Entretien au Nouvel Observateur, 3 juin 2010 (page 48)
Le Nouvel Observateur : Quel regard portez-vous sur la crise qui frappe aujourd’hui l’euro ?
Jean-Pierre Chevènement : Depuis 1992, le Mouvement des Citoyens et moi-même avons mis en garde les Français contre l’impasse historique du projet de Maastricht oublieux de la réalité des nations, il était évident qu’un projet de monnaie unique sans même un gouvernement économique pour équilibrer l’omnipotence de la banque centrale ne pouvait nous conduire qu’au gouffre. Nous y sommes aujourd’hui, malheureusement. Les institutions européennes, et notamment la Banque centrale, ne se sont focalisées que sur l’inflation et les déficits budgétaires des Etats, alors qu’il aurait fallu veiller aussi à l’endettement des ménages et des entreprises, à l’évolution de l’investissement, de la compétitivité et par conséquent à l’emploi. Ainsi aurait-on pu éviter des divergences insoutenables. Le pacte de stabilité arbitraire et rudimentaire imposé par le Chancelier Kohl en 1997 est complètement dépassé. Que faudrait-il faire pour enrayer la crise ? La première urgence voudrait qu’on règlemente les marchés, qu’on établisse un certain contrôle des mouvements de capitaux et qu’on interdise par exemple les ventes à découvert, comme le propose l’Allemagne. Aujourd’hui, nous sommes profondément désarmés devant la puissance des marchés. Les Etats sont des coquilles de noix face aux oscillations brutales de la spéculation. Et collectivement les Etats démontrent leur impuissance (zone euro, Union européenne, G20, etc.). La vraie priorité commande donc de défendre la zone euro pour éviter que la crise ne se répande d’un pays à l’autre, par un effet domino. Mais attention : cela suppose qu’on change les règles du jeu qui nous ont envoyé dans le mur. Comme l’a récemment souligné le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, on ne rétablira pas l’euro par un concours de plans de rigueur, avec blocage des salaires et diminution des retraites à la clé. L’Allemagne doit être conduite à jouer son rôle de locomotive de la croissance européenne par une relance de sa demande intérieure.
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Rédigé par Chevenement.fr le 3 Juin 2010 à 10:23
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Dépêche AFP, 2 juin 2010, 16h19 (mise à jour à 18h51).
Jean-Pierre Chevènement, président du Mouvement républicain et citoyen (MRC) a annoncé mercredi que son parti ne participerait pas au "simulacre" de primaires organisées par le Parti socialiste à l'automne 2011 pour désigner le candidat de la gauche à la présidentielle 2012.
L'ex-candidat à la présidentielle 2002 (5,3%) n'a pas exclu d'être lui-même candidat. "Le projet est plus important que les personnes", "être candidat, cela suppose qu'une demande se manifeste, j'y répondrai le moment venu (...) avant 2012!", a lancé, à quelques journalistes, le sénateur de Belfort. Le MRC qui tient son congrès les 26 et 27 juin à Paris, soutiendra "un candidat républicain qui porte un projet de redressement" de la France, "pas forcément un candidat de notre mouvement", a-t-il ajouté. Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal "sont d'accord pour se ranger derrière le candidat plébiscité par les sondages à travers une campagne organisée par les médias", a déploré ce soutien de la présidente de Poitou-Charentes à la présidentielle 2007. Et selon lui, "les responsables socialistes eux-mêmes ont enterré la primaire avant même de l'avoir adoptée". Avec cet "arrangement entre trois des candidats potentiels, il n'y a plus de primaires", a renchéri Jean-Luc Laurent, maire MRC du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) qui ne voit désormais dans ce processus qu'une "désignation d'un candidat socialiste par le PS". Jean-Pierre Chevènement répondait aux questions d'Hubert Huertas dans "En toute franchise".
L'entretien est podcasté sur le blog ci-dessous.
