Messieurs les Présidents,
Mme et Messieurs les Recteurs et les Professeurs,
Mesdames, Messieurs,
Je remercie l’Institut des Etudes philosophiques de Naples et d’abord son Président-fondateur, l’Avvocato Gerardo Marotta, de m’avoir invité à m’exprimer devant ce public éminent, sur le thème du rôle de la culture dans la construction de l’Europe.
On a fait dire à Jean Monnet que, si l’Europe était à refaire, il faudrait commencer par la culture. Ce mot est apocryphe. Il n’a jamais été prononcé et pour cause : la méthode de Jean Monnet était de partir de l’économie et de créer, par une méthode dite des « petits pas », une série de « faits accomplis » successifs : marché commun d’abord du charbon et de l’acier, puis généralisé, passage de l’union douanière à l’intégration économique, puis de celle-ci à l’intégration monétaire, et enfin de cette dernière à l’unité politique.
On sait que les choses ne se sont pas passées ainsi. La création de la monnaie unique n’a pas débouché sur l’unité politique au sein d’une Fédération, comme Jean Monnet, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi et Robert Schumann le souhaitaient : l’intégration économique ne crée pas un sentiment d’appartenance. L’Europe reste faite de plus d’une trentaine de nations qui n’entendent pas disparaître. Le mot attribué faussement à Jean Monnet est plus qu’un vain regret : un constat d’impuissance car il n’indique aucun mode d’emploi pour créer un sentiment commun d’appartenance, bref une identité politique. L’idée d’un « patriotisme constitutionnel » développé par Jürgen Habermas ne peut concerner que l’élite restreinte qui peut se reconnaître dans des principes généraux de droit, inévitablement très abstraits. Les peuples ne peuvent adhérer à ces principes qu’à travers la démocratie qui vit dans les nations. Or il n’y a pas de nation européenne, même s’il existe une culture européenne. L’expérience de l’Histoire enseigne seulement qu’une identité politique se crée par rapport à une autre identité, perçue comme plus ou moins menaçante. La question mérite d’être posée de savoir s’il est souhaitable de créer une telle identité européenne et dans quelle conjoncture historique elle pourrait l’être, bref quelles sont les tâches de l’Esprit européen aujourd’hui.