Entretien de Jean-Pierre Chevènement au journal Le Pays, samedi 4 mai 2013.
Le Pays : Quel bilan tirez-vous de cette année de présidence marquée par la crise et la montée du chômage ?
Jean-Pierre Chevènement : Je pense que le cap fixé par le rapport Gallois, à savoir la reconquête de la compétitivité de l’économie française, est le bon. Mais les moyens pris sont insuffisants pour regagner les 15 points de compétitivité perdus sur l’Allemagne depuis le début des années 2000. Nous payons chèrement le choix de la monnaie unique et la divergence des politiques salariales entre la France et l’Allemagne depuis 2003. Bien sûr, il est injuste d’imputer particulièrement à François Hollande la responsabilité d’une crise qui vient de très loin. De bonnes décisions ont été prises sur la Banque publique d’investissement, les emplois d’avenir, les contrats de génération, l’école avec la priorité affichée à l’école primaire. Mais tout ceci n’enraye pas l’érosion de notre base productive. Nous souffrons d’un euro surévalué, toutes les autres monnaies pratiquant des dévaluations compétitives. Faut-il attendre beaucoup plus longtemps pour reconnaître l’impasse de la monnaie unique ? Justement, vos positions sur l’Europe ne sont pas forcément celles du gouvernement… J’ai en effet voté contre le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) qui met l’Europe tout entière dans l’impasse. La récession économique qui en résulte entraîne des moins-values fiscales qui creusent les déficits et les dettes publiques. Soit il faut revoir fondamentalement les statuts de la Banque centrale européenne pour que celle-ci pratique comme toutes ses homologues une politique de création monétaire. Soit, si les Allemands s’y refusent, il faut négocier la transformation de l’euro, monnaie unique, en monnaie commune. Les monnaies nationales se retrouveraient à l’intérieur d’un SME bis (Serpent monétaire européen) selon des parités tenant compte des écarts de compétitivité. C’est la seule manière de faire si on veut que l’Europe renoue avec la croissance.
Rédigé par Chevenement.fr le 4 Mai 2013 à 09:44
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Dépêche AFP, jeudi 2 mai 2013, 18h21
Jean-Pierre Chevènement, président d'honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC), s'élève contre le "Hollande bashing" de l'opposition, dans un entretien à paraître vendredi dans les "Echos", jugeant "impossible" de juger le chef de l'Etat au terme de sa première année de mandat.
"Il est impossible de juger François Hollande sur un laps de temps aussi court car il a fait le choix du long terme", fait valoir le sénateur du Territoire de Belfort, qui compte pourtant parmi les observateurs critiques de l'action de l'exécutif. A ses yeux, "imputer la crise particulièrement à François Hollande n'a pas de sens : elle est la responsabilité partagée des gouvernements de gauche et de droite depuis plus de vingt ans". Aussi l'ancien ministre de François Mitterrand et Lionel Jospin lance-t-il un "Halte au Hollande bashing!", souhaitant qu'il ne soit jugé "qu'à la fin de son mandat" de cinq ans. M. Chevènement dénonce en particulier les attaques visant la "personne" du président. "L'opposition présente François Hollande comme quelqu'un d'indécis or il a été capable de prendre une décision prompte, courageuse et justifiée sur l'intervention militaire au Mali", relève-t-il, constatant que le chef de l'Etat "sait faire preuve de persévérance, d'endurance et (...) démontrera sa capacité de rebond". Entretien au journal Les Echos, à paraître vendredi 3 mai 2013.
Les Echos : Quel bilan faîtes-vous de la première année de quinquennat de François Hollande ?
