Hommage à Pierre Péan, journaliste d’investigation et essayiste, par Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre
Avec Pierre Péan nous perdons l’un des grands éclaireurs de notre temps. Il était l'un des plus remarquables journaliste d’investigation et un essayiste d’un immense talent dont chaque ouvrage, fruit de ses recherches exigeantes, était attendu avec impatience. Chacune de ses œuvres a marqué un moment de la conscience de la vie politique française suscitant des débats passionnés. C’était un homme de gauche assurément mais avant tout, pour lui, il y avait l’exigence de la vérité.
Noires fureurs, blancs menteurs a éclairé d’une vive lueur le drame du Rwanda, ébranlant les vérités toutes faites. Une jeunesse française, qu’il a complétée et partiellement corrigée par un second ouvrage, reste une pièce majeure pour comprendre le parcours de François Mitterrand. La face cachée du Monde, véritable bible co-écrite avec le regretté Philippe Cohen, autre plume rebelle à toutes les formes de la bien-pensance, n’a pas peu contribué à remodeler le visage de la presse française. Partout Pierre Péan a jeté un regard décapant sur les forteresses de l’ordre établi, jetant bas les nouveaux conformismes, il a été sur ce point de vue un grand républicain. Nous devons beaucoup à l’acuité de son esprit et à la puissance de son travail. Nous devons beaucoup à son courage, il a été une conscience civique qui a balisé notre route. À titre personnel, je perds un ami très cher qui me manquera toujours. J’adresse à sa femme Odile, à son fils Grégory, à sa fille Raphaëlle, à ses six petits enfants et à tous ses amis, l’expression de mon grand chagrin et de ma profonde sympathie. Il manquera à tous, il manquera à la République.
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Rédigé par Chevenement.fr le 26 Juillet 2019 à 11:04
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Hommage au Président tunisien Béji Caïd Essebsi, par Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre
Le Président Béji Caïd Essebsi que j’avais rencontré le 22 février dernier restera comme la figure tutélaire de la jeune démocratie tunisienne refondée en 2014.
Il a été le trait d’union entre la Tunisie indépendante de Bourguiba et le Printemps arabe réussi de la Tunisie. Je m’incline devant sa disparition et exprime ma peine et ma profonde sympathie à son fils et à sa famille, ainsi qu’à Monsieur le Premier ministre, Youssef Chahed et à l’ensemble du peuple tunisien. Je forme des vœux ardents pour que les prochaines élections permettent de consolider les acquis démocratiques de la Tunisie afin que celle-ci reste le phare de la démocratie dans le monde arabe. Éloge funèbre de Gilberte Marin-Moskovitz, première femme députée du Territoire de Belfort (1988-1991, 1997-2000), en l'église Saint-Joseph de Belfort, le 1er juillet 2019, par Jean-Pierre Chevènement
Cher Jean-Paul, chère famille de Gilberte, chères familles Ilana et Benedetti, chère tribu beaucoup plus large encore de celles et ceux qui aimaient Gilberte, Monsieur le Maire,
Quand j'ai rencontré Gilberte, elle avait trente-cinq ans. C'était une jeune femme chrétienne. Elle était le vivant témoignage de l'investissement que l’Église avait fait dans le monde ouvrier après la Seconde Guerre mondiale, le levain dans la pâte. Son regard exprimait toute la confiance dans les valeurs de fraternité et de solidarité qui sont les nôtres, à vrai dire des valeurs chrétiennes laïcisées qui font que, quelles que soient nos croyances, nous partageons la même sensibilité, chrétienne cela va sans dire dans cette église Saint-Joseph, l'église des Alsthommes, là où Gilberte a été baptisée et là où aujourd'hui nous l'accompagnons vers sa dernière demeure. Oui nous savons que les pierres ont une âme dans laquelle tous nous nous retrouvons. Les actes du séminaire du 2 avril 2019 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
Une tribune de Jean-Pierre Chevènement, parue dans Le Figaro, le 5 juin 2019.
Belfort, dont le nom symbolise l’esprit de résistance, se bat à nouveau le dos au mur. Or General Electric, auquel la branche énergie d’Alstom a été vendue en 1999 pour les turbines à gaz et en 2015 pour le reste, vient d’annoncer la suppression de plus de mille emplois, le quart de son effectif, la moitié de ceux qui travaillent dans le secteur des turbines à gaz, à tel point que la pérennité du site paraît menacée. C’est évidemment un crève-cœur pour le maire de Belfort que j’ai été pendant plus de vingt ans, mais plus encore un épisode symbolique d’un processus de désindustrialisation, lui-même indissociable de la financiarisation et du démantèlement de nos grands groupes industriels depuis plus de deux décennies.
