Tribune de Jean-Pierre Chevènement, publiée dans Marianne, jeudi 22 mai 2014.
La crise ukrainienne est, à coup sûr, la plus grave survenue en Europe depuis la fin de la guerre froide et l’implosion de l’Union soviétique. Ralliée aux valeurs occidentales et ayant, sans guerre, dissous son Empire en 1991, la Russie estime, non sans quelques bonnes raisons, n’avoir pas été payée de retour. Les thérapies de choc libérales qui lui furent administrées dans les années 1990 conduisirent à l’effondrement de moitié de son PNB et à une réelle paupérisation de la majorité de ses citoyens. L’OTAN s’étendit bien au-delà des limites connues au moment de la réunification allemande. Quant au problème de la « troisième Europe » comme dit George Nivat, c'est-à-dire des pays européens appartenant à l’ex CEI et, des minorités russes dispersées en son sein, il ne fut tout simplement pas pris en considération. La seule chose qui ait intéressé l’Occident a été le contrôle de l’arsenal nucléaire soviétique, confié par commodité à la Russie. Depuis lors, celle-ci et l’Occident ne se racontent pas la même histoire.
Certes l’Union européenne a bien conclu des « partenariats » assortis de maigres crédits (programme TACIS) avec ses « voisins proches », partenariat dit « stratégique » avec la Russie et « oriental » pour les autres, au premier rang desquels l’Ukraine. Mais celle-ci n’est pas tout à fait un partenaire comme les autres, par sa taille, sa population (45M d’habitants), son histoire et son économie étroitement intriquée à celle de la Russie. C’est ici que la géopolitique s’en mêle : Zbigniew Brezinski, dans un livre de 1998, le « grand échiquier », écrivait sans fard que le seul moyen de s’assurer que la Russie ne puisse plus reconstituer son Empire, était de soustraire définitivement l’Ukraine à son influence. Certes, depuis lors, les Etats-Unis se sont aperçus que l’Empire qui montait à l’horizon n’était pas la Russie, mais la Chine. M Brezinski a donc mis de l’eau dans son vin. Il s’est prononcé récemment, comme M Kissinger d’ailleurs, pour une « finlandisation » de l’Ukraine, entre l’Union européenne et la Russie. Tout le monde à Washington ne partage pas cet avis : M. Mac Cain et le Vice-Président Joe Biden sont venus à Kiev pour soutenir le mouvement de Maïdan. Le gouvernement américain appelle à des sanctions renforcées contre la Russie après l’annexion de la Crimée d’autant plus qu’elles toucheraient essentiellement l’Europe et fort peu par les Etats-Unis. Le courant néo-conservateur demeure puissant aux Etats-Unis et trouve des relais en Europe.
le 23 Mai 2014 à 16:13
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Commentaires (4)
Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat, dans le cadre du débat sur les perspectives de la construction européenne, mardi 20 mai 2014.
Monsieur le Ministre,
Alors que vous venez de prendre vos fonctions, permettez-moi d’effectuer ce bref rappel : Quand le gouvernement, le 19 octobre 2012, a demandé au Parlement de ratifier le traité dit TSCG, « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance », il nous a incités, je cite votre prédécesseur, M. Cazeneuve, à « dépasser le traité pour le contextualiser ». Ce traité pose le principe d’un retour à l’équilibre budgétaire, sous le contrôle de la Commission européenne et selon un calendrier fixé par elle. Il était facile de prévoir, comme je l’ai fait à cette tribune le 20 octobre 2012, en défendant avec mon collègue Pierre-Yves Colombat, une exception d’irrecevabilité, que ce traité « nous [entrainerait] dans une spirale récessionniste dont nous ne [sortirions] que par une crise politique et sociale de grande ampleur ». Nous y sommes : la mise en œuvre de plans d’austérité budgétaire simultanés dans la plupart des pays d’Europe, si elle a permis de contenir leur déficit global à 3 % du PNB, les a plongés dans une stagnation économique de longue durée. Au premier trimestre 2014 la croissance est nulle en France, négative en Italie (- 0,1 %), à Chypre (- 0,7 %), en Grèce (- 1,1 %), au Portugal (- 0,7 %), mais aussi aux Pays-Bas (- 1,4 %) et en Finlande (-0,4 %). Seule l’Allemagne, avec une croissance de 0,8 %, permet à la zone euro d’afficher une croissance globale de 0,2 %. Sur l’ensemble de l’année, la croissance ne dépassera pas 1 %. Cette stagnation plombe l’économie mondiale car partout ailleurs les taux de croissance prévus sont de deux et demi à sept fois supérieurs. En terme de PNB, les pays de la zone euro, en dehors de l’Allemagne, n’ont pas, en 2013, ou ont à peine retrouvé, en ce qui concerne la France, le niveau de 2008. Là est l’origine d’un déclassement que l’opinion perçoit de plus en plus.
