Entretien de Jean-Pierre Chevènement à La Dépêche, mercredi 23 mars 2011.
La Dépêche: Êtes-vous convaincu par l'intervention militaire en Libye ?
Jean-Pierre Chevènement: Cette intervention, réalisée sur la base de la « responsabilité de protéger » définie par l'ONU en 2005, se déroule sous les auspices du Conseil de sécurité. Elle était nécessaire pour empêcher le déchaînement de la répression contre le peuple libyen à Benghazi, mais elle ne règle pas tout le problème. La résolution 1973 fixe un objectif limité et n'autorise que des moyens aériens. Nous risquons d'être confrontés à une partition de fait, au moins temporaire, entre la Cyrénaïque à l'Est et d'autre part la Tripolitaine à l'ouest et le Fezzan au sud. On peut se demander si Kadhafi survivra à la défaite qu'il est en train de subir à travers la neutralisation de son aviation et de ses armes lourdes. Il serait préférable, qu'après le cessez-le-feu décidé par le Conseil de sécurité, les pays de la Ligue arabe et ceux de l'Union africaine prennent en charge la réunion des conditions qui permettront au peuple libyen de s'autodéterminer. Ce n'est pas à l'Occident d'imposer ses solutions. Que pensez-vous de la polémique sur le front républicain pour le deuxième tour des cantonales ? Le PS pratique le désistement républicain mais pas le secrétaire général de l'UMP, Monsieur Copé. Je le regrette car Mme Le Pen n'a pas changé de nature. Elle a changé de discours, de look mais sur le fond, le FN est toujours porteur d'une idéologie démagogique qui fait de l'immigration la source de tous les maux. Certes, l'immigration pose des problèmes, mais il faut les résoudre par la voie de l'intégration et non de l'excommunication. À l'UMP, il y a des sensibilités différentes, M. Fillon vient de faire entendre une voix républicaine. Mais à sa tête, certains font passer en priorité la reconquête d'un électorat qui s'est porté ou est tenté de se porter sur le FN. C'est dangereux car c'est une dérive de toute la vie politique française qui s'ensuivrait. Le FN se développe sur la base d'une crise sociale qui dure depuis trente ans et dont la responsabilité incombe aussi bien à la politique néolibérale de la droite ou d'un PS qui s'est détourné des couches populaires.
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Rédigé par Chevenement.fr le 23 Mars 2011 à 08:01
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Dépêche AFP, mardi 22 mars 2011, 19h18.
Le sénateur et ancien ministre Jean-Pierre Chevènement a appelé mardi lors du débat sur l'opération militaire en Libye à "respecter" les "limites" posées par la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'Onu autorisant cette opération.
"La résolution 1973, oui, mais rien que la résolution 1973 !" a lancé le sénateur du groupe RDSE (à majorité PRG). La résolution "pose des limites qu'il convient d'autant plus de respecter que cinq pays du Conseil de sécurité et pas des moindres se sont abstenus; la Chine, la Russie, l'Inde, le Brésil et l'Allemagne notre partenaire privilégié en Europe", a-t-il souligné. "Je ne doute pas", a-t-il lancé au Premier ministre, que "votre gouvernement ait le souci de faire prévaloir une interprétation stricte de la résolution 1973". "C'est au peuple libyen et non à une intervention extérieure et encore moins à une intervention de l'OTAN sur le modèle afghan qu'il revient de reconquérir la démocratie", a-t-il exhorté. "Laissons, s'il le faut, aux peuples arabes le soin d'abréger son pouvoir (du colonel Kadhafi, ndlr). Evitons tout ce qui pourrait donner l'impression que nous voulons imposer à la Libye nos choix politique", a martelé l'ancien ministre de François Mitterrand. "Ce n'est pas seulement l'intérêt de la démocratie dans le monde arabe et celui, bien compris, à long terme, de Libye, c'est aussi l'intérêt de la France", a-t-il conclu. Intervention de Jean-Pierre Chevènement sur la Libye au Sénat, mardi 22 mars 2011.
