Les actes du colloque du 15 décembre 2014 sont en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
Entretien de Jean-Pierre Chevènement pour La Vie, le 3 février 2015. Propos recueillis par Pascale Tournier et Henrik Lindell.
La Vie : Depuis les attentats à Paris, on reparle plus que jamais des valeurs républicaines, du besoin de sécurité et de la cohésion nationale. Aviez-vous raison avant tout le monde ?
Jean-Pierre Chevènement : J'ai toujours mis l'accent, dans les fonctions que j’ai exercées, sur le civisme, la cohésion sociale et nationale qui vont de pair. Les positions que j’ai prises sur l'école, la sécurité, une politique européenne engendrant une croissance continue du chômage, la montée des communautarismes, anticipaient de deux ou trois décennies... Les attentats révèlent-ils un manque de cohésion nationale ? Ces attentats sont le fait de gens qui sont nés et ont été élevés en France, mais qui ne se sentent pas Français. Bien sûr, il y a une résonance entre, d’une part, les plaies de la société française comme le chômage des jeunes et la délinquance, et, d'autre part, les conflits du Proche et Moyen-Orient. Mais cela n’excuse rien. Quand on voit le parcours d'Amedy Coulibaly, on découvre qu'il avait un BEP maintenance de l'audiovisuel, qu'il travaillait et qu'il avait un salaire de plus de 2000 euros par mois. Il ne faisait pas partie des jeunes les plus déshérités, loin de là. Il y a donc une dimension idéologique prépondérante. Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Figaro, le 31 janvier 2015. Propos recueillis par Vincent Tremolet de Villiers et Anne-Laure Debaecker.
LE FIGARO : Que vous inspirent les résultats des élections en Grèce ?
Jean-Pierre CHEVÈNEMENT : C'est un problème européen et ce n'est qu'accessoirement un problème grec : une telle secousse politique aurait pu se produire en Espagne, au Portugal ou ailleurs. Un pays qui perd 25 % de son PIB en cinq ans et dont 50 % des jeunes sont au chômage est forcément amené à réagir. Syriza n'est pas un parti, c'est un rassemblement dirigé par des universitaires dont l'esprit est celui du mouvement Attac. Leur victoire traduit un sentiment de dignité blessée dans le peuple grec. La question qui se pose maintenant est de savoir qui va payer. Qui ? La dette grecque, qui est détenue pour l'essentiel par les États européens, soit directement, soit indirectement à travers le Fonds européen de stabilité financière (FSF) et le Mécanisme européen de stabilité (MES), s'élève à un peu plus de 220 milliards d'euros. Les créanciers sont les contribuables, d'abord de l'Allemagne pour 73 milliards, de la France pour 55, de l'Italie pour 48 et de l'Espagne, pour 33 milliards. Toute remise de dette à la Grèce va provoquer des réclamations de la part d'autres pays : Espagne, Italie, Portugal... Que faire ? La voie la plus raisonnable serait celle qui nous acheminerait vers une monnaie commune européenne. Sortir de la monnaie unique ? Le fonctionnement de la monnaie unique entraîne une polarisation de la richesse à une extrémité, l'Europe du Nord, et du sous-développement à une autre, l'Europe du Sud. En l'absence de transferts massifs, inenvisageables compte tenu de leur ampleur (environ 10 % du PIB annuel pour les pays, les plus riches de façon à ce qu'une véritable péréquation puisse s'établir) la monnaie unique est non viable. On peut acheter du temps, c'est ce que fait M. Draghi, mais arrivera un jour où certains pays, notamment l'Allemagne, ne voudront plus payer. C'est également le cas de la France, qui ne dit rien parce qu'elle est aveuglée par l'idéologie. Mais les Allemands sont autrement vétilleux dès lors qu'il s'agit de leur portefeuille. Par conséquent, la bonne solution serait de faire un euro-drachme. Et, pour rétablir la compétitivité des pays en difficulté, de recréer des subdivisions nationales : euro-lire, euro-peseta, etc., pour faire l'économie de dévaluations internes excessivement douloureuses qui ancrent l'Europe dans une stagnation de longue durée. Une monnaie, c'est fait pour un pays. Entretien de Jean-Pierre Chevènement accordé à "La Voix du Nord", samedi 31 janvier 2015. Propos recueillis par Olivier Berger.
