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Faire de l’immigration étudiante et professionnelle un atout pour la France


Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat, lors du débat sur l'immigration professionnelle et étudiante, mercredi 24 avril 2013.


Faire de l’immigration étudiante et professionnelle un atout pour la France
Madame et Monsieur le Ministre,

Les orientations fixées par le Président de la République et le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, en application du rapport Gallois, mettent à l’ordre du jour ce débat sur l’immigration étudiante et professionnelle.

Je tiens à vous féliciter, Madame et monsieur les Ministres, ainsi que les services de l’immigration du Ministère de l’Intérieur pour l’excellent rapport que vous nous avez fourni sur l’immigration professionnelle et étudiante.

Le rapport nous rappelle excellemment que les flux très importants d’immigration sont régis dans des domaines essentiels par des règles qui s’imposent à la France : réfugiés et malades (environ 20 000 admissions au séjour) ; immigration familiale (près de 90 000 admissions qui pour les trois quarts contribuent à alimenter le marché du travail) ; immigration en provenance de l’Union européenne (5 000 au titre des nouveaux Etats-membres en phase transitoire et 150 000 au titre de la procédure « salariés détachés »). En chiffres absolus, les flux d’immigration (entrées-sorties) sont plus faibles en France que dans tous les autres grands pays d’Europe occidentale : 110 000 en France contre 200 000 au Royaume-Uni, et 300 000 en Allemagne, pays qui adapte, il est vrai, sa politique migratoire à sa situation démographique.

L’immigration en France reflète un moindre niveau de qualification. Si les flux sur lesquels nous pouvons agir sont importants pour ce qui concerne les étudiants (environ 60 000 admissions), l’immigration de travail est particulièrement faible et nous met derrière les autres grands pays en Europe : près de 18 000 seulement en 2011.

Deux axes d’effort sont nécessaires :

Tout d’abord il faut accroître encore l’attractivité universitaire de la France.
Pour l’accueil des étudiants étrangers, la France occupe le cinquième rang mondial derrière les Etats-Unis (près de 700 000), juste derrière le Royaume Uni (près de 400 000), l’Australie et l’Allemagne (près de 300 000) avec laquelle nous sommes presque à égalité. Nous accueillons en effet près de 290 000 étudiants qui représentent plus de 15% des inscrits (11% en licence, 19% en master et 41,3% en doctorat). Cette dernière proportion est un des signes de l’excellence. Nous le devons à la qualité de la recherche française.

Cette performance est le résultat d’une politique lancée en 1998-1999, de concert entre les trois ministres de l’éducation nationale, de l’Intérieur et des affaires étrangères de l’époque. Ce n’est pas M Guéant qui était à la manœuvre !

Près de la moitié des 284 659 étudiants étrangers est originaire de pays d’Afrique (Maroc, Algérie, Tunisie, Sénégal notamment), 21,4% d’un pays d’Asie (Chine et Vietnam) et 18,6% de l’Union européenne.

Je tiens à attirer votre attention sur un point essentiel : s’il est vrai que les étudiants chinois sont nombreux - environ 10% du total (plus de 30 000 soit plus de 10% du total des étudiants étrangers et c’est une bonne chose), les étudiants russes ne sont qu’1,7% (un peu plus de 4 000), les Brésiliens : 1,6% et les Indiens : 0,7%. C’est là qu’il nous faut faire davantage pour attirer des étudiants dont les pays d’origine sont déjà et seront de plus en plus les grandes puissances du XXIème siècle !

Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse concernant la Russie. Il y a sept millions d’étudiants en Russie souvent de très bon niveau : 800 000 apprenants de français maîtrisant souvent remarquablement notre langue. Or il n’y a qu’un peu plus de 4 000 étudiants russes en France, quatre fois moins qu’en Allemagne.

Il n’y a certes que 50 000 étudiants russes effectuant une mobilité internationale mais cette situation va changer rapidement.

Un programme fédéral d’excellence « Education globale » vient d’être lancé par le gouvernement russe pour l’envoi de 1 000 boursiers russes par an dans des établissements d’enseignement supérieur étrangers. Ils y sont déjà 50 000.

Il faut être clair : si la France ne modifie pas ses règles d’admission et ne facilite pas l’octroi de visas « études longues », nous ne pourrons soutenir, dans la durée, la croissance de nos exportations en Russie (+22% en 2012).

Le taux de refus de visas étudiants qui était de 17% en 2011 est monté à 34% en 2012 du fait de la politique à courte vue appliquée par Campus France et de l’attitude frileuse des bureaux parisiens qui refusent une procédure simplifiée d’inscription dans des établissements supérieurs dont la liste aurait été arrêtée de concert avec la partie russe.

Une présélection au niveau des établissements supérieurs est la façon la plus efficace d’attirer en France les meilleurs étudiants. Il faut partir des besoins : ceux de la France et ceux du pays-source qui bien souvent se rejoignent. Ainsi, la Russie aimerait orienter ses étudiants et particulièrement ses boursiers vers nos écoles d’ingénieurs qui bénéficient d’une excellente réputation mondiale. N’est-il pas possible de définir des quotas d’étudiants russes au niveau de chaque école d’ingénieurs ?

Si notre réglementation s’oppose à ces mesures simples et pratiques, comme je l’ai lu, il faut changer notre réglementation ! J’ajoute que la reconnaissance mutuelle des diplômes constituerait un pas important pour la facilitation de la mobilité des étudiants entre nos deux pays.

Je me réjouis que le gouvernement se propose d’accorder aux étudiants étrangers de plein droit, et non plus au cas par cas, au gré des préfectures, des visas correspondant à la durée de leurs études et de prolonger ces visas d’une année pour leur permettre de faire une première expérience professionnelle en France après l’obtention de leur diplôme. Il est bon également que les doctorants étrangers puissent bénéficier d’un visa permanent afin de mener leurs recherches dans des laboratoires français sans être suspendus à d’aléatoires renouvellements de titres de séjour.

