Le Pays : Quel bilan tirez-vous de cette année de présidence marquée par la crise et la montée du chômage ?
Jean-Pierre Chevènement : Je pense que le cap fixé par le rapport Gallois, à savoir la reconquête de la compétitivité de l’économie française, est le bon. Mais les moyens pris sont insuffisants pour regagner les 15 points de compétitivité perdus sur l’Allemagne depuis le début des années 2000. Nous payons chèrement le choix de la monnaie unique et la divergence des politiques salariales entre la France et l’Allemagne depuis 2003.
Bien sûr, il est injuste d’imputer particulièrement à François Hollande la responsabilité d’une crise qui vient de très loin.
De bonnes décisions ont été prises sur la Banque publique d’investissement, les emplois d’avenir, les contrats de génération, l’école avec la priorité affichée à l’école primaire. Mais tout ceci n’enraye pas l’érosion de notre base productive. Nous souffrons d’un euro surévalué, toutes les autres monnaies pratiquant des dévaluations compétitives. Faut-il attendre beaucoup plus longtemps pour reconnaître l’impasse de la monnaie unique ?
Justement, vos positions sur l’Europe ne sont pas forcément celles du gouvernement…
J’ai en effet voté contre le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) qui met l’Europe tout entière dans l’impasse. La récession économique qui en résulte entraîne des moins-values fiscales qui creusent les déficits et les dettes publiques. Soit il faut revoir fondamentalement les statuts de la Banque centrale européenne pour que celle-ci pratique comme toutes ses homologues une politique de création monétaire. Soit, si les Allemands s’y refusent, il faut négocier la transformation de l’euro, monnaie unique, en monnaie commune. Les monnaies nationales se retrouveraient à l’intérieur d’un SME bis (Serpent monétaire européen) selon des parités tenant compte des écarts de compétitivité. C’est la seule manière de faire si on veut que l’Europe renoue avec la croissance.
Jean-Pierre Chevènement : Je pense que le cap fixé par le rapport Gallois, à savoir la reconquête de la compétitivité de l’économie française, est le bon. Mais les moyens pris sont insuffisants pour regagner les 15 points de compétitivité perdus sur l’Allemagne depuis le début des années 2000. Nous payons chèrement le choix de la monnaie unique et la divergence des politiques salariales entre la France et l’Allemagne depuis 2003.
Bien sûr, il est injuste d’imputer particulièrement à François Hollande la responsabilité d’une crise qui vient de très loin.
De bonnes décisions ont été prises sur la Banque publique d’investissement, les emplois d’avenir, les contrats de génération, l’école avec la priorité affichée à l’école primaire. Mais tout ceci n’enraye pas l’érosion de notre base productive. Nous souffrons d’un euro surévalué, toutes les autres monnaies pratiquant des dévaluations compétitives. Faut-il attendre beaucoup plus longtemps pour reconnaître l’impasse de la monnaie unique ?
Justement, vos positions sur l’Europe ne sont pas forcément celles du gouvernement…
J’ai en effet voté contre le TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) qui met l’Europe tout entière dans l’impasse. La récession économique qui en résulte entraîne des moins-values fiscales qui creusent les déficits et les dettes publiques. Soit il faut revoir fondamentalement les statuts de la Banque centrale européenne pour que celle-ci pratique comme toutes ses homologues une politique de création monétaire. Soit, si les Allemands s’y refusent, il faut négocier la transformation de l’euro, monnaie unique, en monnaie commune. Les monnaies nationales se retrouveraient à l’intérieur d’un SME bis (Serpent monétaire européen) selon des parités tenant compte des écarts de compétitivité. C’est la seule manière de faire si on veut que l’Europe renoue avec la croissance.
Mais est-ce le chemin pris par le gouvernement ?
Je suis partisan de laisser du temps à François Hollande. La monnaie unique existe. J’étais opposé au décollage de l’avion, mais maintenant qu’il est en l’air, je ne propose pas de sauter par le hublot. Il faut reprendre en main les commandes de l’appareil et le faire atterrir dans de meilleures conditions.
Aujourd’hui la monnaie unique est un tonneau des Danaïdes. Les contribuables ignorent qu’ils doivent financer la mise sous perfusion de plusieurs États devenus incapables de faire face à leurs échéances. Ce système ne peut pas durer longtemps.
François Hollande a certainement besoin de temps mais il n’a pas tout le temps.
Durant la campagne présidentielle vous vouliez peser sur la gauche et faire bouger les lignes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Le président vous écoute-t-il ?
Le président de la République m’a demandé de préparer deux de ses voyages, l’un à Alger, l’autre à Moscou. Je pense lui avoir donné quelques conseils utiles. Pour le reste, je ne lui cache pas ma pensée.