La proposition du Président de la République d’inscrire, à l’image de l’Allemagne, la réduction des déficits budgétaires dans la Constitution, va à rebours de ce qu’il faudrait faire :
non pas s’aligner sur l’orthodoxie libérale allemande, legs d’une histoire traumatique, mais convaincre nos amis allemands de prendre la tête d’une initiative de croissance européenne, fondée sur la relance de la consommation intérieure et sur l’investissement public, et cela, dans leur intérêt même : l’Allemagne réalise en effet 60% de ses excédents commerciaux sur la zone Euro. Quand tous les autres pays de la zone Euro se seront mis à l’heure allemande pour conjuguer leurs plans de rigueur respectifs, une crise économique et sociale majeure en résultera inévitablement en Europe, dont l’Allemagne, du fait de la structure de son commerce extérieur, sera la première à faire les frais.
Les Français sont fondés à attendre de leur Président qu’il parle non pas le langage de l’alignement, mais celui d’une France inventive, volontaire et entreprenante. Dans un conte germanique célèbre, le joueur de flûte de la ville de Hameln, entraîne les rats vers le précipice. Monsieur le Président, ne nous mettez pas dans la situation des rats ! Faîtes entendre une musique française et européenne ! Car l’euro n’est pas seulement la monnaie de l’Allemagne. C’est la monnaie de l’Europe. Or, l’Europe, bien que moins endettée que les Etats-Unis et le Japon est aujourd’hui la lanterne rouge de la croissance mondiale. Renversez la vapeur, Monsieur le Président ! Ne vous laissez pas glisser sur la pente fatale d’une rigueur imposée de l’extérieur. Celle-ci ne répond à rien sinon à l’exigence de cupidité sans limite des marchés financiers. Ce sont ceux-ci qu’il faut mettre sous contrôle et pas la consommation des Européens ! Il faut vous dégager de la logique maastrichtienne qui a conduit à la crise actuelle, changer les règles du jeu de l’euro. C’est le moment ! C’est difficile ? Mais tous les pays européens vous soutiendront, ainsi que les Etats-Unis d’Amérique qui pour combler leur propre déficit on besoin d’une locomotive européenne puissante : Il n’est que d’oser, Monsieur le Président ! En 1997, cinq ans après le référendum sur le traité de Maastricht, Jean-Pierre Chevènement publiait "Le Bêtisier de Maastricht" (Editions Arléa). Voici quelques extraits des citations mises en exergue dans le livre. La crise de la zone euro jette une lumière crue sur le surréalisme de ces dernières.
« [Les partisans du "non"] sont des apprentis sorciers. […] Moi je leur ferai un seul conseil : Messieurs, ou vous changez d'attitude, ou vous abandonnez la politique. Il n'y a pas de place pour un tel discours, de tels comportements, dans une vraie démocratie qui respecte l'intelligence et le bon sens des citoyens. » (Jacques Delors à Quimper, 29.8.92)
« Ce qui n’était pas prévu, c’est que les peuples puissent refuser ce que proposent les gouvernements. » (Michel Rocard, International Herald Tribune, 28.7.92) « Le traité de Maastricht fait la quasi-unanimité de l’ensemble de la classe politique. Les hommes politiques que nous avons élus sont tout de même mieux avertis que le commun des mortels.» (Élisabeth Badinter, Vu de Gauche, septembre 1992) « Maastricht apporte aux dernières années de ce siècle une touche d’humanisme et de Lumière qui contraste singulièrement avec les épreuves cruelles du passé. » (Michel Sapin, ministre socialiste des finances, Le Monde, 6.5.92) « Interrogez les peuples de Bosnie, de l’ex-Yougoslavie, de Pologne et des autres pays. Ils nous disent : “ chers amis français, entendez-nous. Apportez-nous votre soutien et votre oui. Ce sera un oui à la française, à l’amitié, à la paix, à l’union. Votre oui à l’union fera tâche d’huile dans nos pays où nous souffrons tant ”. Les gens qui sont aujourd’hui sous les bombes seraient désespérés si les Français tournaient le dos à l’unité européenne. » ( Jack Lang, France Inter, 18.9.92) Agenda et médiasTribune de Jean-Pierre Chevènement parue dans Le Monde, édition du 21 mai 2010.
Michel Rocard et Georges Le Guelte sont des hommes réputés compétents, chacun dans son domaine. Je suis d'autant plus surpris de les voir tracer ensemble (Le Monde du 4 mai) des perspectives illusoires pour un mot d'ordre simpliste : "Mettre un terme à la prolifération nucléaire, en éliminant les arsenaux", et négliger les voies praticables du seul objectif aujourd'hui accessible : la minimisation de ces arsenaux en vue de créer une "zone de basse pression nucléaire", selon la formule du rapport adopté en mars par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat ("Désarmement, prolifération nucléaire et sécurité de la France").
