- Le 11 novembre, c'est la commémoration de tous ceux qui sont tombés pour la France, au cours des deux guerres mondiales mais aussi à l'occasion d'autres conflits. Disons aussi que bien entendu le 11 novembre, c'est la fin de la Première Guerre mondiale, où la France avait été l'âme de la coalition, où elle a supporté le plus de pertes par habitant. La victoire de 1918 interrompait un long cycle de défaites (Trafalgar, Waterloo, Sedan) mais elle est néanmoins très fragile. La France est seule, isolée. Les États-Unis ne garantissent pas la paix de Versailles. Il n'y a plus d'alliances. Par conséquent, tout repose sur l'armée française, et cette dernière va s'orienter sur des doctrines désuètes. Nous nous enterrons dans la ligne Maginot. En même temps, tout se trouble, parce que les idéologies qui surgissent au lendemain de la Première Guerre mondiale, le communisme, le fascisme, le nazisme, vont déchirer l'Europe, ce sera une véritable guerre civile européenne. L'effondrement de 1940 ne peut être compris que comme un effondrement à la fois politique et militaire. En gros, nos généraux pensaient qu'il y avait une guerre à faire, celle contre l'URSS, et par conséquent, ils étaient pour la capitulation.
- Nous sommes dans une Europe à 28 qui n'a pas de défense – elle s'en est remise aux États-Unis – et nous sommes dans le sillage des États-Unis. Nous le voyons au Moyen-Orient et nous le voyons aussi, d'une certaine manière, sur l'Ukraine.
- La crise des migrants résulte de conflits qui ont déstabilisé le Moyen-Orient : Afghanistan, Irak, Syrie. Le fait que l'Europe ait perdue l'hégémonie après la Seconde Guerre mondiale – c'est les États-Unis qui tiennent le manche – fait que nous ne sommes pas responsables de ces conflits, mais néanmoins les migrants viennent dans les pays voisins d'abord, et ensuite ils viennent chez nous. Ils ne viennent pas aux États-Unis, ni en Arabie Saoudite. C'est cela qui pourrait interroger. Par conséquent l'Europe n'a pas de défense, pas vraiment de politique extérieure.
- La fermeture provisoire des frontières à l'occasion de la COP 21 est prévue par les accords de Schengen eux-mêmes. Maintenant les accords de Schengen, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Pierre Joxe, disait que c'était une erreur. Cela n'arrange pas nos affaires.
- Il y a d'une part les réfugiés politiques et d'autre part les migrants économiques. Distinguons les choses. Par rapport aux migrants économiques, la seule réponse c'est le co-développement, mais c'est infiniment difficile. Il faut prendre la mesure de ce problème pour y apporter des solutions. Je pense en particulier au Sahel dont la population va tripler dans les trente ans qui viennent. Si nous ne faisons pas des choses pour aider le Sahel à se développer, et aussi à faire lui-même sa propre police, à créer ses propres armées, nous irons vers une catastrophe. Je le dis avec quinze ou vingt d'ans d'avance, mais... j'ai l'habitude d'anticiper !
- Il y a le régime syrien, et puis il y a Daesh, et entre les deux, il y a bien un ordre de priorité. Il y a aussi Al Nosra, c'est à dire Al Qaeda. Est-ce que Al Qaeda vaut mieux que Daesh ? Il me semble que dans un premier temps, il faut assurer la défaite de Daesh, et puis ensuite trouver des solutions politiques. Les choses ont été amorcées, y compris par la diplomatie russe. C'est la seule voix praticable.
- Si les choses cheminent bien, on devrait arriver à une levée des sanctions contre la Russie. Pour nous, la menace n'est pas à l'Est. Disons-le : la menace est au Sud. C'est par là que la maison brûle. Ne nous trompons pas d'orientation. Et nous avons les mêmes adversaires que la Russie.
- Je m'inquiète de voir la multiplication de nos engagements militaires ponctuels alors que nous sommes à l'os du point de vue des moyens dont nous disposons.
- Il faut lutter d'abord contre le terrorisme par des moyens politiques. Ce sont les musulmans qui se débarrasseront de Daesh, beaucoup plus que des forces étrangères. Donc il faut trouver dans les populations musulmanes les appuis nécessaire pour se débarrasser de cette monstruosité.
- Soyons réaliste : l'armée française risque de devenir une armée d'échantillon. Par rapport au moment où j'étais ministre de la Défense, l'effectif a diminué de moitié. Ce n'est plus tout à fait la même armée. Elle est technologiquement beaucoup plus en pointe. Ces hommes sont valeureux. Mais il faut les engager à bon escient.
- Ce n'est pas sur l'armée française que peut reposer la sécurité de l'Afrique. C'est essentiellement sur les Africains eux-mêmes.
- C'est un travail de soi-sur-soi que doivent faire à la fois la gauche et la droite, qui se sont beaucoup trompées, qui ont commis les mêmes erreurs, par exemple l'abandon de la souveraineté monétaire de la France a été une très grave erreur. On en voit les conséquences aujourd'hui.
- Je pense qu'il faut revenir à une vision confédérale de l'Europe, et il faut qu'il y ait des hommes d'Etat, dignes de son nom, et qui essaye de soulever l'Europe.