Jean-Pierre Chevènement, Sénateur du Territoire de Belfort a reçu ce jour, à son bureau belfortain, M. Steve Bolze, Président de General Electric Power and Water, Madame Clara Gaymard, Présidente General Electric Europe et Vice-présidente GE International, ainsi que M. Ricardo Cordoba, Président GE Energie Europe de l’Ouest et Afrique du Nord et M. François Cavan, directeur du site GE belfortain.
M. Steve Bolze a développé l’idée qu’Alstom avait, sur plusieurs marchés et dans l’avenir, un problème de taille. Alstom et General Electric sont complémentaires en terme de technologies et de marchés. Jean-Pierre Chevènement a posé le problème d’un partenariat dans le capital de l’éventuelle, ou des éventuelles entités qui pourraient être constituées. Il a enfin insisté sur la préservation du nom "Alstom". La localisation du siège européen à Belfort pour toutes les catégories de centrales est évidemment un point important. Mais il n’est pas le seul. L’association au capital est un point décisif car en dernier ressort, qui tient le capital, tient la décision. Il est évident que l’acquisition par Alstom Transports de l’activité signalisation de General Electric peut constituer un atout supplémentaire dans cette association industrielle. L’entretien s’est déroulé dans une atmosphère très cordiale. Jean-Pierre Chevènement est déjà intervenu auprès du Président de la République et du ministre de l’industrie, M. Arnaud Montebourg. Il reverra ces autorités ainsi que le Premier Ministre dans les prochains jours. Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Midi-Libre, dimanche 11 mai 2014. Propos recueillis par Laure Joanin.
Midi-Libre : Pourquoi cette méfiance vis-à-vis des commémorations de 14-18 ?
Jean-Pierre Chevènement : Parce qu’elles menacent d’être sélectives, orientées et de passer à côté du sujet. L’explication de la guerre et le sacrifice des Poilus risquent d’être passés sous silence. Au nom du "Plus jamais ça !" il s’est agi pour les classes dirigeantes de réitérer leur défiance à l’encontre de nations d’où viendrait le mal et de justifier la mise en congé de la démocratie en Europe sous prétexte de sauver cette dernière de ses démons. Or, les Poilus ne sont pas morts pour rien, mais pour que la France continue. On nous dit "Oui, mais la France s’est effondrée en 1940". Mais s’il n’y avait pas eu le grand sacrifice des Poilus, y aurait-il eu de Gaulle, la France Libre, la Résistance ? La France aurait-elle retrouvé sa puissance ? On occulte une lecture de l’histoire de France du XXe siècle et on diabolise les nations, en particulier la nôtre, comme si elles étaient coupables de la guerre. Or la nation, c’est le cadre de la démocratie. Il ne faut pas la confondre avec le nationalisme, une maladie de la nation. En quoi l’Europe serait-elle sortie de l’Histoire ? Il y a un lien entre le déclin démographique, économique, politique de l’Europe et “la guerre de 30 ans” qui éclate en 1914 et finit en 1945. Mais l’Union européenne actuelle et son magma d’impuissances est aussi le fruit de la façon dont on a fait l’Europe sans les nations, voire contre elles, selon la méthode Monnet. C’est d’abord une Europe qui a fait sien les dogmes du néo-libéralisme en privant les Etats de leurs capacités stratégiques. La France n’est plus un Etat stratège, c’est un Etat mendiant qui n’a plus les moyens d’une politique. D’autre part, c’est une Europe qui a abandonné la démocratie. Ses institutions – la Commission, la Cour de Justice, la banque centrale – sont technocratiques et ne rendent compte devant aucune instance élue. Et le Parlement de Strasbourg n’est que la juxtaposition de la représentation de 28 peuples. L’Europe est devenue un système d’évitement de la démocratie et des souverainetés nationales. Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Public Sénat, mercredi 30 avril 2014. Il répondait aux questions de Delphine Girard.
