Intervention de Jean-Pierre Chevènement au colloque "Vie et oeuvre de Jacques Berque, grand islamologue du XXème siècle", Collège des Bernardins, 5 octobre 2017.
Messieurs les Professeurs, chers amis,
Des obligations antérieures que je ne peux remettre m’empêchent d’être des vôtres pour rendre à Jacques Berque l’hommage qui lui est dû. Croyez que je le regrette profondément car je l’ai toujours considéré comme mon maître, et pour bien d’autres choses que la Méditerranée. Il m’a fait, durant les quinze dernières années de sa vie, l’honneur de son amitié. Il est impossible de classer Jacques Berque, tant son savoir était immense, au croisement de toutes les disciplines : sociologie, histoire, anthropologie, philosophie. Il savait et disait que la vérité, comme le monde, était pluriel. Cette pluralité, il la trouvait d’abord en lui : « Passé latin, passé maghrébin, en moi tous deux entrelacés, je ne puis vous dissocier l’un de l’autre ». Cette pluralité, il l’enveloppait d’un verbe altier, d’un geste ample. Son port était celui d’un grand seigneur descendu de l’Atlas, jusque parmi nous. Jean Sur l’a défini justement comme un « penseur du fondamental ». Procédant par bonds successifs, « par sauts et gambades » aurait dit Montaigne, sa pensée allait à l’essentiel, c’est-à-dire au tragique. Dans Dépossession du monde, il reconnait dans l’Arabe non pas le fantôme qu’on aurait voulu ou qu’on voudrait faire de lui, mais « d’anciens seigneurs injustement déchus ». Il touchait l’âme. Quelles épreuves furent donc pour lui les déchirements du monde arabe après la Guerre des Six jours et la destruction de l’Irak entreprise dès 1991, quatre ans avant sa mort. Entreprise dont nous récoltons aujourd’hui les fruits vénéneux.
Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 5 Octobre 2017 à 19:23
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Agenda et médiasJean-Pierre Chevènement était l'invité de Sonia Mabrouk sur CNews dans Les Voix de l'Info, mercredi 4 octobre 2017.
Je regrette que des obligations contractées antérieurement et que je ne pouvais remettre m’empêche d’être parmi vous pour rendre à Nicole l’hommage qui lui est dû et dire à tous les siens, à son fils Renaud, à ses petits-enfants et à tous ceux qui l’ont aimé, particulièrement à Jean-Paul Planchou, ma tristesse et ma fidélité.
Nicole Bricq qu’une mort brutale vient de nous enlever était à l’image même de cette jeunesse qui face au discrédit ou à l’impuissance des anciens partis s’était levée, au début des années 1970, pour redonner sens à la politique et à l’engagement militant. 1971 fut l’année où Nicole enfanta d’un petit Renaud, mais ce fut aussi l’année où elle s’engagea au Parti Socialiste, via le CERES que ses adversaires décrivaient, à juste titre d’ailleurs, comme « un parti dans le parti ». Nicole et son mari, Philippe, adhérèrent à Mazamet dans le Tarn, où ils travaillaient avec la ferme détermination de bousculer les anciens de la SFIO et de forger l’outil politique qui permettrait l’alternance pour « changer la vie » : tel était en effet le titre du programme socialiste de 1972. Nous voulions réussir, là où nos anciens avaient échoué, sous le Front Populaire face à la montée du fascisme, et à la Libération face à la guerre froide. Nous pensions possible dans un contexte nouveau, de surmonter la division de la gauche en France et en Europe, en forgeant un Parti Socialiste renouvelé, en prise avec les nouvelles générations. Nicole était le symbole de cette détermination. Entier était son engagement, comme entière était sa personnalité. Chez elle pas de faux-fuyant. Projet d'intervention de Jean-Pierre Chevènement au colloque du 3 octobre 2017 de Rivages Russie Evènements « Les intellectuels français et la révolution de 1917 ».
J’ai choisi ce thème en forme de pochade heuristique. Les historiens savent bien que l’Histoire a été et que nul ne peut faire que ce qui a été n’ait pas été. Ma pochade est donc une provocation. Mais une provocation à penser.
L'avant 1914 est dominé, au soir de la IIe Internationale par la querelle entre les marxistes orthodoxes, dont le chef de file est le leader SPD, Karl Kautsky, et les réformistes révisionnistes (Eduard Bernstein) pour lesquels « le but n'est rien, le mouvement est tout », ancêtres du rocardisme et de la 2ème gauche si je puis translater cette querelle idéologique en termes contemporains. Toutefois à l'extrême gauche de l'Internationale s'affirme depuis 1903 une idéologie dissidente, celle du bolchévisme de Lénine, en rupture avec le schéma marxiste orthodoxe, qui n’envisage la Révolution qu’au cœur du capitalisme avancé. L'apport théorique de Lénine est double : Il reprend la critique de Hobson et de Hilferding sur le Capital financier : pour lui, l'impérialisme par le prélèvement qu'il opère sur les pays colonisés ou dominés de la périphérie aboutit à corrompre la classe ouvrière des pays capitalistes avancés du centre. Une « aristocratie ouvrière » impose un réformisme qui revient à nier toute perspective révolutionnaire. C'est là qu'intervient le second apport théorique de Lénine, « La conscience de la classe ouvrière ne peut plus venir du dedans ». Elle doit être importée du dehors grâce à un parti d'avant-garde, conscient, appuyé une conception scientifique de l’Histoire – le marxisme-léninisme - hiérarchisé et en tout cas discipliné : le parti « révolutionnaire » c'est à dire taillé pour la Révolution que se veut être le parti bolchévique. Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Politique!, présentée par Hervé Gardette sur France Culture, samedi 30 septembre 2017.
