Tribune de Jean-Pierre Chevènement parue dans l'Hémicyle, vendredi 23 octobre 2015.


Syrie : "l'humanisme consiste à abréger un conflit plutôt qu'à le prolonger"
Le terrorisme djihadiste est un défi qu’on ne relèvera que dans la longue durée. Il faudra assécher le terreau où cette idéologie mortifère plonge ses racines, en particulier les conflits du monde arabo-musulman qui ont leurs causes endogènes mais que les États-Unis ou nous-mêmes avons souvent contribué à allumer, que ce soit en Irak ou en Libye, ou entretenus, comme c’est le cas en Syrie, pays désormais dévasté par la guerre. Afin de rendre possible l’éradication de Daech, à la fois en Syrie et en Irak et dans les délais les plus courts, la France doit hiérarchiser ses priorités, et retrouver un rôle de médiateur et facilitateur dans les relations internationales, sans mélanger droit-de-l’hommisme et politique.

Daech est une menace pour les pays musulmans d’abord mais aussi pour les autres, la Russie comme l’Occident. C’est un défi commun. Avant de former une coalition, il faut définir l’objectif politique. La France n’a rien à gagner à la fragmentation du Moyen-Orient. Elle doit s’efforcer de restaurer ou préserver l’intégrité territoriale et l’unité des États concernés en les rendant vivables pour leurs habitants : un Irak fédéral donnant une place aux sunnites de l’Ouest, une Turquie qui devrait trouver une solution durable et pacifique à la question kurde à l’intérieur de ses frontières, une Syrie, enfin, dont le régime devrait à long terme se démocratiser et s’ouvrir.

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Public Sénat, lundi 12 octobre 2015. Il répondait aux questions de Sonia Mabrouk, et débattait avec Thomas Gomart et Xavier Nogueras.


  • On vise des terroristes. La France a fait l'objet d'attentats, elle est en situation de légitime défense. Maintenant, est-ce que c'est la réponse appropriée au terrorisme, c'est une autre question.
  • Les terroristes ne se définissent pas par leur passeport. Il n'y a pas des terroristes qui seraient de nationalité française et d'autres qui seraient syriens, turcs... Les terroristes sont les terroristes. Si on a pu identifier un camp d'entraînement, il est légitime de le frapper.
  • Je pense que nous n'avons pas d'éléments au sol ayant des informations suffisamment précises pour nous dire qui est de nationalité française et qui ne l'est pas.

Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 14 Octobre 2015 à 18:40 | Permalien | Commentaires (13)

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Kto, La Croix, RCF et Radio Notre-Dame, jeudi 7 octobre 2015. Il répondait aux questions de Frédéric Mounier, Corinne Laurent, Alain Baron, Romain Mazenot.


Sur le face à face François Hollande – Marine le Pen au Parlement européen
  • Je n'approuve pas la manière dont Marine le Pen a interpellé le Président de la République
[au Parlement européen]. Je pense que le Président de la République a été élu pour cinq ans, il est le Président de tous les Français, et on ne peut pas chercher à le déconsidérer en l'appelant « monsieur le vice-chancelier » en charge de la « province France », même s'il y aurait beaucoup à dire le déséquilibre qui s'est créé au fil des décennies entre la France et l'Allemagne, et sur la manière dont les choix allemands sont élaborés.
  • Pour revenir à votre question – souveraineté/souverainisme : je n'emploie pas le mot souverainisme, parce que pour moi, le mot République se suffit à lui-même. La démocratie et la souveraineté nationale sont, je cite le général de Gaulle, comme l'avers et l'envers d'une même médaille. S'il n'y a pas de souveraineté populaire, il ne peut pas y avoir de démocratie.

Les actes du colloque du 29 juin 2015 sont en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.


Actes du colloque de la Fondation Res Publica : "Le Moyen-Orient dans la politique étrangère des puissances"
  • Accueil de Jean-Pierre Chevènement, Président de la Fondation Res Publica.
  • Introduction de Loïc Hennekinne, ambassadeur de France, membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica
  • Conclusion de Jean-Pierre Chevènement, Président de la Fondation Res Publica

Tribune de Jean-Pierre Chevènement parue dans l'Obs du 8 octobre 2015.


