Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat, dans le cadre du débat sur les perspectives de la construction européenne, mardi 20 mai 2014.


Monsieur le Ministre,

Alors que vous venez de prendre vos fonctions, permettez-moi d’effectuer ce bref rappel :

Quand le gouvernement, le 19 octobre 2012, a demandé au Parlement de ratifier le traité dit TSCG, « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance », il nous a incités, je cite votre prédécesseur, M. Cazeneuve, à « dépasser le traité pour le contextualiser ».

Ce traité pose le principe d’un retour à l’équilibre budgétaire, sous le contrôle de la Commission européenne et selon un calendrier fixé par elle. Il était facile de prévoir, comme je l’ai fait à cette tribune le 20 octobre 2012, en défendant avec mon collègue Pierre-Yves Colombat, une exception d’irrecevabilité, que ce traité « nous [entrainerait] dans une spirale récessionniste dont nous ne [sortirions] que par une crise politique et sociale de grande ampleur ».

Nous y sommes : la mise en œuvre de plans d’austérité budgétaire simultanés dans la plupart des pays d’Europe, si elle a permis de contenir leur déficit global à 3 % du PNB, les a plongés dans une stagnation économique de longue durée. Au premier trimestre 2014 la croissance est nulle en France, négative en Italie (- 0,1 %), à Chypre (- 0,7 %), en Grèce (- 1,1 %), au Portugal (- 0,7 %), mais aussi aux Pays-Bas (- 1,4 %) et en Finlande (-0,4 %). Seule l’Allemagne, avec une croissance de 0,8 %, permet à la zone euro d’afficher une croissance globale de 0,2 %. Sur l’ensemble de l’année, la croissance ne dépassera pas 1 %. Cette stagnation plombe l’économie mondiale car partout ailleurs les taux de croissance prévus sont de deux et demi à sept fois supérieurs. En terme de PNB, les pays de la zone euro, en dehors de l’Allemagne, n’ont pas, en 2013, ou ont à peine retrouvé, en ce qui concerne la France, le niveau de 2008. Là est l’origine d’un déclassement que l’opinion perçoit de plus en plus.

Carnet de Jean-Pierre Chevènement



Jean-Pierre Chevènement, Sénateur du Territoire de Belfort a reçu ce jour, à son bureau belfortain, M. Steve Bolze, Président de General Electric Power and Water, Madame Clara Gaymard, Présidente General Electric Europe et Vice-présidente GE International, ainsi que M. Ricardo Cordoba, Président GE Energie Europe de l’Ouest et Afrique du Nord et M. François Cavan, directeur du site GE belfortain.

M. Steve Bolze a développé l’idée qu’Alstom avait, sur plusieurs marchés et dans l’avenir, un problème de taille. Alstom et General Electric sont complémentaires en terme de technologies et de marchés.

Jean-Pierre Chevènement a posé le problème d’un partenariat dans le capital de l’éventuelle, ou des éventuelles entités qui pourraient être constituées. Il a enfin insisté sur la préservation du nom "Alstom".

La localisation du siège européen à Belfort pour toutes les catégories de centrales est évidemment un point important. Mais il n’est pas le seul. L’association au capital est un point décisif car en dernier ressort, qui tient le capital, tient la décision.

Il est évident que l’acquisition par Alstom Transports de l’activité signalisation de General Electric peut constituer un atout supplémentaire dans cette association industrielle.

L’entretien s’est déroulé dans une atmosphère très cordiale. Jean-Pierre Chevènement est déjà intervenu auprès du Président de la République et du ministre de l’industrie, M. Arnaud Montebourg. Il reverra ces autorités ainsi que le Premier Ministre dans les prochains jours.

le 16 Mai 2014 à 10:58 | Permalien | Commentaires (10)

Agenda et médias



Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Midi-Libre, dimanche 11 mai 2014. Propos recueillis par Laure Joanin.


"On diabolise les nations"
Midi-Libre : Pourquoi cette méfiance vis-à-vis des commémorations de 14-18 ?
Jean-Pierre Chevènement : Parce qu’elles menacent d’être sélectives, orientées et de passer à côté du sujet. L’explication de la guerre et le sacrifice des Poilus risquent d’être passés sous silence. Au nom du "Plus jamais ça !" il s’est agi pour les classes dirigeantes de réitérer leur défiance à l’encontre de nations d’où viendrait le mal et de justifier la mise en congé de la démocratie en Europe sous prétexte de sauver cette dernière de ses démons.

Or, les Poilus ne sont pas morts pour rien, mais pour que la France continue. On nous dit "Oui, mais la France s’est effondrée en 1940". Mais s’il n’y avait pas eu le grand sacrifice des Poilus, y aurait-il eu de Gaulle, la France Libre, la Résistance ? La France aurait-elle retrouvé sa puissance ? On occulte une lecture de l’histoire de France du XXe siècle et on diabolise les nations, en particulier la nôtre, comme si elles étaient coupables de la guerre. Or la nation, c’est le cadre de la démocratie. Il ne faut pas la confondre avec le nationalisme, une maladie de la nation.

