Entretien de Jean-Pierre Chevènement dans "Paris Match" le 31 octobre 2013. Propos recueillis par Elisabeth Chavelet.


“ Non à la nomination de l'Allemand Schulz”
Paris Match. Quel sens donnez-vous à la commémoration de la guerre de 1914 l’an prochain ?
Jean-Pierre Chevènement. Contrairement à beaucoup, je ne la conjugue pas avec des mots comme “absurdité”, “repentance”, etc. Je n’associe pas Verdun et Auschwitz. Les combattants de Verdun étaient des héros et non pas des victimes. C’est peut-être parce qu’il n’y a pas eu de “Verdun des démocraties” en 1940 qu’un Auschwitz a pu se produire.

La France et l’Allemagne peuvent-elles travailler main dans la main quand l’écart des performances économiques ne cesse de se creuser ?
Non. C’est pourquoi la France doit se réindustrialiser. Mais nos deux pays sont complémentaires. Car la France a des atouts politiques propres comme la francophonie, la dissuasion et une diplomatie mondiale avec un siège permanent au Conseil de sécurité de l’Onu.

Etes-vous pour la survie de l’euro ?
Je suis pour que l’euro se transforme en une monnaie commune. La monnaie unique comporte en effet un vice originel, celui de juxtaposer des économies par trop inégales. Regardez la Grande-Bretagne : elle se porte bien mieux parce qu’elle a conservé la livre. Il serait temps pour les autres Européens de revenir sur cette erreur initiale car ils en crèvent. Particulièrement la France. Du fait de la stagnation économique, les impôts, même augmentés, ne rentrent pas assez pour combler le déficit. Je propose qu’à l’avenir l’euro chapeaute les monnaies nationales reliées à nouveau par des parités négociées.

Etes-vous pour nommer un Allemand à la tête de la Commission européenne ?
L’actuel président José Manuel Barroso a déjà le doigt sur la couture du pantalon pour obéir à Mme Merkel. Nommer à sa place un Allemand, Martin Schulz, fort sympathique au demeurant, ne
serait pas heureux du point de vue du symbole.

Débat entre Jean-Pierre Chevènement et Alain Minc paru dans Le Nouvel Observateur du 24 octobre 2013, propos recueillis par Odile Benyahia-Kouider.


Débat Chevènement-Minc dans Le Nouvel Observateur: "Hégémonique, l'Allemagne ?"
Le Nouvel Observateur : Jean-Pierre Chevènement vous avez une façon très originale de présenter l’histoire du siècle de 1914 à 2014 puisque vous partez de la première mondialisation britannique pour arriver à la mondialisation d’aujourd’hui, qui explique, selon vous, le déclin de l’Europe. Alain Minc vous écrivez une ode à l’Allemagne.
Jean-Pierre Chevènement : La question de l’hégémonie est au cœur des deux mondialisations. On ne peut rien comprendre sans cela à l’éclatement de la Première Guerre mondiale. Les dirigeants du Second Reich ont commis la bévue de déclencher une guerre préventive contre la France et la Russie : en violant la neutralité belge, pour abattre la France en six semaines, les dirigeants du Reich ont, en fait, allumé un conflit mondial, en entraînant dans la guerre l’Empire britannique qui se sentait menacé depuis 1903 puis, trois ans après, les Etats-Unis. Le conflit de 1914-1918 ne se comprend lui-même que comme le début d’une guerre de trente ans (1914-45) : l’entreprise de Hitler, en effet, sera d’abord une surenchère sur la défaite de 1918 Mais on a eu tort de déduire des deux conflits mondiaux le discrédit des nations européennes. Ainsi le peuple allemand lui-même en 1914 n’a pas voulu la guerre. Ses dirigeants l’ont convaincu qu’il menait une guerre défensive contre une menace russe grossièrement exagérée.
Alain Minc : le seul homme d’Etat capable de dompter le « tigre allemand » était Bismarck. Il se méfiait de la capacité impérialiste de l’Allemagne et l’avait enserré dans un système extrêmement sophistiqué, que seule une intelligence d’envergure pouvait contrôler. Quand Bismarck a disparu il y avait une dynamique inhérente à la puissance allemande qui aboutit à la guerre de 1914.

Jean-Pierre Chevènement était l'invité d'Europe 1 Nuit mercredi 23 octobre 2013. Il répondait aux questions de Emmanuel Faux.


Verbatim express :

Retrouver la mémoire du passé
  • Mon livre compare la mondialisation britannique avant la guerre de 1914, et la mondialisation américaine après 1945. J'introduis dans cette analyse la théorie de l'hegemon qui sert à expliquer les causes profondes du déclenchement de la 1ère GM : la rivalité pour l'hégémonie entre l'Empire britannique et la puissance montante, l'Allemagne impériale. De même aujourd'hui entre les USA et la Chine : cette rivalité structure le XXIe siècle.
  • Je donne un sens à la 1ère GM : non pas mort, décadence et repentance, tristesse, absurdité, mais au contraire, une épreuve pour une France dont la survie était menacée.
  • Je replace par ailleurs la guerre de 1914 dans le contexte d'une guerre de 30 ans durant jusqu'en 1945.
  • Il faut avoir cette vision pour renouer avec le récit national et en même temps comprendre que le déclin des nations européennes n'est pas irréversible. Il faut simplement retrouver la mémoire.