Politique France Culture (28.69 Mo)
Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Figaro, propos recueillis par Alexandre Devecchio, vendredi 29 septembre 2017 (version longue).
Le Figaro: Alstom et Siemens ont annoncé ce mardi leur mariage. Quelles peuvent être les conséquences de cet accord ?
Il faut appeler un chat un chat : une absorption est une absorption. Qui détient la majorité du capital d’une entreprise détient le pouvoir. Le reste est pipeau. Les engagements pris à quatre ans sont des chiffons de papier que le premier coup de vent boursier fera s’envoler. Parlementaire du Territoire de Belfort de 1973 à 2014 et maire de Belfort, pendant plus de 20 ans, ville mère d’Alstom, j’aurai connu un véritable Trafalgar en 2014 avec la vente d’Alstom-Energie à l’américain General Electric sous une présentation au demeurant falsifiée et aujourd’hui le Waterloo final avec le bradage d’Alstom-Transport à Siemens. Deux coups majeurs portés à notre tissu industriel. On s’étonnera après cela du déficit de notre balance commerciale - plus de 60 milliards – alors que l’Allemagne dégage un excédent de plus de 250 milliards ! L’Etat vient de renoncer à monter au capital d’Alstom à hauteur de 20 % comme convenu avec Bouygues, en 2014, pour donner un peu de consistance aux trois « co-entreprises » créées avec Général Electric, notamment dans le domaine des turbines nucléaires. La présence de l’Etat au capital aurait en outre permis de fédérer l’actionnariat français pour créer un équilibre avec Siemens dans Alstom-Transport. Un peu de patriotisme économique aurait permis d’éviter ce naufrage, épilogue de la décomposition d’Alcatel-Alstom annoncée par son président, Monsieur Tchuruk quand il se faisait, il y a 20 ans, le prophète d’une « entreprise sans usine ». Mission accomplie ! Eléments de discours de Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation de l’Islam de France, à l’occasion d’un colloque international sur « l’organisation du culte musulman en France dans une perspective comparative », 27 et 28 septembre, l’Université de Strasbourg.
Je veux d’abord remercier le Président Deneken de nous accueillir ici, dans cette prestigieuse université de Strasbourg, ainsi que Monsieur le Professeur Messner, organisateur de ce stimulant colloque, et l’ensemble des intervenants et participants.
Le sujet est difficile, mais je tiens à le traiter devant vous sans fard, préférant vous dire des choses plutôt que de me réfugier dans la langue de bois. Ma réflexion n’est, bien évidemment, qu’une contribution à un débat qui doit rester ouvert. I – Historique 1. Laïcité et Séparation L’organisation du culte musulman en France ne peut se comprendre qu’à la lumière de la laïcité et du régime de séparation, formalisé dans la loi de 1905, qui en est l’aboutissement. A vrai dire, ces deux notions ne se recouvrent pas absolument. Le mot laïque n’apparaît que dans les lois scolaires de Jules Ferry de 1880 à 1886, car il incombe à l’école de la République de former le citoyen, dans le respect de la liberté de conscience. Celle-ci a été affirmée par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui pose, dans son article 10, le principe de la libre expression des opinions, « même religieuses », sous réserve de l’ordre public. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen contient en germe la séparation des Eglises et de l’Etat mais il est frappant de voir que la laïcité théorisée, sous la Révolution, par Mirabeau et Condorcet, n’apparait pas dans le texte de la loi de 1905. Il faudra attendre la Constitution de 1946 pour que la France soit constitutionnellement définie comme une « République laïque ». Le régime des cultes en France s’inscrit donc dans « le modèle de la séparation » qui illustre pleinement le concept de la laïcité, tel qu’il a été forgé par le siècle des Lumières et la Révolution française. Il se distingue donc, dans son principe, du modèle « associationniste » ou « conventionnel », où l’Etat, sous des formes variables est resté lié à une religion d’Etat ou simplement à une religion dominante comme en Angleterre, au Danemark, en Grèce ou dans certains pays d’Europe orientale, ou encore en Allemagne, où les religions traditionnelles essentiellement protestante et catholique, bénéficient d’un substantiel « impôt ecclésial » (le « Kirschensteuer » dont le rapport avoisine les 15 milliards d’euros annuels). Carnet de Jean-Pierre Chevènement
L'indépendance du Kurdistan irakien, prévue par le référendum du 25 septembre, marquerait la désintégration définitive de l'Irak, dont la population sunnite (Arabes et Kurdes réunis) n'équilibrerait plus la composante chiite. Les Arabes sunnites perdraient toute confiance dans un rééquilibrage fédéral de l'Irak.
L'indépendance du Kurdistan irakien ouvrirait de surcroît la voie à une déstabilisation générale du Moyen-Orient, à commencer par la Turquie, où la composante kurde de la population avoisine 15 millions de citoyens, sans parler de la Syrie (1 million) et de l'Iran (4 millions). L'autonomie interne oui, l'indépendance non ! Aucun prétendu « droit à un Etat » ne peut justifier un nouveau cycle de guerres au Moyen-Orient. Monsieur Kouchner raisonne en nationaliste kurde. Il a depuis la première guerre du Golfe, le mérite de la continuité. De combien de millions de morts encore faudra-t-il payer le mythe d'un Kurdistan indépendant ? |
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