En quoi l’Europe serait-elle sortie de l’Histoire ?
Il y a un lien entre le déclin démographique, économique, politique de l’Europe et “la guerre de 30 ans” qui éclate en 1914 et finit en 1945. Mais l’Union européenne actuelle et son magma d’impuissances est aussi le fruit de la façon dont on a fait l’Europe sans les nations, voire contre elles, selon la méthode Monnet. C’est d’abord une Europe qui a fait sien les dogmes du néo-libéralisme en privant les Etats de leurs capacités stratégiques. La France n’est plus un Etat stratège, c’est un Etat mendiant qui n’a plus les moyens d’une politique.

D’autre part, c’est une Europe qui a abandonné la démocratie. Ses institutions – la Commission, la Cour de Justice, la banque centrale – sont technocratiques et ne rendent compte devant aucune instance élue. Et le Parlement de Strasbourg n’est que la juxtaposition de la représentation de 28 peuples. L’Europe est devenue un système d’évitement de la démocratie et des souverainetés nationales.

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Public Sénat, mercredi 30 avril 2014. Il répondait aux questions de Delphine Girard.


Verbatim express :

Alstom
  • Je constate qu'en matière d'industrie, nous allons de démantèlements en démantèlements.
  • On nous dit qu'Alstom est aujourd'hui trop petit dans la mondialisation. Mais n'oublions pas qu'Alstom faisait partie d'un grand groupe, la Compagnie Générale d'Electricité, qui comportait également Alcatel, dans les télécommunications, Nexans, les Chantiers de l'Atlantique, et d'autres filiales encore.
  • Si on sépare Alstom de sa branche énergie, il ne restera que la banche transports, dont le chiffre d'affaires est de 6 milliards d'euros. On dire alors que c'est encore trop petit. La France serait devenue trop petite, on peut brader tout cela, cela n'a plus aucune espèce d'importance.
  • Je crois qu'il faut absolument combattre ce point de vue, car il est important que la France garde des centres de décision.
  • Je crains beaucoup d'autres interventions du même genre par la suite.
  • Le cauchemar de 2003, lorsque l'État s'était porté au secours d'Alstom, c'est le fruit des erreurs de gestion des dirigeants de l'époque, qui ont racheté des turbines à gaz fabriquées en Suisse qui ne marchent pas, qui ont mis l'entreprise quasiment en faillite.
  • Si l'on regarde par rapport à Siemens ou General Electrics, la France avait un conglomérat tout à fait aussi important. Mais d'opérations en opérations, avec la théorie du one player comme ils disent, c'est à dire « un métier, une société », on a des sociétés trop petites. Ce sont les mêmes qui nous ont expliqué qu'il fallait des entreprises sans usines. Ces théoriciens du libéralisme nous font beaucoup de mal.

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de BFMTV, mercredi 30 avril 2014. Il répondait aux questions de Olivier Truchot.


Verbatim express :

  • Je ne fais pas confiance au conseil d'administration d'Alstom, qui nous dit aujourd'hui que l'offre de General Electrics (GE) est la meilleure, parce que, si déjà aujourd'hui co-existent à Belfort Alstom et la filiale turbines à gaz de GE, c'est parce que Alstom a vendu sa filiale turbines à gaz à GE pour racheter celle d'un groupe suisse. Cette opération a conduit au fiasco.
  • Je souhaite que le capital d'Alstom reste majoritairement français, car qui tient le capital tient la décision.
  • On peut faire monter au capital d'Alstom des entreprises ou l'Etat à une position majoritaire, ou minoritaire, Safran par exemple. Safran produit le moteur d'avion CFM56, une belle réussite, une excellente coopération, entre Safran et GE. Tachons de trouver un équilibre ! Je préférerai que ce soit 49% du capital pour GE et 51% pour la partie française.

Entretien de Jean-Pierre Chevènement dans Le Point, jeudi 1er mai 2014. Propos recueillis par Saïd Mahrane.


"Non au bras de fer avec l'Allemagne !"
Le Point : La Grande Guerre trouve, selon vous, ses origines dans la mondialisation...
Jean-Pierre Chevènement : Pour comprendre la guerre de 1914, il faut se référer à la théorie de l'hégémon. Dans les deux mondialisations que je compare dans mon livre (1), la britannique, avant 1914, et l'américaine, après 1945, il y a une puissance hégémonique qui fixe les règles du jeu et les fait respecter. C'est l'Empire britannique, au XIXe siècle, qui a la maîtrise des mers et, après la Seconde Guerre mondiale, ce sont les Etats-Unis, avec leur suprématie économique, leur puissance militaire, leurs réseaux d'alliances... La mondialisation induit toujours une modification de la hiérarchie des puissances. Au XIXe siècle, après 1871, on voit surgir une puissance nouvelle, l'empire d'Allemagne, qui connaît un essor industriel et commercial phénoménal. En trente ans, l'Allemagne triple sa production, l'Angleterre la double et la France l'augmente d'un tiers. L'Allemagne, qui se vit à tort ou à raison comme encerclée par la France et la Russie, déclenche, en 1914, une guerre préventive. Celle-ci, à travers le plan Schlieffen, vise à mettre la France hors de combat en six semaines. La menace d'une hégémonie continentale de l'Allemagne, aussi inacceptable pour la Grande-Bretagne que celle de Napoléon un siècle plus tôt, la conduit à entrer en guerre à son tour avec son empire, entraînant à terme l'intervention des Etats-Unis. Ce mécanisme de l'hégémon est absolument central. Il permet de comprendre que la guerre de 1914 n'est pas d'abord une guerre franco-allemande mais un conflit d'hégémonie entre l'Empire britannique et le IIe Reich allemand qui sera tranché après deux guerres mondiales au bénéfice des Etats-Unis. Cette grille de lecture est également éclairante pour comprendre ce qui se joue aujourd'hui à travers la seconde mondialisation.