J’espère encore que le Président de la République ne voudra pas laisser associer son nom à cette débâcle et saura trouver le moyen de pérenniser ce grand site industriel français dont les salariés sont fiers des produits de hautes technologie qu’ils fabriquent. Encore aimerais-je ne pas entendre le porte-parole du gouvernement expliquer que Belfort et ses turbines à gaz seraient sacrifiées sur l’autel de la « transition écologique ». On croit entendre Flaubert qui, sous le mot « époque » notait. « Notre époque est une époque de transition » (Dictionnaire des idées reçues). Une tribune de Jean-Pierre Chevènement, parue dans l'hebdomadaire Marianne, le 24 mai 2019.
La dégradation de l'environnement stratégique de l'Europe (unilatéralisme américain, accès de la Chine aux hautes technologies, montée de l'islamisme radical au Moyen-Orient et en Afrique, crises migratoires à venir) nous fait découvrir la sagesse de l'adage prêté à Sun Tzu : « Si tu veux la paix, ne laisse pas le désordre s'installer à tes portes. » En tout domaine, nos dépendances et nos vulnérabilités sont destinées à s'accroître. La construction de l'Europe était censée nous prémunir contre ces menaces. Placés désormais au pied du mur, les Européens s'aperçoivent que les plans de la maison qu'on leur a construite étaient faux. L'Europe telle qu'elle a été pensée par Jean Monnet a été fondée sur l'idée du marché. Pour tout ce qui est la défense et la stratégie, elle s'en est remise, dès les années 50, aux Etats-Unis.
Au cœur du « marché unique » dont Jacques Delors a été l'artisan principal, il y a le principe néolibéral de la concurrence que la Commission européenne a été chargée de mettre en œuvre. L'essentiel de ce qui est stratégique (défense, politique industrielle, construction de « champions numériques ») a été laissé en jachère. Certes, l'existence d'un grand marché est un atout dont il ne faut pas priver nos entreprises. Encore faudrait-il que ce grand marché soit défendu vis-à-vis de l'extérieur et harmonisé à l'intérieur. Or, l'Europe à 27 n'a pas de conscience stratégique ni de ferme volonté politique : elle avance peut-être, mais au « rythme européen », c'est-à-dire à pas de tortue. La monnaie unique a ralenti la croissance de la zone euro et a accru les divergences en son sein. Surévaluée pour les pays de l'Europe du Sud, au dire du FMI lui-même, elle est sous-évaluée pour l'Allemagne. Il en résulte des distorsions insoutenables sur le long terme. Communiqué de Jean-Pierre Chevènement
Ce matin, la direction du groupe américain General Electric a annoncé la suppression de 1 050 emplois sur Belfort, 800 dans les turbines à gaz, 250 dans le centre de services installé il y a deux ans, conformément aux engagements pris, et désormais voué à la fermeture.
Le coup est terrible pour Belfort, qui voit de surcroît l’exécution des nouvelles commandes transférée aux Etats-Unis. Dans ce sinistre industriel, la responsabilité de l’Etat est doublement engagée. D’abord pour avoir accepté, dans la plus grande opacité, un accord déséquilibré avec General Electric en 2014. Ensuite pour n’être pas monté au capital pour y remplacer Bouygues en 2017 et ainsi donner vie aux trois « co-entreprises » prévues entre Alstom et General Electric. « Tout pour les actionnaires, haro sur les salariés ! », ainsi se résume ce bradage à 12,5 milliards d’euros. Belfort est un grand site industriel français depuis 1878. Je n’imagine pas que le Président de la République, que j’ai accompagné à Belfort en 2015 quand il était ministre de l’Economie et qui connait parfaitement bien le dossier Alstom, ne prenne pas aujourd’hui des initiatives d’abord pour rappeler à General Electric que le slogan « America first ! » ne saurait s’appliquer en violation des engagements pris, et qu’ensuite il ne donne pas une vigoureuse impulsion aux projets de diversification industrielle qui existent en matière aéronautique comme dans la maintenance nucléaire. Belfort est une ville résistante. Elle espère que son gouvernement ne la livrera pas une seconde fois. Entretien de Jean-Pierre Chevènement à L'Express, propos recueillis par Alexis Lacroix, dimanche 28 avril 2019.
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