"Raccourcir la guerre en la gagnant"
De deux choses l’une : ou bien une coalition des grandes puissances se met en place pour réduire Daech, ou bien chaque parrain soutenant son féal, on s’achemine vers une fragmentation générale de la Syrie, de l’Irak et du Moyen-Orient.

Ce serait s’installer dans une guerre interminable entre sunnites et chiites, et plus précisément entre l’Iran et l’Arabie saoudite, dont Daech et le terrorisme djihadiste seraient en définitive les seuls grands bénéficiaires. La France n’a rien à gagner à cette fragmentation. Elle doit s’efforcer de restaurer ou maintenir l’intégrité territoriale des Etats concernés (y compris la Turquie) en rendant ces Etats viables pour leurs populations : un Irak fédéral faisant place aux sunnites de l’Ouest, une Syrie dont le régime à la fin devrait s’ouvrir et se démocratiser, une Turquie, enfin, qui devrait résoudre son problème kurde à l’intérieur de ses frontières.

On ne combat pas efficacement le terrorisme par des moyens militaires seulement, mais à partir de vues politiques justes. Oublie-t-on que c’est l’emploi de moyens militaires en Irak en 1991 et 2003, en dehors de toute vision politique d’ensemble, qui a ouvert la voie à Al- Qaida d’abord puis à Daech ? Derrière le terrorisme djihadiste, il y a un immense ressentiment historique qu’on ne peut combattre qu’en ouvrant aux peuples du monde arabo-musulman un avenir de progrès. Faute de cette vision politique, nous irons vers le chaos.

Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Figaro, samedi 3 octobre 2015. Propos recueillis par Vincent Tremolet de Villers.


"L'élimination d'Assad ouvrirait les portes de Damas à Daech"
LE FIGARO : Malgré les tensions entre Barack Obama et Vladimir Poutine, l'idée d'une coalition internationale contre l'État islamique progresse…
Jean-Pierre CHEVÈNEMENT : Cette coalition, c'est une évidence, est nécessaire, même si elle rencontre des difficultés. Tous les pays sont concernés, à commencer par les pays musulmans, qui paient le plus lourd tribut à Daech. Qu'est-ce que Daech? Ce n'est pas, comme on l'entend souvent, un phénomène né en Syrie. C'est en Irak qu'al-Baghdadi a commencé par proclamer son califat, dans les régions occidentales dont la population sunnite s'est sentie rejetée par la politique sectaire du gouvernement al-Maliki. C'est ensuite que le soi-disant État islamique s'est étendu en Syrie, en profitant du vide politique créé par la guerre civile. Avant de former une coalition, il faut définir l'objectif politique ; celui-ci ne saurait être que le rétablissement des États dans leurs frontières historiques fixées il y a près d'un siècle, mais en rendant ces États vivables pour leurs populations.

À Téhéran, où je suis allé il y a une semaine, j'ai plaidé pour un Irak fédéral auprès des responsables iraniens que j'ai rencontrés - notamment M. Velayati (ministre des Affaires étrangères d'Iran de 1981 à 1997 et conseiller du Guide, M. Ali Khamenei, pour les questions internationales, NDLR). On ne pourra venir à bout de Daech que si on le sépare des populations. En Syrie, il faut d'abord rétablir la paix, et ensuite donner la parole au peuple syrien. Vouloir imposer un ordre inverse n'a pas de sens. La coalition dont on parle doit être aussi large que possible. Les grandes puissances d'abord - États-Unis et Russie au premier chef -, les puissances régionales ensuite - Iran, Turquie, pays arabes, et bien entendu les gouvernements irakien et syrien, quoi qu'on en pense.

Dans un premier temps, il faudra créer un état-major commun, permettant le partage du renseignement, la coordination des frappes aériennes, et j'ajoute enfin et surtout le contrôle des frontières. Il faut soumettre le soi-disant État islamique à un rigoureux blocus. Deux problèmes se posent: celui de la Turquie, qui est plus préoccupée par le PKK que par l'EI, et celui de la force arabe, qui doit impliquer à la fois l'Arabie saoudite et l'Égypte. Dans ce Moyen-Orient compliqué, gardons-nous des idées simples. On créera le mouvement en marchant.