Qui incarne l'hégémon aujourd'hui ?
La domination mondiale, au XXIe siècle, se jouera entre les Etats-Unis et la Chine. On voit d'ailleurs bien la stratégie d'endiguement (containment) mise en place par les Etats-Unis avec un pivotement de la flotte et des moyens militaires américains de l'Atlantique vers le Pacifique et les projets de traités de libre-échange transpacifique et transatlantique, dont le but est d'isoler la Chine.

Actualités



Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat dans le cadre du débat sur le programme de stabilité, mardi 29 avril 2014.


Osez la France
Le Premier ministre a demandé au Parlement d’approuver le programme de réforme des trois prochaines années.

Ce programme comporte en fait deux volets distincts.

Le premier est constitué par le programme de stabilité 2014-2017. Celui-ci procède directement du traité de stabilité, de coopération, et de gouvernance dit TSCG négocié en mars 2012 par M Sarkozy.

Le deuxième volet du programme de réforme reprend les engagements pris le 14 janvier 2014 par le Président de la République qui visent à alléger les charges des entreprises de plus de 30 milliards d’euros. C’est le pacte dit de responsabilité.

Une certaine confusion a résulté de la présentation simultanée dans les médias de ces deux documents, alors que le gouvernement n’a semble-t-il engagé sa responsabilité que sur le premier, c'est-à-dire le programme de stabilité.

C’est la raison pour laquelle les députés du Mouvement Républicain et Citoyen, qui avaient, au nom de la souveraineté budgétaire du Parlement, voté contre le traité budgétaire européen, dit TSCG, en septembre 2012, n’ont pas cru pouvoir faire autrement que voter contre le programme de stabilité et l’engagement pris par le gouvernement vis-à-vis de la Commission européenne de réduire à 3% le déficit budgétaire dès 2015. Les députés du MRC entendent afficher ainsi la priorité qu’ils donnent à la croissance sur la réduction optique du déficit. Ils n’entendent pas pour autant exprimer une défiance vis-à-vis du gouvernement auquel ils ont d’ailleurs accordé leur confiance, les yeux ouverts, le 12 avril dernier.

Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Figaro-vox, le lundi 28 avril 2014. Propos recueillis par Alexandre Devecchio.


"L'État doit monter au capital d'Alstom"
Le Figaro-vox : Vous avez demandé au Premier ministre d'empêcher un «transfert de propriété» entre Alstom et General Electric. Quelles seraient les conséquences d'un tel transfert ?
Jean-Pierre Chevènement : Avant tout, l'Etat ne peut accepter de se laisser spolier par la manœuvre éclaire et inconsciente de l'actuel PDG, Monsieur Kron qui lui doit tout. En 2004 Alstom ( qui avait le même PDG qu'aujourd'hui) avait été sauvé à grands frais du dépôt de bilan par un plan de refinancement mis en place avec l'aide l'Etat. Et, du nucléaire au TGV, Alstom est le fruit de plus d'un siècle de commandes publiques.

Il est évident aujourd'hui que la France ne peut abandonner le secteur de l'énergie de production. La reprise de la branche énergie d'Alstom porterait un coup fatal à l'indépendance de notre filière électronucléaire. Elle signifierait l'abandon par la France d'un des derniers pans de son industrie d'équipement: turbines à vapeur, alternateurs de moyenne et de grande puissance ... Ce serait un curieux signe à l'heure où le gouvernement parle de transition énergétique et de lutte contre la désindustrialisation.

General Electric a déjà repris en 1999 la branche «turbines à gaz» quand Alstom a choisi de reprendre les turbines à gaz fabriquées en Suisse. Ce fut une énorme erreur à laquelle Alstom a failli ne pas survivre. Avec le recul de quinze ans, nous constatons que cette opération autorisée par le Gouvernement de l'époque a abouti à deux résultats: Alstom a vu sa part du marché dans les turbines à gaz, qu'elle fabrique désormais en Suisse, se réduire considérablement. Et General Electric, s'il a dans un premier temps développé ses fabrications à Belfort, relocalise aujourd'hui une part de ses fabrications aux États-Unis, conformément à la volonté du Président Obama.

La fuite des centres de décision est dramatique et aura à terme des conséquences sur l'emploi et sur la capacité de la France à peser dans la bataille économique mondiale.
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