Entretien de Jean-Pierre Chevènement à Causeur, propos recueillis par Daoud Boughezala, Elisabeth Lévy et Gil Mihaely, janvier 2016.
Causeur : Dans cette « France d’après » - attentats et régionales - vous dénoncez les politiques qui ont échoué pendant trente ans. Or, après les avoir accablés et renvoyés presque dos à dos, vous les appelez à former « un gouvernement de salut Public »…
Jean-Pierre Chevènement : Je les appelle à changer et à rompre avec les erreurs anciennes qui nous ont conduits là où nous en sommes. Ces erreurs qui remontent aux années 1980 ont une matrice commune : la perte de confiance en la France et dans l’Etat-nation comme cadre de souveraineté, de responsabilité, de démocratie et de citoyenneté. L’arrimage du franc au mark porte en lui le renoncement à la souveraineté monétaire. Ensuite vient le grand acte de dérégulation néolibérale : l’Acte unique permettant la libération totale des mouvements de capitaux sans aucune harmonisation préalable de la fiscalité de l’épargne. Corrélativement, il y a l’abandon de l’Etat stratège : la Commission européenne devient l’Autorité Européenne de la Concurrence et absorbe les politiques industrielles. Avec Schengen (1985), nous avons reporté le contrôle de nos frontières sur des pays périphériques comme la Grèce qui ne sont pas outillés pour les protéger. Enfin, l’abandon de notre politique étrangère indépendante a abouti à la réintégration dans l’OTAN et à notre alignement sur les Etats-Unis, notamment au Moyen Orient. Mais toutes ces « erreurs » n’ont pas seulement été faites d’en haut. L’ouverture, c’était aussi une aspiration des peuples, légitime si on songe que beaucoup de sociétés étaient bloquées. Longtemps ces décisions dérégulatrices ont joui de l’assentiment de la majorité écrasante de la classe politique… et du peuple ! Je n’ai pas parlé de politique « illégitime » mais d’une politique de facilité correspondant au triomphe du néo-libéralisme et à l’explosion de l’idéologie libérale-libertaire – entamés en France depuis mai 68. Les hommes politiques ont suivi cette idéologie au lieu de précéder. N’ayant pas correctement anticipé l’évolution des choses, ils nous ont mis à la remorque d’une Europe totalement opaque, antidémocratique, technocratique et frappée d’aboulie. Quand on voit le projet de traité transatlantique, on se demande s’il y a un pilote dans l’avion !
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le 1 Février 2016 à 07:00
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Intervention de Jean-Pierre Chevènement lors des obsèques d’Edmonde Charles-Roux, Cathédrale de Marseille, samedi 23 janvier 2016.
Edmonde s’est éteinte mais la lumière qui brillait dans son regard, joyeuse, étincelante d’intelligence, ne nous quittera pas. Ce prénom – Edmonde – assez rare, ses parents le lui avaient donné en hommage à l’ami et voisin de sa grand-mère un autre fils de Marseille, le poète Edmond Rostand. Elle était ainsi prédestinée : non seulement à l’écriture mais bien plus encore, à être elle-même une héroïne de scène ou de roman. Dans Edmonde, il y avait du Cyrano : une audace de bretteur et surtout le panache !
J’ai connu Edmonde par Gaston Defferre auquel me liait depuis le Congrès d’Epinay une solide amitié. C’était l’époque où ils se sont mariés et je ne puis m’empêcher d’essuyer une larme en me remémorant ici même, dans cette cathédrale de la Major, les obsèques de Gaston, en 1987. Gaston, qu’Edmonde a consacré dans un beau livre L’Homme de Marseille, cette ville qu’elle et lui avaient passionnément aimée … Car Marseille jouait un grand rôle dans la vie d’Edmonde et réciproquement Edmonde jouait un grand rôle à Marseille. Je revois ici même le chapeau de Gaston : un Adieu plein de ferveur et d’émotion. Maintenant, c’est à toi Edmonde qu’il faut dire adieu, à la femme exemplaire, libre et engagée, que tu as été tout au long de la vie.
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Jean-Pierre Chevènement était l'invité du Grand Journal sur Canal+, jeudi 28 janvier 2016.Entretien à L'Est républicain, Propos recueillis Philippe Piot, jeudi 28 janvier 2016.
L'Est républicain ; En 1985, ministre de l’Education nationale, vous avez fixé l’objectif d’amener 80 % d’une classe d’âge « au niveau du bac ». Ce slogan a souvent été compris comme « 80 % de bacheliers ». Quelle différence faites-vous entre les deux formules?