Verbatim express :
Alstom
Jean-Pierre Chevènement était l'invité de BFMTV, mercredi 30 avril 2014. Il répondait aux questions de Olivier Truchot.
Verbatim express :
Entretien de Jean-Pierre Chevènement dans Le Point, jeudi 1er mai 2014. Propos recueillis par Saïd Mahrane.
Le Point : La Grande Guerre trouve, selon vous, ses origines dans la mondialisation...
Jean-Pierre Chevènement : Pour comprendre la guerre de 1914, il faut se référer à la théorie de l'hégémon. Dans les deux mondialisations que je compare dans mon livre (1), la britannique, avant 1914, et l'américaine, après 1945, il y a une puissance hégémonique qui fixe les règles du jeu et les fait respecter. C'est l'Empire britannique, au XIXe siècle, qui a la maîtrise des mers et, après la Seconde Guerre mondiale, ce sont les Etats-Unis, avec leur suprématie économique, leur puissance militaire, leurs réseaux d'alliances... La mondialisation induit toujours une modification de la hiérarchie des puissances. Au XIXe siècle, après 1871, on voit surgir une puissance nouvelle, l'empire d'Allemagne, qui connaît un essor industriel et commercial phénoménal. En trente ans, l'Allemagne triple sa production, l'Angleterre la double et la France l'augmente d'un tiers. L'Allemagne, qui se vit à tort ou à raison comme encerclée par la France et la Russie, déclenche, en 1914, une guerre préventive. Celle-ci, à travers le plan Schlieffen, vise à mettre la France hors de combat en six semaines. La menace d'une hégémonie continentale de l'Allemagne, aussi inacceptable pour la Grande-Bretagne que celle de Napoléon un siècle plus tôt, la conduit à entrer en guerre à son tour avec son empire, entraînant à terme l'intervention des Etats-Unis. Ce mécanisme de l'hégémon est absolument central. Il permet de comprendre que la guerre de 1914 n'est pas d'abord une guerre franco-allemande mais un conflit d'hégémonie entre l'Empire britannique et le IIe Reich allemand qui sera tranché après deux guerres mondiales au bénéfice des Etats-Unis. Cette grille de lecture est également éclairante pour comprendre ce qui se joue aujourd'hui à travers la seconde mondialisation. Qui incarne l'hégémon aujourd'hui ? La domination mondiale, au XXIe siècle, se jouera entre les Etats-Unis et la Chine. On voit d'ailleurs bien la stratégie d'endiguement (containment) mise en place par les Etats-Unis avec un pivotement de la flotte et des moyens militaires américains de l'Atlantique vers le Pacifique et les projets de traités de libre-échange transpacifique et transatlantique, dont le but est d'isoler la Chine. Intervention de Jean-Pierre Chevènement au Sénat dans le cadre du débat sur le programme de stabilité, mardi 29 avril 2014.
Le Premier ministre a demandé au Parlement d’approuver le programme de réforme des trois prochaines années.
Ce programme comporte en fait deux volets distincts. Le premier est constitué par le programme de stabilité 2014-2017. Celui-ci procède directement du traité de stabilité, de coopération, et de gouvernance dit TSCG négocié en mars 2012 par M Sarkozy. Le deuxième volet du programme de réforme reprend les engagements pris le 14 janvier 2014 par le Président de la République qui visent à alléger les charges des entreprises de plus de 30 milliards d’euros. C’est le pacte dit de responsabilité. Une certaine confusion a résulté de la présentation simultanée dans les médias de ces deux documents, alors que le gouvernement n’a semble-t-il engagé sa responsabilité que sur le premier, c'est-à-dire le programme de stabilité. C’est la raison pour laquelle les députés du Mouvement Républicain et Citoyen, qui avaient, au nom de la souveraineté budgétaire du Parlement, voté contre le traité budgétaire européen, dit TSCG, en septembre 2012, n’ont pas cru pouvoir faire autrement que voter contre le programme de stabilité et l’engagement pris par le gouvernement vis-à-vis de la Commission européenne de réduire à 3% le déficit budgétaire dès 2015. Les députés du MRC entendent afficher ainsi la priorité qu’ils donnent à la croissance sur la réduction optique du déficit. Ils n’entendent pas pour autant exprimer une défiance vis-à-vis du gouvernement auquel ils ont d’ailleurs accordé leur confiance, les yeux ouverts, le 12 avril dernier. |
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