Entretien de Jean-Pierre Chevènement accordé au journal Paris Normandie, lundi 28 septembre 2015. Propos recueillis par Baptiste Laureau et Thierry Rabiller.


"En Syrie, il faut avoir une vision"
Paris Normandie : Vous avez été en charge de la sécurité de notre pays. Aujourd’hui, selon vous, est-on en sécurité ? Comment la France peut-elle lutter contre le terrorisme ?
Jean-Pierre Chevènement
: Nous sommes en présence d’un défi qu’on ne relèvera que dans la longue durée. Car derrière le terrorisme jihadiste qui s’est manifesté dans notre pays, il y a les conflits du monde arabo-musulman que les États-Unis ou nous-mêmes avons souvent allumés (Irak, Libye) ou entretenus (Syrie) et l’immense ressentiment qui s’exprime à tort ou à raison contre l’Occident. Et puis bien sûr, les tensions qui existent dans notre pays qui intègre de moins en moins bien et d’abord parce qu’il ne s’aime plus lui-même. Combattre le terrorisme exige d’abord une vision et demande ensuite un sang-froid partagé chez les dirigeants mais aussi chez les citoyens. Les attaques contre les mosquées, dépôts de têtes de cochons par exemple, ne sont pas seulement odieuses, elles sont criminelles. Elles font bien évidemment le jeu de Daesch qui n’aspire à rien tant qu’à une guerre de civilisations, lui-même rassemblant les musulmans sous sa bannière fanatique contre un Occident qui serait assez bête pour tomber dans le piège en répondant par un esprit de croisade contre l’Islam. Il y a donc un immense travail à faire. Les ratés de l’intégration ne traduisent pas l’échec de la République mais au contraire l’insuffisance de République, en matière d’École, d’emploi, de promotion sociale et bien sûr de civisme.

Contre Daesch, la guerre totale n’est-elle pas la seule solution ? Peut-on obliger un État à faire la paix lorsqu’il ne recherche que l’affrontement ?
Quant aux conflits dans le monde arabo-musulman, il faudrait d’abord penser à les éteindre. Ils sont la source de ces flux de réfugiés malheureux dont la vocation me paraît être de pouvoir retourner dans leur pays quand ceux-ci auront été pacifiés et qu’il faudra les reconstruire. Voilà la seule perspective humaine que je n’entends guère développer sur les ondes. N’oublions jamais que le terrorisme a fait 1 000 fois plus de victimes chez les musulmans qu’en Europe ou aux Etats-Unis.

Dépêche AFP, jeudi 24 septembre 2015, 11h58.


[AFP] Arabie/exécution : la France "devrait s'exprimer de manière plus forte"
L'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement a estimé jeudi à propos de la menace d'exécution qui pèse sur le jeune chiite Ali al-Nimr que la voix de la France "devrait s'exprimer de manière plus forte", confiant "un certain malaise" à avoir l'Arabie saoudite comme alliée.

"Je pense qu'elle devrait s'exprimer de manière plus forte, il faut qu'elle soit efficace, car il y a évidemment un certain malaise que je ressens à avoir comme allié privilégié dans la région l'Arabie saoudite qui en sera à sa 133e décapitation depuis le début de l'année", a déclaré M. Chevènement sur France Inter.

L'Arabie saoudite "joue un rôle dans le monde entier pour propager une version ultra rigoriste de l'islam qui est le terreau d'un certain terrorisme. Donc il y a un peu de cohérence à mettre dans notre politique", a-t-il poursuivi.

"Il n'y a pas de politique qui se fasse en dehors des réalités", a néanmoins ajouté M. Chevènement. "L'Arabie saoudite est une puissance considérable (...) il faut en tenir compte. Il faut que nous ayons un dialogue plus resserré avec les Saoudiens dans leur intérêt même et que nous arrivions à résoudre les conflits de la région".

François Hollande a demandé à l'Arabie saoudite, mercredi à Bruxelles, "de renoncer à l'exécution" du jeune chiite Ali al-Nimr, "au nom de ce principe essentiel que la peine de mort doit être abolie et que les exécutions doivent être empêchées".
Mots-clés : arabie saoudite

le 24 Septembre 2015 à 12:27 | Permalien | Commentaires (0)
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