Carnet de Jean-Pierre Chevènement
La très nette victoire d’Emmanuel Macron offre un répit à la France. C’était une gageure, Emmanuel Macron l’a relevée.
Mais cette victoire ne doit pas dissimuler l’ampleur des fractures sociales et la profondeur des ressentiments dont témoigne le score de l’extrême-droite au second tour, plus d’un tiers des voix, et un autre tiers d’abstention et de votes blancs parmi les inscrits. Le nouveau président de la République est un peu dans la situation du Général de Gaulle en 1958. Il a devant lui des défis gigantesques. Il a eu le courage de s’y affronter. Il devra faire preuve de beaucoup de réalisme et de pédagogie. Il faut lui donner les moyens de réussir en faisant prévaloir une idée force : au-delà des formules politiques usées, il y a la République et son exigence.
Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 7 Mai 2017 à 20:32
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Dépêche AFP, vendredi 5 mai 2017.
L'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement a estimé vendredi que l'élection de Marine Le Pen au second tour dimanche serait "un très mauvais coup porté à la République".
Il juge que la candidate FN n'est "pas construite" et qu'Emmanuel Macron "pourrait être un bon président". Considérant qu'une élection de la candidate FN serait "un très mauvais coup porté à la République, à son image, à son prestige", M. Chevènement a ajouté sur LCI qu'il ne la "sen(t) pas construite". "Je pense qu'elle n'a pas réellement pensé son affaire et qu'au fond elle n'est pas prête à exercer les responsabilités d'un président de la République", a-t-il déclaré. M. Chevènement, qui avait déjà appelé récemment à un "vote résolu" en faveur d'Emmanuel Macron, a aussi jugé qu'il n'y avait "pas vraiment photo" entre lui et Mme Le Pen, et que la France "ne sera pas défigurée" si le candidat d'En Marche! est président. Ce sera "bon pour son image", dit-il. L'ancien ministre de l'Intérieur de Lionel Jospin, ex-candidat à la présidentielle de 2002 (5,33%) et actuel président de la Fondation pour l'Islam de France, a par ailleurs affirmé qu'avant de quitter le ministère de l'Economie, en août 2016, Emmanuel Macron lui avait demandé son avis. "Je lui ai plutôt déconseillé de partir et de se porter candidat". "Je ne pensais pas - à tort - qu'il serait capable de faire déjà ce qu'il a fait", dit-il. "Malgré les appuis dont il bénéficiait, je ne pensais pas qu'il y arriverait", a affirmé l'ancien président du Mouvement républicain et citoyen (MRC). "Si j'ai un conseil à lui donner - d'ailleurs il ne m'écoute pas - c'est de choisir quelqu'un qui soit quand même assez proche de lui et en qui il puisse avoir confiance", a-t-il dit en évoquant le Premier ministre qui pourrait être choisi par M. Macron dans le cas où il serait élu dimanche président de la République. Agenda et médiasJean-Pierre Chevènement était l'invité d'Audrey Crespo-Mara sur LCI, vendredi 5 mai 2017.
Source : LCI
Entretien de Jean-Pierre Chevènement à Sud Ouest dimanche, dimanche 30 avril 2017.
Sud Ouest Dimanche: Il a souvent été question, ces derniers mois, dans le débat public, d’"identité". En quelques mots, qu’est, pour vous, l’identité française ?
Jean-Pierre Chevènement: C’est l’identité républicaine de la France. La définition de la nation française n’est ni ethnique ni religieuse : elle est politique. Elle est liée à l’affirmation de l’État et du citoyen. Le miracle de l’unité française, c’est l’État ; au cœur de la monarchie, puis de la République, cette identité reprend toute notre histoire, des origines à nos jours. Comment expliquez-vous que la laïcité, qui était un socle puissant il y a trente ans, soit aujourd’hui l’objet de polémiques ? Elle est trop souvent mal comprise. Par exemple, elle est perçue comme une arme contre la religion, à tort : la laïcité permet l’expression de toutes les croyances religieuses. Mais elle implique que, dans le débat public, chacun mette ce qu’il a de commun avec ses concitoyens, privilégie l’argumentation raisonnée, et réserve à la sphère privée l’affirmation de ses convictions religieuses. Parle-t-on trop des appartenances religieuses ? Il faut donner à la religion sa place, reconnaître la liberté religieuse, permettre l’exercice des cultes. Mais il ne faut pas substituer la question religieuse à la question sociale. Nous devrions toujours nous attacher à préciser la position sociale de tel ou tel dans la société, avant de le définir par la religion. Je me souviens d’un préfet que Nicolas Sarkozy avait nommé en le présentant comme un " préfet musulman ". Ce préfet m’avait dit son embarras, car il se définit comme parfai- tement laïc et non par rapport à son appartenance religieuse. Il est dangereux de vouloir mettre la religion, comme symbole identitaire, à la place du social et du politique. Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Zemmour & Naulleau sur Paris Première, mercredi 26 avril 2017.Carnet de Jean-Pierre Chevènement
Les Français, en mettant Emmanuel Macron au second tour, ont choisi le renouvellement des visages et d'un personnel politique usé par un bipartisme devenu de plus en plus artificiel.