Terrorisme VS République
« Ces actes barbares étaient malheureusement prévisibles, à l’intersection des plaies de notre société et des conflits aux Proche et Moyen-Orient. De toute évidence, une frange de jeunes ne se sent pas du tout intégrée. Ils sont « français de papier » comme ils disent. Se pose le problème de la politique d’intégration, de l’emploi, de l’école mais plus profondément, de la France elle-même. Un pays qui ne s’aime pas peine inévitablement à intégrer de nouveaux citoyens. Il faut revoir profondément le rôle de l’École, restaurer un récit national honnête mais valorisant. Il y a du pain sur la planche mais la France n’est pas le pays aveuli que décrit avec talent le dernier roman de Michel Houellebecq (Soumission). La France n’est pas encore soumise, comme l’a montré le sursaut de dignité et de fraternité du 11 janvier. Au bord du gouffre, elle comprend que c’est dans la République qu’elle peut trouver l’issue. » libération de Kobané en Syrie « Il faudra un retournement des populations arabes de Syrie et d’Irak pour venir à bout de Daech. Une coalition étrangère ne pourra gagner seule en comptant sur les Kurdes et des bombes guidées par laser. Nous payons l’énorme bêtise américaine de l’invasion de l’Irak. Enfin, la Turquie, l’Iran, la Syrie n’accepteront jamais la création d’un État kurde indépendant. La liste des erreurs commises dans cette région serait trop longue… » victoire de Syriza en Grèce « Ce succès est une réaction de dignité d’un peuple poussé à bout. Il marque le rejet de la droite classique et surtout du parti socialiste, le PASOK. Le succès de Syriza pose aussi le problème de la monnaie unique. L’erreur serait d’en faire un problème grec alors qu’il est européen. Car qui va payer en définitive ? Si on réduit de moitié sa dette, l’Allemagne devra sortir pas loin de 40 milliards d’euros et la France pas loin de 30… Entretien de Jean-Pierre Chevènement pour "Le Berry républicain", samedi 31 janvier 2015. Propos recueillis par Franck Simon.
Le Berry républicain : est-ce que la construction européenne a fonctionné ?
Jean-Pierre Chevènement : L’Europe, selon moi, ne peut pas se construire en substitution des nations. Par une coopération certainement et éventuellement par des compétences gérées en commun mais à condition qu’elles soient démocratiquement contrôlées. Car la nation reste le cadre de la démocratie. Il faut donc que l’Europe corresponde à ce que souhaitent les peuples. Si l’on prend le cas de la monnaie unique, on a juxtaposé des pays qui sont d’un niveau très différent. Or, en l’absence de transferts massifs, que les Allemands refusent de toute façon, vers les pays les plus pauvres, le fonctionnement de la monnaie unique a pour conséquence de polariser les richesses et les excédents commerciaux dans les pays du Nord, notamment l’Allemagne, tandis que les autres pays se trouvent plongés, par la politique européenne résultant des traités, dans la récession et le chômage. L’Europe manque donc de solidarité ? Effectivement. La monnaie unique comporte un vice initial, l’usage d’une même monnaie par des pays très différents et le jeu normal des marchés aboutissant à ce que les pays qui ont des avantages comparatifs importants deviennent toujours plus riches tandis que les autres sont condamnés à la paupérisation. Comment dès lors y remédier ? Mme Merkel a suggéré des dévaluations internes pour que les pays périphériques reconquièrent leur compétitivité. Mais cela implique de diminuer les salaires et les prestations sociales dans des proportions inacceptables. La récession creuse les déficits. On aboutit à l’inverse des résultats recherchés. Agenda et médiasJean-Pierre Chevènement était l'invité de Canal Plus, jeudi 29 janvier 2015. Il répondait aux questions de Emilie Besse.
Verbatim :
Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Radio Classique, jeudi 22 janvier 2015. Il répondait aux questions de Patrick Poivre d'Arvor.
Pour accéder à l'interview de Jean-Pierre Chevènement, cliquez-ici
Verbatim express : A propos des valeurs républicaines enseignées à l'école
Tribune de Jean-Pierre Chevènement, parue dans Marianne le 22 janvier 2015.
Le peuple français s’est mis debout, le 11 janvier 2015, pour dire son attachement à la République. D’abord à un mode de vie fondé sur la liberté et particulièrement celle de s’exprimer, bref à une civilisation. Il a refusé le chantage à la peur que prétend exercer sur lui un terrorisme d’un autre âge. Mais ce sursaut républicain devra s’inscrire dans la longue durée. En effet, nous n’éradiquerons pas facilement ce terrorisme là, qui se développe à l’intersection des plaies de notre société et des conflits qui frappent le monde musulman (1200 millions d’hommes et de femmes). Il faudra des années, voire des décennies, pour y parvenir.
La raison en est simple : Pour venir à bout du terrorisme, il faut le couper de sa base potentielle. Aucune action policière, si efficace qu’ait été celle qui a été conduite et si nécessaire soit-elle dans les temps à venir, ne peut se substituer à cet axe stratégique fondamental. Les pays européens ont connu des mouvements terroristes dans les années 1970-1980 (Fraction armée rouge, Brigades rouges, Action directe). Ces mouvements ont échoué parce que les masses ouvrières dont ils se réclamaient ne se reconnaissaient nullement dans leurs méthodes et dans leurs objectifs. |
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