuelle s'est laissé enfermer depuis au moins trois décennies, sur la base de traités marqués au coin du néolibéralisme alors triomphant (Acte unique, traité de Maastricht, traité de Lisbonne), ou de l'ordo-libéralisme allemand (traité de cohérence budgétaire dit « TSCG » de 2012).

Tout montre que dans la plupart des pays européens, les citoyens n'acceptent plus d'être gouvernés par des instances non élues, fonctionnant en toute opacité. Le vote britannique peut être une chance : il doit être l'occasion de réorienter la construction européenne, en articulant la démocratie qui vit dans les nations avec une démocratie européenne qui reste à construire.

Nous demandons la réunion d'une conférence européenne sur le modèle de la conférence de Messine de 1955 qui, après l'échec de la Communauté européenne de défense (CED), a permis de remettre la construction européenne sur les rails et a préparé efficacement le traité de Rome. Cette conférence se réunirait à vingt-sept, avec un statut spécial d'observateur pour la Grande-Bretagne.
Mots-clés : brexit europe

le 1 Juillet 2016 à 10:23 | Permalien | Commentaires (2)
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