Jean-Pierre Chevènement : Il est impossible de juger François Hollande sur un laps de temps aussi court car il a fait le choix du long terme, et d’abord avec le rapport Gallois, pour reconquérir la compétitivité de notre appareil productif. Notre balance commerciale est en déficit depuis 2002. Nos concurrents ne sont pas qu’en Asie mais également en Europe : nous avons perdu 15 points de compétitivité sur l’Allemagne depuis le début des années 2000. La France subit une crise extrêmement profonde, celle du capitalisme financier, redoublée par celle de la zone euro. Quelles mesures a pris la droite pour corriger le déficit de notre balance commerciale, que l’on ne peut pas décemment imputer aux seules 35 heures ? Et si tel était le cas, qu’a-t-elle fait pendant dix ans ? Imputer la crise particulièrement à François Hollande n’a pas de sens : elle est la responsabilité partagée des gouvernements de gauche et de droite depuis plus de vingt ans. C’est pour cela que je dis : Halte au Hollande bashing ! François Hollande a été élu pour cinq ans ; il est légitimement le Chef de l’Etat. Dans l’intérêt de la France, il faut respecter sa fonction et ne le juger qu’à la fin de son mandat. N’est-ce pas le rôle de l’opposition que de contester la politique du Président ? Mais pas sa personne. L’opposition présente François Hollande comme quelqu’un d’indécis or il a été capable de prendre une décision prompte, courageuse et justifiée sur l’intervention militaire au Mali. Le masochisme national et le manque de patriotisme des élites françaises sont consternants. Ainsi la polémique sur la germanophobie supposée du PS serait risible si elle n’était pas d’abord pitoyable. François Hollande sait faire preuve de persévérance, d’endurance et il démontrera sa capacité de rebond.
La nécessaire réorientation de l’Europe, prônée pendant sa campagne par François Hollande, pose le problème des élites conservatrices en France. Elles s’appuient depuis trois décennies pour faire prévaloir leurs intérêts sur la complète superposition de l’idée européenne et du logiciel néolibéral mis en œuvre à partir de l’Acte Unique.
Pour réouvrir le débat européen, comme l’exige aujourd’hui la démocratie, il faut rompre avec cette confusion monstrueuse. N’en déplaise à Monsieur Juppé, parler de relance européenne quand le chômage bat tous les records, ce n’est pas faire de la germanophobie ! Parler de l’euro fort ou du rôle de la Banque Centrale européenne, ce n’est pas faire de la germanophobie ! Que dirait-on si j’incriminais M. Juppé de rechercher l’appui de l’Allemagne pour préserver, en France, l’ordre établi comme les élites françaises l’ont si souvent fait dans le passé ? Seul un débat serein et argumenté sur l’Europe est digne de la France et, j’ajoute, de l’Allemagne. Evitons s’il vous plait, les noms d’oiseaux ! Jean-Pierre Chevènement était l'invité de "Zemmour et Naulleau" sur Paris Première vendredi 26 avril 2013 à 22h45. Voici le podcast ci-dessous.
Verbatim :
A propos de la première année de présidence de François Hollande
Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat, lors du débat sur l'immigration professionnelle et étudiante, mercredi 24 avril 2013.
Madame et Monsieur le Ministre,
Les orientations fixées par le Président de la République et le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, en application du rapport Gallois, mettent à l’ordre du jour ce débat sur l’immigration étudiante et professionnelle. Je tiens à vous féliciter, Madame et monsieur les Ministres, ainsi que les services de l’immigration du Ministère de l’Intérieur pour l’excellent rapport que vous nous avez fourni sur l’immigration professionnelle et étudiante. Le rapport nous rappelle excellemment que les flux très importants d’immigration sont régis dans des domaines essentiels par des règles qui s’imposent à la France : réfugiés et malades (environ 20 000 admissions au séjour) ; immigration familiale (près de 90 000 admissions qui pour les trois quarts contribuent à alimenter le marché du travail) ; immigration en provenance de l’Union européenne (5 000 au titre des nouveaux Etats-membres en phase transitoire et 150 000 au titre de la procédure « salariés détachés »). En chiffres absolus, les flux d’immigration (entrées-sorties) sont plus faibles en France que dans tous les autres grands pays d’Europe occidentale : 110 000 en France contre 200 000 au Royaume-Uni, et 300 000 en Allemagne, pays qui adapte, il est vrai, sa politique migratoire à sa situation démographique. L’immigration en France reflète un moindre niveau de qualification. Si les flux sur lesquels nous pouvons agir sont importants pour ce qui concerne les étudiants (environ 60 000 admissions), l’immigration de travail est particulièrement faible et nous met derrière les autres grands pays en Europe : près de 18 000 seulement en 2011. Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat, lors du débat sur l'intervention française au Mali, lundi 22 avril 2013.