Mais ils n'ont pas choisi la continuité, comme en témoigne le score élevé sinon majoritaire des candidats souverainistes. Emmanuel Macron devra s'en souvenir à l'heure des choix. Une période est close. Les forces qui ont gouverné la France depuis un demi-siècle ont dévissé. Le Parti socialiste est divisé en trois. Le cycle d'Epinay est allé à son terme logique et depuis longtemps prévisible. La droite républicaine a perdu une élection qui paraissait imperdable. Comme le PS, elle entre dans une crise profonde et durable. Dans l'immédiat, il faut que nos concitoyens se mobilisent pour écarter Marine Le Pen au second tour. Son score sans précédent doit obliger les forces républicaines à réviser enfin leur politique, comme elles ne l'ont pas fait après 2002 pour répondre au besoin de protection qu'exprime le pays. C'est dans cet esprit que j'appelle à un vote résolu pour Emmanuel Macron au second tour. Agenda et médiasJean-Pierre Chevènement répondait aux questions de France Culture, jeudi 13 avril 2017.
France Culture (3.42 Mo)
Verbatim :
Le débat politique est tombé très bas. Il n'y a plus d'objectivité, de sens de la nuance, et même la reconnaissance qu’il peut y avoir de vrais débats. Prenons cet exemple : la rafle du Vél' d'Hiv a été ordonnée par M. Bousquet, secrétaire général de la police, et par, on peut le penser, Pierre Laval, président du Conseil, peut-être avec l'accord de Pétain. Naturellement, cette rafle obéissait aux désirs des occupants allemands, et en particulier du chef de la Gestapo, Oberg. Il y a eu des accords entre Oberg et Bousquet. On peut rappeler ce fait et à partir de là dire : le gouvernement de Vichy est le responsable de ce crime atroce qu'a été la déportation de 20 000 juifs vers l'Allemagne. Faut-il dire la France a commis l'irréparable, comme l'a dit Jacques Chirac en 1995 ? Pour ma part, je ne le pense pas, comme l'ont pensé à peu près tous les hommes politiques responsables en France jusqu'à Jacques Chirac. Car il y a une responsabilité pénale qui s'applique aux criminels, une responsabilité politique, qui s'applique aux peuples à travers les gouvernements qu'ils se sont donnés. Mais est-ce que le gouvernement de Vichy était un gouvernement légitime ? C'est la question de fond. Sur le champ, un historien, Marc Bloch, à travers un livre intitulé L’étrange défaite, a parlé de coup d’état. Il a parlé des « nouveaux Bazaine » qui avaient trahi la République en offrant nos armées à la capitulation en sollicitant par radio cette capitulation alors que l’armistice n’avait pas déjà eu lieu. De Gaulle, à Londres, a lancé l’appel du 18 juin, en proclamant l’illégitimité du gouvernement qui venait de se constituer à l’époque à Bordeaux. C’est une thèse historique qu’il faut quand même rappeler parce que ce n’est pas un Président de la République ni même deux, ni même trois qui peuvent faire la vérité historique. Il y a un débat et moi je considère que le peuple français n’est pas coupable, on ne peut pas dire qu’il a commis l’irréparable parce que l’immense majorité du peuple français n’était évidemment pas d’accord avec cela. C’est une illustration de la confusion du débat dans une campagne que je juge de très mauvaise qualité occultant les grands enjeux auxquels la France doit faire face et qui mériteraient un autre traitement. Il reste encore dix jours aux Français pour faire le meilleur choix en fonction des intérêts de la France: c’est un choix difficile. J’ai assez honte qu’avec de tels problèmes à résoudre notre pays en ait été ramené à cette campagne de caniveau où les grands sujets sont très maltraités. Source : France Culture Tribune collective de Jean-Pierre Chevènement, Marie-Françoise Bechtel, Éric Conan, Franck Dedieu, Coralie Delaume, Éric Delbecque, Estelle Folest, Jean-Pierre Gérard, Christophe Guilluy, Emmanuel Lévy, Michel Onfray, Jean-Philippe Mallé, Natacha Polony, Jean-Michel Quatrepoint, Claude Revel et Paul Thibaud, parue dans Le Figaro, vendredi 24 mars 2017.
Nous avons connu l'Europe balbutiante, puis l'Europe triomphante, le temps est maintenant venu de l'Europe affaissée que même les coups de boutoir d'un Trump ne réveillent pas. À ces phases d'une «construction» dont le ciment est aujourd'hui irrévocablement fissuré ont correspondu de la part des peuples d'abord l'indifférence, puisla résignation («c'est l'Europe»), enfin le rejet. Une seule certitude aujourd'hui: l'Europe ne va plus de soi. Trente années de dérégulation sur le marché et de mise sous contrôle des politiques nationales ont rendu ce constat aveuglant.
Le plus préoccupant dans l'affaire est l'incapacité de la classe politique dans son ensemble à répondre à cette nouvelle «crise de la conscience européenne». Les principaux partis de gouvernement se taisent ; ils ont enfin compris que l'invocation à «l'Europe mieux expliquée», à «l'Europe des projets», à l'Europe à laquelle «il faut redonner du sens», tout cela est dépassé. Mais ils n'osent franchir le pas vers une vision nouvelle. En face d'eux, les casseurs d'Europe prédisent un avenir de tumulte: dénonciations désordonnées et improductives, confondant dans un même opprobre le tout marché et l'immigration incontrôlée, chez le Front national. Insoumission fondée sur la révolte des peuples chez Jean-Luc Mélenchon comme si la seule désobéissance aux règles et directives les plus choquantes tenait lieu en soi d'horizon politique.
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