Jean-Marc Ayrault, en grand honnête homme qu’il est, s’est acquitté loyalement d’une tache impossible. Au moment où il quitte Matignon, je tiens à lui exprimer toute ma sympathie et mon amitié.
Le défi que doit relever Manuel Valls n’est pas seulement un défi de communication. Bien sûr, chacun scrutera avec attention la composition d’un gouvernement que le Président de la République a présenté comme devant être un gouvernement de combat. Le départ des Verts peut être une bonne chose s’il permet de rompre avec une forme de technophobie dommageable, moins à la cohérence gouvernementale qu’à l’intérêt du pays. Manuel Valls a de grandes qualités : il comprend naturellement que la République est d’abord une exigence. Il a le sens de l’Etat. Mais l’ampleur des défis auxquels la France est confrontée, dans un monde en pleine mutation, requiert une vue d’homme d’Etat sur les marges de manœuvre dont notre pays dispose pour remonter le courant. C’est sur le redressement de l’Europe que sera jugé Manuel Valls : en effet, l’Europe actuelle, telle qu’elle a été pensée, ressemble au Titanic. Maintenir le cap de la monnaie chère et de la déflation conduirait inévitablement sur l’iceberg de la crise sociale et politique. Chacun sait qu’on ne peut faire changer rapidement de cap à un paquebot. Nous serons donc patients. Encore faut-il que la volonté existe : il appartient au gouvernement, et bien sûr au Président de la République, de convaincre l’Allemagne qu’il faut rompre, dans son intérêt même, avec une politique de déflation, de stagnation et de chômage que les pays de l’Europe du Sud ne pourront plus longtemps supporter. Ce travail de conviction doit être entrepris par des hommes eux-mêmes convaincus. Ce ne sont pas des résultats spectaculaires que nous attendons de la nouvelle équipe mais une cohérence d’ensemble au service de la France.
Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 1 Avril 2014 à 11:47
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Commentaires (5)
Les électeurs ont exprimé un mécontentement qui va bien au-delà du gouvernement et du Président de la République. Ce mécontentement traduit le rejet d’une politique de déflation mise en œuvre à l’échelle non seulement de la France mais de l’Europe tout entière, au prétexte de “sauver la monnaie unique”.
L’UMP aurait tort de se réjouir excessivement des victoires remportées par ses candidats. Le même “effet essuie-glaces” qui lui bénéficie aujourd’hui la pénalisera demain car elle est incapable de remettre en question les choix néo-libéraux européens qui laminent industriellement, socialement et politiquement notre pays et étendent sur la France un jour crépusculaire. Les mêmes causes produiront les mêmes effets. Le Front National, dont la poussée est préoccupante, n’est en aucune manière une alternative. Il n’offre aucune perspective crédible. Il fait partie du système qu’il dénonce. Pour remettre la France en selle, il faut un gouvernement de salut public capable de créer en Europe plus qu’un rapport de force, un rapport de conviction : l’Allemagne en effet n’a nullement intérêt à vouloir imposer aux autres pays une politique de déflation généralisée. Il faut changer la politique monétaire et rompre en particulier avec la surévaluation de l’euro pour faire refluer le chômage. De cela il faut la convaincre, dans son intérêt même, mais pour y parvenir il faut être soi-même convaincu. Intervention de Jean-Pierre Chevènement, à l'occasion de la session internationale euro-méditerranée à l'Ecole militaire, jeudi 27 février 2014.
Mon général, Mesdames, Messieurs,
Vous m’avez demandé de conclure cette session consacrée aux enjeux sécuritaires transfrontaliers dans l’espace euroméditérranéen. Je le ferai de trois manières :
Article paru dans la revue "Politique étrangère" du printemps 2014, édité par l'IFRI.
La première mondialisation du XXe siècle a produit un profond bouleversement de l'ordre des puissances et une dévalorisation globale des nations européennes. Elle a ainsi laissé le champ à une construction européenne largement technocratique et dépolitisée. Il est temps d'affirmer une vision nouvelle, fondée sur la coopération de nations qui demeurent en Europe le creuset de la démocratie. Seule une telle vision peut redonner à cette Europe son poids à l'international.
D'une mondialisation l'autre : entre la première mondialisation (1860-1911), sous égide britannique, et la seconde entamée après 1945 sous égide américaine, il y a en effet des différences, mais aussi beaucoup de similitudes, et par conséquent de leçons à tirer : l'une et l'autre visent la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et, dans une certaine mesure, des hommes. Dans les deux cas, le marché mondialisé a besoin d'un « patron », d'un hegemon qui en fasse respecter les règles : dans le premier cas, c'est la Grande-Bretagne maîtresse des mers, appuyée sur un empire qui concentre un cinquième de la population mondiale et attentive au maintien de l'équilibre européen. Dans la seconde mondialisation, ce sont les États-Unis avec leur avance technologique, leur surpuissance militaire, le réseau de leurs alliances et la projection mondiale de leurs multinationales. Or, le mouvement même de la mondialisation induit dans les deux cas une profonde modification de la hiérarchie des puissances. Dans la première mondialisation, c’est la montée de l’Allemagne, après sa première unification, qui est le fait saillant dans l’ordre industriel et commercial. En trente ans, elle triple sa production, alors que l’Angleterre la double et que la France ne l’accroît que d’un tiers. Dans la seconde mondialisation, le fait massif est la montée des « émergents » à partir des années 1990, au premier rang desquels la Chine, dont le PNB rattrapera celui des Etats-Unis avant peu d’années. La montée de l’Allemagne a commencé d’inquiéter la Grande-Bretagne à partir de 1903. Celle-ci se rapproche alors de la France : c’est l’Entente Cordiale de 1904. De même, les Etats-Unis prennent peu à peu conscience, dans les années 2000, de leur déficit commercial, de leur désindustrialisation croissante, de leur dépendance financière vis-à-vis de la Chine et de la montée en puissance, y compris militaire, de cette dernière. Ils opèrent, à partir de 2010, un pivotement de leur flotte de l’Atlantique vers le Pacifique, nouent des partenariats commerciaux transpacifique ou transatlantique, ou opèrent des rapprochements stratégiques en Asie, pour isoler la Chine. Tribune de Jean-Pierre Chevènement, parue dans Marianne, vendredi 21 mars 2014.