Jean-Pierre Chevènement : J’ai en effet fixé, en 1984, lors de la Conférence de presse de rentrée, un objectif ambitieux au système éducatif : porter de moins de 40 % à l’époque à 80 % la proportion des jeunes poursuivant leurs études jusqu’au niveau du baccalauréat, c’est-à-dire la terminale (niveau IV) comme en Allemagne, aux Etats-Unis, au Japon ou en Suède. Cet objectif, qui a été atteint en France à la fin des années 1990, n’a pas toujours été bien compris. J’avais dit très explicitement « jusqu’au niveau du bac » et beaucoup de commentateurs trop pressés ont traduit « au bac ». Telle n’était pas mon intention. J’ai toujours considéré que l’école de la République devait concilier à la fois la quantité et la qualité. Je n’aurais jamais donné des consignes de laxisme comme certains de mes successeurs en demandant d’abaisser à 9 la moyenne requise pour obtenir le baccalauréat. Le but n’était pas de « faire du chiffre », mais de démocratiser l’accès au baccalauréat selon le principe de « l’élitisme républicain » : permettre à chacun d’aller au bout de ses capacités. Jean-Pierre Chevènement était l'invité de LCI, mardi 26 janvier 2016. Il répondait aux questions de Audrey Crespo-Mara.Agenda et médiasJean-Pierre Chevènement était l'invité de l'émission Salut les terriens, samedi 23 janvier 2016 sur Canal Plus.
Edmonde Charles-Roux était une grande dame. Engagée dès 1939 comme infirmière dans l’armée française, elle reprend du service en 1944 aux côtés du Général De Lattre de Tassigny. La Légion étrangère avait reconnu ses mérites en la faisant caporal d’honneur.
Elle s’est très tôt affirmée comme une figure majeure dans la Culture, dans la littérature de notre pays. Oublier Palerme lui avait valu le prix Goncourt et son œuvre lui a ouvert toute grandes les portes de l’académie Goncourt, qu’elle présidait encore il y a peu. Mais Edmonde était aussi une grande figure de la vie politique. Edmonde avait de fortes convictions qui l’ancraient dans la meilleure tradition de la gauche : la liberté de l’esprit alliée à la générosité du cœur. Compagne de Gaston Deferre, qu’elle aimait et qu’elle admirait, et qui le lui rendait bien, elle a été l’inspiratrice d’une politique qui visait au rassemblement de toute la gauche. C’était aussi une patriote intransigeante. Je n’oublie pas le soutien qu’elle m’a apporté en maintes occasions ni sa venue à Belfort où nous avions inauguré ensemble la rue Gaston Deferre en centre-ville. Son influence en matière de politique culturelle n’a pas besoin d’être soulignée à Marseille et ailleurs. Elle a été une héroïne aux multiples talents, courageuse, curieuse de tout, à nulle autre pareille. Je suis fier d’avoir été son ami.
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Agenda et médiasEntretien de Jean-Pierre Chevènement à Atlantico, dimanche 17 janvier 2016.
Atlantico : La loi sur la déchéance de nationalité occupe le débat depuis les attentats de novembre alors que pour la majorité des intervenants, celle-ci serait inefficace. Pourquoi, selon vous, s'attache-t-on ainsi à des symboles ?
Jean-Pierre Chevènement : La France depuis les attentats de 2015 est entrée dans une période nouvelle de son histoire. Il est malheureusement prévisible que ces attentats se reproduisent. Ils vont mettre la France à rude épreuve. Notre pays, jusqu'à présent, a réagi avec sang-froid et dignité. Il a montré beaucoup de résilience. Nos concitoyens, dans l'épreuve, se sont regroupés autour de la France, de la République et de leurs symboles et nous avons évité jusqu'à présent le piège de l'escalade qui est naturellement le calcul de Daesh. Celui-ci veut susciter des affrontements qui pourraient conduire à une guerre civile en France, eu égard au contexte politique tendu que nous allons connaître. Je renvoie à Gilles Kepel selon qui le Syrien Abou Moussab Al Souri a identifié l'Europe et la France comme le maillon faible du monde occidental. Le maillon faible n'a pas craqué jusqu'à présent. La tâche du Président de la République et du Premier Ministre est évidement très difficile. Leur prompte réaction a été salutaire. S'agissant de la révision constitutionnelle, j'ai lu que le Président de la République envisageait d'y faire entrer la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature et le statut du parquet. Cela m'inquiète plutôt. La révision se justifie pour définir la place et les conditions du recours à l'état d'urgence. L'état d'urgence n'est pas une situation qui est faite pour durer. Cette révision constitue donc une garantie apportée à la liberté. |
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