Il m’écoute comme il en écoute beaucoup d’autres. Je fais confiance à son intelligence et à son patriotisme pour que, le moment venu, il fasse les choix qui permettent au pays de remonter la pente et d’utiliser à plein toutes ses capacités aujourd’hui en friche.
Vous vous êtes élevé contre le « Hollande bashing »…
On impute à François Hollande une indécision qu’il n’a pas montrée dans l’affaire malienne. L’opération Serval était absolument nécessaire si on voulait éviter qu’Aqmi et l’islamisme radical s’emparent d’un grand État au cœur de l’Afrique de l’Ouest. J’ajoute que l’arbitrage de François Hollande sur le budget de la Défense – pour lequel j’étais intervenu personnellement auprès de lui – me paraît tout à fait correct.
La cote de popularité du président de la République n’a cessé de baisser depuis mai 2012. Le chef de l’État et avec lui la majorité paraissent très affaiblis.
Un mandat se juge la dernière année.
Cette année a aussi été marquée par plusieurs couacs et votre phrase « Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne » a beaucoup été citée.
Il y a toujours des couacs dans un gouvernement. On ne démissionne pas à tout propos. Un ministre doit avaler des couleuvres jusqu’à un certain point. Mes trois démissions ont concerné des choix essentiels. En 1983, celui d’une monnaie forte qui a asphyxié notre industrie ; en janvier 1991, une guerre qu’on aurait pu éviter facilement et qui a transformé le Moyen-Orient en chaos. La Corse, enfin (en 2000). Il suffit de lire les journaux : nous en sommes au dixième assassinat depuis le début de l’année.
Il est beaucoup question d’un remaniement ministériel. Êtes-vous sur les rangs ?
Je ne suis pas sur les rangs. J’ai fait connaître le 13 mars 2012 mon soutien les yeux ouverts à François Hollande et j’ai ajouté que je n’étais candidat à aucun poste ministériel.
Propos recueillis par Céline Mazeau
Source : Le Pays
Je suis partisan de laisser du temps à François Hollande. La monnaie unique existe. J’étais opposé au décollage de l’avion, mais maintenant qu’il est en l’air, je ne propose pas de sauter par le hublot. Il faut reprendre en main les commandes de l’appareil et le faire atterrir dans de meilleures conditions.
Aujourd’hui la monnaie unique est un tonneau des Danaïdes. Les contribuables ignorent qu’ils doivent financer la mise sous perfusion de plusieurs États devenus incapables de faire face à leurs échéances. Ce système ne peut pas durer longtemps.
François Hollande a certainement besoin de temps mais il n’a pas tout le temps.
Durant la campagne présidentielle vous vouliez peser sur la gauche et faire bouger les lignes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Le président vous écoute-t-il ?
Le président de la République m’a demandé de préparer deux de ses voyages, l’un à Alger, l’autre à Moscou. Je pense lui avoir donné quelques conseils utiles. Pour le reste, je ne lui cache pas ma pensée.
Il m’écoute comme il en écoute beaucoup d’autres. Je fais confiance à son intelligence et à son patriotisme pour que, le moment venu, il fasse les choix qui permettent au pays de remonter la pente et d’utiliser à plein toutes ses capacités aujourd’hui en friche.
Vous vous êtes élevé contre le « Hollande bashing »…
On impute à François Hollande une indécision qu’il n’a pas montrée dans l’affaire malienne. L’opération Serval était absolument nécessaire si on voulait éviter qu’Aqmi et l’islamisme radical s’emparent d’un grand État au cœur de l’Afrique de l’Ouest. J’ajoute que l’arbitrage de François Hollande sur le budget de la Défense – pour lequel j’étais intervenu personnellement auprès de lui – me paraît tout à fait correct.
La cote de popularité du président de la République n’a cessé de baisser depuis mai 2012. Le chef de l’État et avec lui la majorité paraissent très affaiblis.
Un mandat se juge la dernière année.
Cette année a aussi été marquée par plusieurs couacs et votre phrase « Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne » a beaucoup été citée.
Il y a toujours des couacs dans un gouvernement. On ne démissionne pas à tout propos. Un ministre doit avaler des couleuvres jusqu’à un certain point. Mes trois démissions ont concerné des choix essentiels. En 1983, celui d’une monnaie forte qui a asphyxié notre industrie ; en janvier 1991, une guerre qu’on aurait pu éviter facilement et qui a transformé le Moyen-Orient en chaos. La Corse, enfin (en 2000). Il suffit de lire les journaux : nous en sommes au dixième assassinat depuis le début de l’année.
Il est beaucoup question d’un remaniement ministériel. Êtes-vous sur les rangs ?
Je ne suis pas sur les rangs. J’ai fait connaître le 13 mars 2012 mon soutien les yeux ouverts à François Hollande et j’ai ajouté que je n’étais candidat à aucun poste ministériel.
Propos recueillis par Céline Mazeau
Source : Le Pays