Monsieur le Premier ministre, Messieurs les Ministres, M. le Président de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues,
La décision était difficile. Ce qui était en cause n’était pas un risque imaginaire, comme en Irak en 2003. C’était un risque bien réel : celui de voir un gouvernement s’affirmant lui-même « sans pitié », utiliser tous les moyens de terreur pour faire taire une opposition, comme on l’a vu dans maintes villes libyennes reprises aux insurgés et comme on le voit encore à Misrata où les violences ont fait 40 morts et 300 blessés. Et cela à un moment particulier, où les aspirations à la démocratie et à la dignité se manifestent avec force dans différents peuples arabes, à commencer par le peuple tunisien, si proche de nous, et par le peuple égyptien, cœur vivant du monde arabe. Depuis 2005, l’ONU reconnaît à son Conseil de Sécurité la « responsabilité de protéger » un peuple sur lequel ses dirigeants commettraient un « crime contre l’humanité ». C’est cette décision qui a été prise par le vote de la résolution 1973, adoptée le 17 mars dernier par le CSNU et qui est mis en œuvre, par la France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et plusieurs autres pays volontaires y compris arabes. Il est important que cette intervention n’apparaisse pas comme celle de l’Occident et encore moins comme celle de l’OTAN. On disputait il y a une quinzaine de jours dans les gazettes si la politique de la France devait être faite par les diplomates ou par les politiques. On a cru l’affaire tranchée, il y a huit jours, quand un philosophe autoproclamé annonça sur le perron de l’Elysée que la France reprenait à son compte le fameux « droit d’ingérence » et rompait avec la règle selon laquelle elle reconnaît des Etats et non des gouvernements. Le Ministre d’Etat a heureusement recadré l’expression du gouvernement sans toutefois parvenir à dissiper totalement un léger parfum d’aventurisme.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a voté hier soir une résolution visant à protéger les populations civiles libyennes. Cette responsabilité de protéger définie par l'ONU en 2005 ne se confond nullement avec un droit d'ingérence ouvert à la France, à la Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et aux pays volontaires.
Il faut souhaiter que la résolution du Conseil de sécurité soit interprétée strictement. Les frappes doivent être réservées à des cibles militaires. Il faut donc éviter tout dommage collatéral sur les civils. La France serait bien inspirée d'agir en contact étroit avec les pays arabes, notamment l'Egypte et les pays du Maghreb.
Certains commentateurs feraient bien de s’aviser que c’est toujours l’incapacité de la gauche et de la droite à offrir une alternative véritable à la poursuite de la « seule politique possible », qui prend aujourd’hui la forme du « pacte de compétitivité » imposé par Mme Merkel à l’Europe, qui nourrit la vague lepéniste. Ce qu’il faut faire comprendre aux électeurs c’est qu’en votant Le Pen ils votent pour une impasse.
Que faire donc ? Faire surgir une alternative, pendant qu’il en est encore temps. Comment ? c’est ce que nous allons essayer de faire dans les prochains mois.
Au Japon, ce qui paraissait totalement improbable est devenu réalité. Les constructeurs de centrales nucléaires avaient pris en compte la sismicité de l’archipel : les centrales se sont automatiquement arrêtées au moment du tremblement de terre. Ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’est la vague du tsunami – jusqu’à dix-sept mètres de hauteur – qui a noyé les installations dédiées au refroidissement et les groupes électrogènes de secours.
Avant d’ouvrir un débat dont très peu maîtrisent aujourd’hui les données sur la « sortie du nucléaire » et de céder à l’idéologie technophobe, saluons l’héroïsme des employés de Tepco qui dans les salles de contrôle prennent tous les risques pour le Japon afin de reprendre la maîtrise des réacteurs de Fukushima. Il y a une grandeur émouvante dans la façon dont le peuple japonais fait face.
L’évolution de la situation en Libye met en valeur l’improvisation "bernard henri-léviesque" à laquelle le Président de la République s’est laissé aller en reconnaissant non pas un Etat mais un gouvernement, chose radicalement nouvelle dans la tradition diplomatique française. Il eût été prudent de s’assurer que le « transfert de légitimité » ainsi opéré correspondait bien à une inversion du rapport de forces sur le terrain que seule pouvait garantir une intervention extérieure potentielle (zone d’exclusion aérienne) dont les conditions n’ont jamais été réunies.
Le Président de la République repoussait, à juste titre, l’idée d’une intervention de l’OTAN mais c’était au bénéfice d’une intervention franco-britannique : il était sans doute bien jeune au moment du « coup de Suez », mais il semble avoir oublié que celui-ci n’a pas laissé que de bons souvenirs dans la région… La communauté internationale ne peut agir qu’avec le soutien des pays arabes et notamment de l’Egypte pour contenir la violence exercée par le régime du Colonel Khadafi à l’égard de son peuple. On peut regretter l’irrésolution de la communauté internationale mais c’est toujours une erreur de mettre les orientations de notre diplomatie sous l’Empire de la Communication. Agenda et médiasPoursuite du programme de colloques de la Fondation Res Publica lundi 14 mars 2011 à 18h à la Maison de la Chimie (28, rue Saint Dominique 75007 Paris). En voici le programme ci-dessous.
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