Enfin, l’ouverture d’un guichet unique dans la plupart des campus, regroupant des représentants des préfectures et des services sociaux peut faciliter l’accueil pratique des étudiants. Un accompagnement personnalisé manque. Ne serait-il pas possible de recruter des emplois jeunes pour cela ?

Pour promouvoir l’accueil d’étudiants étrangers peut-être pourra-t-on associer les collectivités locales attachées au développement universitaire. Je ne prendrai qu’un exemple, celui de Belfort-Montbéliard – 6 000 étudiants à peine pour une agglomération de 300 000 habitants. La question d’une modulation des droits d’inscription pour les étudiants étrangers doit être tranchée. Pour ma part je n’y suis pas favorable. Elle irait à l’encontre de l’objectif poursuivi : il faut hisser la France au troisième rang mondial pour l’accueil des étudiants étrangers. La formation des élites étrangères participe à l’inclusion de la France dans la mondialisation des échanges, au développement de la francophonie et de notre culture et au rayonnement de nos universités.

J’en viens maintenant à l’immigration professionnelle. Celle-ci représente, en France, environ 12 % des nouvelles admissions au séjour de ressortissants étrangers. La France accueille aujourd’hui environ deux fois moins d’immigrés qualifiés que le Royaume-Uni et trois fois moins que l’Allemagne. La délivrance de l’autorisation de travail conditionne en France l’admission au séjour, en fonction notamment de la situation de l’emploi. La France comptant plus de trois millions de chômeurs, il est inenvisageable de supprimer ce système d’autorisation. Il vaut mieux former les chômeurs – Français et immigrés légalement installés – dans le secteur des métiers dits « sous tension ». Mais, il est devenu nécessaire d’assouplir et d’alléger le système de l’autorisation de travail, notamment pour attirer la main d’œuvre qualifiée.

N’hésitons pas à multiplier les dispenses pour les travailleurs très qualifiés et accordons plus largement des dérogations dans le cadre d’accords bilatéraux. Si je prends l’exemple de la Russie, le Président de la République, lors de son dernier voyage à Moscou, a déclaré qu’il était indispensable d’encourager les hommes d’affaires, les investisseurs, les artistes, les chercheurs, les étudiants à se rendre en France sans difficulté. J’y ajoute les touristes. Maintenant – si je puis citer le général de Gaulle – « l’intendance doit suivre » !

Concernant l’immigration professionnelle, la carte « compétences et talents » est demeurée un titre marginal. S’agissant de l’immigration de travail qualifié, les préfectures ont été sensibilisées, mais dans le mauvais sens. Il serait temps, Monsieur le ministre, de former les personnels à une meilleure prise en compte de l’intérêt national, tel que nous le percevons.

N’hésitez pas, Monsieur le ministre, à simplifier les titres de séjour existants, à en modifier les critères de délivrance, à diminuer le nombre des pièces justificatives et à créer de nouveaux outils à destination de l’immigration professionnelle qualifiée. Le système de pré-validation des dossiers pour les grandes entreprises, comme les préinscriptions dans les universités, est ce qui permet le mieux de « coller aux besoins ». L’immigration de travail est un terrain excellent pour le « choc de simplification » annoncé par le Président de la République !

Trop souvent et à tort, l’immigration professionnelle et même étudiante apparaît comme un danger pour certains de nos concitoyens. Il nous revient à tous de démontrer combien celle-ci peut constituer un atout pour la France, notamment pour ce qui concerne le redressement de notre commerce extérieur. Nous vous faisons confiance, Madame et Monsieur les ministres pour aller de l’avant audacieusement, au service de la France !


Rédigé par Chevenement.fr le Jeudi 25 Avril 2013 à 10:02 | Lu 7792 fois



1.Posté par Mustapha Stambouli le 25/04/2013 10:32
Le continent africain est particulièrement touchée par la fuite des cerveaux. Plusieurs centaines de milliers de cadres hautement qualifiés africains (médecins, enseignants universitaires, ingénieurs, etc.) ont quitté leurs pays d’origine pour s’installer en Occident. L’exode des compétences toucherait plus de 40% des diplômés originaires de pays africains, selon l’OIM. C’est une aubaine pour la France et une catastrophe pour l’Afrique.

2.Posté par Mustapha Stambouli le 25/04/2013 10:50
Le continent africain est particulièrement touché par la fuite des cerveaux. Plusieurs centaines de milliers de cadres hautement qualifiés africains (médecins, enseignants universitaires, ingénieurs, etc.) ont quitté leurs pays d’origine pour s’installer en Occident. L’exode des compétences toucherait plus de 40% des diplômés originaires de pays africains, selon l’OIM. C’est une aubaine pour la France et une catastrophe pour l’Afrique.

3.Posté par Edwige BRUN le 25/04/2013 11:07
Nos jeunes diplômés ne trouvent pas de travail en France y compris nos chercheurs et ingénieurs scientifiques. A bac +8 ils se retrouvent embauchés en CDD ou dans des sociétés de service ou contraints de partir au Canada, en Chine etc...Des diplômés bac+3 passent les concours de la fonction publique de niveau B ou C. Les concours médicaux en France sont très sélectifs et nos étudiants partent en Belgique ou en dans les pays de l'est poursuivre leurs études. En même temps l' Etat, le contribuable, subventionne des ONG médicales pour l'Afrique. Existe- t-il encore une politique nationale de l'emploi et de l'éducation quand les jeunes ont si peu de perspectives et qu'on fait encore appel aux étrangers?

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