Monsieur le Premier ministre,
L’intervention rapide et efficace de nos forces armées a rempli les objectifs fixés, le 10 janvier 2013, par le président de la République. Elle a évité que la République du Mali ne disparaisse et ne soit remplacée par un sanctuaire terroriste où Aqmi – Al Quaïda, au Maghreb islamique – aurait tenu les premiers rôles. C’eût été une victoire pour le djihadisme global, et une défaite non seulement pour la France mais pour l’Afrique tout entière, pour l’Europe et pour la cause de la démocratie dans le monde. En quelques semaines, nos forces armées ont infligé des pertes sévères aux groupes terroristes armés et repris le contrôle des villes du Nord et de l’intégralité du territoire malien. Le groupe RDSE s’associe à l’hommage rendu à nos soldats. Ils ont fait preuve d’une remarquable capacité de réaction : le 11 janvier, le lendemain de l’intervention présidentielle, ils stoppaient l’avancée des groupes terroristes entre Djabali et Konna. Le 30 janvier, Kidal, au Nord, était reprise et enfin Tessalit le 7 février. Tout cela en moins d’un mois ! L’opération Panthère, lancée le 19 février dans l’Adrer des Iffoghas, touche aujourd’hui à son terme. Cette brillante guerre de mouvement a illustré une parfaite intégration des différentes unités engagées. Je tiens à rendre hommage à nos soldats. Ils ont bien mérité de la République ! Je m’incline devant ceux qui sont tombés. Je n’oublie pas non plus les soldats tchadiens qui ont, eux aussi, montré leur valeur et dont une trentaine sont morts au combat. Communiqué de la Commission des affaires étrangères du Sénat, mardi 16 avril 2013.
Les sénateurs Jean-Pierre Chevènement (RDSE, Territoire de Belfort) et Gérard Larcher (UMP, Yvelines), co-présidents du groupe « Sahel », préconisent d’autoriser la prolongation de l’intervention des forces armées françaises au Mali (vote le 22 avril au Sénat), mais formulent 10 impératifs pour gagner la paix.
Leur rapport analyse les obstacles au désengagement français et au passage de relais aux casques bleus. Rédigé après de nombreux entretiens, notamment à Bamako, il appelle à consolider d’urgence le processus de réconciliation malien. « Nous sommes inquiets pour le processus de réconciliation », déclarent les deux sénateurs. « Le dialogue avec le Nord, qui n’a pas commencé, est le nœud gordien de la reconstruction de l’Etat et de la refondation politique du Mali ». Les architectures de sécurité régionales (CEDEAO, Union Africaine) n’ont pas pu faire face, seules, à la menace. « Au Sahel, rien ne pourra se faire sans l’Algérie », considère Jean-Pierre Chevènement. Il faut aussi offrir des revenus de substitution à une jeunesse désœuvrée que l’envolée du trafic en tout genre, notamment de cocaïne, la faiblesse de l’État et la déstructuration du pastoralisme nomade, au Nord Mali, ont jetés dans les bras du terrorisme. Au-delà de l’intervention militaire, la solution de long terme réside dans une approche globale à l’échelle du Sahel (développement, gouvernance, sécurité..), indispensable pour la conférence du développement du 15 mai à Bruxelles : « Ensemble pour le Mali ». Gérard Larcher prévient, dans la perspective de la prochaine loi de programmation militaire : « Nos soldats ont fait un travail exceptionnel, sur un terrain particulièrement exigeant. Qu’aurait-on fait sans nos forces pré-positionnées en Afrique ? » Les deux co-présidents se retrouvent pour affirmer que : « L’armée française doit être en capacité, à l’avenir, de conduire une opération comme Serval. Consacrer 1,5% du PIB à la défense est un plancher ». |
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