Mon cher Hubert,
J’ai trouvé La France au défi (Fayard, 2014) perspicace et roboratif. Ton livre, en effet, va à l’os de nos difficultés : les Français ne croient plus en la France. Là est la racine de ce « nœud indémêlable », de ce « verrouillage » qui empêchent la France de sortir de la « nasse » dans laquelle elle s’est laissée enfermer : moins par la pyramide de ses déficits et de ses dettes que par le « nœud psychologique étroitement serré » d’où procèdent repentance systématique et déni de soi. Au fond de tout cela bien sûr « l’effondrement sans précédent de 1940 », ce vrai « passé qui ne passe pas » et qui taraude l’inconscient national. Aucun récit national à ce jour, même celui forgé par De Gaulle qui parlait d’une nouvelle « guerre de trente ans » (1914-1945), n’a réussi à enjamber ce gouffre. Parce que sans doute toutes les familles politiques ont leur part dans cet effondrement. Bien sûr, tu as raison de décrire l’érosion de nos rentes de situation historiques et la compétition de plus en plus redoutable des pays dits émergents qui maîtrisent aussi bien que nous les technologies. Là est le vrai défi pour la France. Tu analyse très pertinemment le discrédit de ceux que tu appelles les « émetteurs », c’est-à-dire, au fond, les élites politiques, intellectuelles, médiatiques, et même économiques. Tu touches juste quand tu parles de « marécage politico-corporatisto-médiatico-judiciaire ». Ceux qui se sont essayés à gouverner savent tous l’immense difficulté à le faire dans une « société de défiance généralisée », où l’égoïsme est roi et le sens de l’Etat nulle part. Tu ajoutes justement que « la Vème République », conçue pour libérer les grands choix politiques des partis, cinquante-six ans après, leur est maintenant complètement assujettie. Réaction de Jean-Pierre Chevènement aux résultats du 1er tour des élections municipales à Belfort.
Le résultat des élections municipales à Belfort amplifie un mouvement national qui est lui-même sans surprise.
A Belfort, le score de la gauche dans son ensemble, mais plus encore celui du maire sortant, sont à un étiage bas, historiquement sans précédent. L’exigence d’une refondation de la gauche passe à l’évidence, au niveau national par la réorientation de la politique économique et donc de la construction européenne, et à Belfort, par un profond renouvellement du personnel politique. Bastien Faudot a porté l’exigence de cette réorientation et de ce renouvellement en réalisant un score nettement supérieur à celui que lui attribuait le sondage BVA réalisé avant même qu’il ait publié sa liste. Un électrochoc peut seul remettre Belfort dans la voie du progrès. C’est l’intérêt de la gauche toute entière que d’y procéder sans tarder. Cet électrochoc passe par un accord PS/MRC sur le renouvellement des têtes de listes à la Ville et à la CAB. Sur cette base, le rassemblement de toutes les forces de progrès et la mobilisation au 2nd tour des abstentionnistes du premier (44% des inscrits !) peuvent encore inverser la tendance. Intervention de Jean-Pierre Chevènement au meeting de fin de campagne de 1er tour de la Liste "Oser Belfort", conduite par Bastien Faudot, jeudi 20 mars 2014.
Je suis heureux de vous voir tous ici réunis non pas pour un ultime combat, encore qu’il y en eût d’héroïques, mais pour offrir à Belfort un avenir digne d’elle.
La porte, certes, est étroite mais elle a un nom. Ce nom c’est Bastien Faudot. Lui seul peut incarner non seulement le renouveau, mais le maintien de notre ville dans le camp du progrès. Etienne Butzbach est devenu, par son fait, un obstacle à l’unité. Mais les Belfortains ont tous une petite clef pour ouvrir la porte étroite : c’est le bulletin de vote Faudot. Lui seul peut permettre le renouvellement et la refondation de la gauche belfortaine et rendre pour l’ensemble des Belfortains son sens à l’action politique. Bastien Faudot incarne la fidélité, non seulement à ce qui a été fait depuis 1977 avec ce qu’il y avait de meilleur à Belfort – militants, fonctionnaires, citoyens – par l’enthousiasme, le talent, le dévouement, mais fidélité plus profonde encore à ce que signifie Belfort dans l’Histoire. Car Belfort n’est pas n’importe quelle ville. Carnet de Jean-Pierre Chevènement
J’apprends avec peine le décès de Marc Blondel, secrétaire général de la CGT Force ouvrière. C’était un syndicaliste passionnément attaché à l’indépendance des syndicats, un homme chaleureux, un négociateur redoutable. Il était le digne héritier d’André Bergeron.
J’adresse à sa famille mes condoléances attristées.
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marc blondel
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