Jean-Pierre Chevènement était présent mardi 22 octobre 2013 dans les locaux de Twitter France, pour une séance de questions/réponses libre avec les utilisateurs du réseau social. C'était la première "tweetinterview" du genre en France pour un homme politique.


Entretien de Jean-Pierre Chevènement au quotidien "Le Figaro" du mercredi 23 octobre 2013. Propos recueillis par Charles Jaigu.


"A terme, la monnaie unique n'est pas viable"
LE FIGARO - Vous vous attaquez dans votre livre à l'idée que les nations sont les grandes responsables des deux guerres mondiales. Pourtant vous montrez aussi que c'est l'Allemagne qui déclenche l'incendie...
Jean-Pierre CHEVÈNEMENT - J'ai voulu mener une réflexion sur le déclin des nations européennes à travers les deux mondialisations dont la première, sous égide britannique, débouche sur la Première Guerre mondiale. Ce déclin fait contraste avec le dynamisme conquérant des nations émergentes, or ce discrédit des nations européennes n'est pas mérité. Paradoxalement, c'est un tout petit noyau de dirigeants de la puissance alors montante, l'Allemagne impériale, qui a pris en 1914 l'initiative d'une guerre préventive qui va entraîner successivement l'Empire britannique puis les États-Unis dans le conflit et se retourner contre eux.

Cela ne revient-il pas à dire que le nationalisme - allemand en l'occurrence - est fautif ?
Le peuple allemand n'a pas voulu la guerre : ses dirigeants, influencés par le discours pangermaniste, ont réussi, en 1914, à le persuader qu'il était menacé par la Russie. Les mêmes cercles dirigeants l'ont dressé contre le traité de Versailles parce qu'ils refusaient la défaite de 1918, contribuant ainsi à faire le lit du nazisme dont la cause principale est quand même la crise des années 1930 avec ses millions de chômeurs.

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de "Ca vous regarde - le débat" sur LCP mardi 22 octobre 2013. Il répondait aux questions de Arnaud Ardoin et débattait avec Benoist Apparu, Céline Bracq et Claude Weill.


Verbatim express :

Deux gauches
  • Je crois qu'il serait temps de tourner la page de cette affaire « léonardesque ».
  • Naturellement la gauche porte en son sein des sensibilités contraires sur ces questions.
  • Il y a une gauche républicaine, qui insiste sur l'application ferme de la loi, une gauche républicaine qui ne s'exprime pas souvent mais que représente bien Manuel Valls, que je soutiens.
  • Cela n'empêche pas d'appliquer humainement la loi : lorsque j'étais ministre de l'Intérieur, j'ai régularisé sur critères d'intégration 80 000 étrangers en situation irrégulière et rejeté 60 000 demandes.
  • Il y a une autre sensibilité, qu'on peut qualifier de victimaire-compassionnelle, ou de libérale-libertaire, et après tout il y a des gens qui sont très sensibles aux situations individuelles. D'ailleurs toute situation individuelle mérite considération, peut même être émouvante. Simplement, la loi est générale, et il faut l'appliquer.

le 23 Octobre 2013 à 00:09 | Permalien | Commentaires (0)

Vous pouvez me poser vos questions dès maintenant en utilisant le hashtag #livreJPC.
Je répondrai à vos questions mardi 22 octobre à 17h depuis le siège de Twitter France.


Mots-clés : 1914-2014 twitter

Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 21 Octobre 2013 à 20:29 | Permalien | Commentaires (1)

Intervention de Jean-Pierre Chevènement, dans le cadre du débat sur la loi de programmation militaire au Sénat, le 21 octobre 2013


La France doit rester une grande puissance politique et militaire
Monsieur le Ministre,

I - Je veux d’abord saluer, en mon nom propre et au nom du groupe RDSE, l’effort qui a été le vôtre, tenace, courageux et en définitive couronné de succès, pour obtenir du Président de la République un arbitrage financier couvrant les six années de la Loi de Programmation militaire (2014-2019), à hauteur de 190 milliards d’euros en valeur 2013 – et non pas en valeur courante, rassurez-nous – de ressources totales dont 183,86 milliards de crédits budgétaires. Ce chiffre qui correspond à 1,5 % du PIB est sans doute la limite basse extrême de l’effort de défense nécessaire au maintien d’un outil de défense performant, au-dessus et même très au-dessus des esquisses dessinées par le Ministère de l’Economie et des Finances avant l’arbitrage présidentiel. Sans doute le Ministère de la Défense doit-il contribuer à l’effort de rigueur auquel s’astreint l’Etat en vertu des engagements européens auxquels il a souscrits. Mais la question se pose de savoir si ceux-ci sont à terme compatibles avec le maintien du rang stratégique et militaire de la France.

Nos armées viennent d’apporter encore une fois, au Mali, la démonstration éclatante de leurs capacités. Elles font l’admiration de tous, et particulièrement de ceux qui ont pu rencontrer sur place nos soldats. La France a fait la preuve de sa réactivité politique au plus haut niveau, de l’excellence de son outil militaire et des hommes qui le servent, et enfin de la capacité diplomatique que lui donne en particulier sa qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU.
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