Perspective illusoire d'abord que de laisser croire qu'on puisse éliminer les arsenaux nucléaires en moins de quelques décennies. La revue de posture nucléaire américaine NPR publiée le 8 avril, que MM. Rocard et Le Guelte n'ont visiblement pas lue, établit clairement que les capacités industrielles de démantèlement n'y parviendraient pas avant le début de la prochaine décennie, en fait 2024. Cela est encore plus vrai pour les capacités de transformation du plutonium en combustible civil (pas avant la décennie 2030). Tout cela sans compter avec les difficultés politiques aisément prévisibles : les Etats-Unis considèrent notamment l'arsenal russe comme "dimensionnant" pour le leur. Jean-Pierre Chevènement était l'invité de France 24 mercredi 19 mai. L'entretien est conduit par Roselyne Febvre (seconde partie).
Voici le verbatim de l'entretien :
Roselyne FEBVRE.- Retour dans cette deuxième partie de « Politique » avec notre invité. Jean-Pierre Chevènement, bonjour. Jean-Pierre CHEVENEMENT.- Bonjour. Roselyne FEBVRE.- Vous êtes donc président du MRC et sénateur du territoire de Belfort. Dans cette première partie, on a évoqué la politique intérieure. On va passer à l'Europe. Il y a eu des remous à l'Assemblée nationale cette semaine car la Commission européenne veut mettre son nez dans les affaires intérieures des Etats. Elle veut un droit de regard sur les budgets de finances, sur les budgets nationaux avant même qu'ils soient votés par les assemblées. J'imagine que vous grimpez aux rideaux, là. Jean-Pierre CHEVENEMENT.- Ecoutez, c'est la logique du traité de Maastricht. On donne tous nos pouvoirs en matière de politique monétaire à une banque centrale indépendante qui ne doit prendre aucun avis d'aucune autorité élue. On arrive à la situation où nous sommes. C'est-à-dire qu'on a fait une monnaie unique entre des nations très différentes, avec des structures économiques différentes. Roselyne FEBVRE.- C'était une erreur, cette monnaie unique ? Jean-Pierre CHEVENEMENT.- Evidemment. Ecoutez, ce n'est pas moi, qui ai été un des principaux objecteurs au traité de Maastricht, qui aujourd'hui vais vous dire que c'était un coup de génie. Non. Voilà où nous sommes arrivés. Il y avait un vice initial. Jean-Pierre Chevènement était l'invité de France 24 mercredi 19 mai. L'entretien est conduit par Roselyne Febvre (première partie).
Voici le verbatim de l'entretien :
Roselyne FEBVRE.- Bonjour et bienvenue dans « Politique » avec notre invité, aujourd'hui Jean-Pierre Chevènement. Bonjour, vous êtes sénateur du territoire de Belfort et président du MRC. Alors, l'actualité française. Il y aura deux parties dans cette émission. On va parler de politique intérieure et, bien sûr, de politique internationale, ce qui vous passionne, et en particulier de l'Europe et du nucléaire aussi. En ce qui concerne la France, mercredi, le projet de loi sur le port du voile intégral est présenté en conseil des ministres. Est-ce que vous dites, comme certains : « Enfin une loi » ? Jean-Pierre CHEVENEMENT.- Disons que je ne suis pas absolument convaincu qu'une loi ait été nécessaire. On aurait pu utiliser la voie du règlement dans un certain nombre de services publics. Mais, puisque loi il y a, il faut dire les choses simplement, sur le territoire de la République chacun doit montrer son visage à découvert. Ça fait partie, je dirais, des bonnes règles de vie et mœurs et la France a le droit de faire respecter sur son territoire les valeurs républicaines qui sont les siennes. Donc ce n'est tourné contre aucune religion en particulier. La laïcité française est très respectueuse de toutes les religions mais il faut bien dire les choses telles qu'elles sont, il y a des comportements ou des attitudes qui, évidemment, sont contradictoires avec notre façon de vivre. |
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