Entretien croisé de Jean-Pierre Chevènement et Malika Sorel, Le Figaro, propos recueillis par Alexandre Devecchio, samedi 17 décembre 2016.
Le Figaro: Jean-Pierre Chevènement, votre dernier livre s'intitule Un défi de civilisation. N'y a-t-il pas davantage lieu de croire à un choc des civilisations?
Jean-Pierre Chevènement: L'idée d'un choc des civilisations a été développée par l'essayiste américain Samuel Huntington en 1994. Celui-ci ne souhaite nullement ce choc mais il en perçoit le risque dans l'univers de la globalisation marqué par l'effondrement des grandes idéologies. Sa définition des différents «blocs de civilisation» (occidental, orthodoxe, confucéen, etc.) est contestable. Même la «civilisation musulmane» est loin d'être homogène: il y a une mosaïque de l'islam traversée par plusieurs courants et différentes écoles. L'échec de la Nahda (la Réforme) n'est pas définitif. L'humanité reste composée de nations et la nation, à mes yeux, reste encore un concept plus opératoire que celui de «bloc de civilisation». Cela dit, l'hypothèse de Huntington, qui apparaissait lointaine en 1994, s'est considérablement rapprochée depuis. L'idée de choc des civilisations a été portée aux États-Unis par les intellectuels néoconservateurs qui, dès la fin des années 1990, ont théorisé l'idée d'un «nouveau siècle américain» fondée sur l'exportation de la démocratie par la force des armes. Ce courant serait resté complètement marginal sans les attentats du 11 Septembre et la réponse totalement inappropriée qu'y a apportée George Bush Jr. Celui-ci a envahi l'Irak, a détruit son État et créé les conditions de l'émergence de Daech. De l'autre côté, le fondamentalisme religieux s'est affirmé. 1979 est l'année charnière. En Iran avec Khomeyni, en Arabie saoudite avec l'occupation des Lieux saints par des extrémistes wahhabites, et en Afghanistan avec l'invasion soviétique et l'organisation d'un premier djihad armant les moudjahidins afghans. De là naîtra après la guerre du Golfe la nébuleuse al-Qaida. De part et d'autre, des groupes très minoritaires, au départ, ont ainsi entraîné le Moyen-Orient dans un chaos sans fin. Pour moi, le défi de civilisation n'oppose pas le monde musulman et le monde occidental. Il interpelle et traverse aussi bien l'Occident que l'Orient. Il faut rappeler que les Irakiens, les Afghans ou les Algériens ont payé le plus lourd tribut au terrorisme djihadiste. Il faut offrir un horizon de progrès à des peuples qui ont perdu leurs repères, qui ont l'impression d'aller dans le mur. C'est vrai aussi du peuple français. Il faut ouvrir des voies de réussite et d'élévation économique, sociale, morale, spirituelle. Tel est le défi de notre époque.
le 17 Décembre 2016 à 11:17
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Commentaires (1)
Principaux éléments de l’exposé de M. Jean-Pierre Chevènement, Président de la Fondation pour l’Islam de France, Instance de Consultation, 12 décembre 2016.
Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Ministre, la réunion de cette Instance de dialogue est l’occasion de faire un point d’étape sur le processus que vous avez lancé. En effet, vous avez voulu cette fondation de l’Islam de France, Monsieur le Premier ministre.
Le décret du 5 décembre 2016 portant reconnaissance d’utilité publique de la Fondation a paru au JO du 6 décembre. Il approuve ses statuts : - but et moyens - Administration et fonctionnement - Attributions des organes - Dotation et ressources de la FIF : La dotation de garantie est ainsi composée : - 948 716 € de la FOIF - 276 000 € ADP - 276 000 € SNCF - 110 000 € SNI (CDC), trois entreprises que je remercie 1 610 716 € 2. Cette fondation reconnue d’utilité publique est une institution laïque. Son objet n’est pas religieux mais profane, essentiellement éducatif, culturel et social 3. Elle est donc la première pièce d’un dispositif plus vaste. Elle implique la création parallèle par des musulmans français d’une Association cultuelle qui prendra en charge les aspects religieux : - construction de mosquées - formation religieuse et rémunération des imams a) Mosquées : une carte doit être établie en relation avec le CFCM pour les besoins qui subsistent pour l’adjonction de bâtiments culturels (bibliothèques par exemple). b) Imans : formation profane – FIF – DU – Instituts d’islamologie Formation religieuse Statuts : un chantier à ouvrir (CFCM)
Mots-clés :
fondation de l'islam de france
Je n’entends pas prendre position dans les primaires organisées par le parti socialiste auquel je n’appartiens plus depuis 1993.
Arnaud Montebourg a toujours tenu des positions méritoires et continues sur la nécessité d’une politique industrielle fondée sur le patriotisme économique. De même a-t-il constamment pointé les vices de conception de l’actuelle construction européenne. Manuel Valls quant à lui a pris la mesure des problèmes de sécurité que le pays va devoir affronter. Son sens de l’autorité de l’Etat est indéniable. Les orientations portées par ces deux candidats sont à mes yeux plus complémentaires qu’opposées. La France, qui seule compte, est placée devant deux défis : - relever l’idée républicaine dans sa cohérence et dans son exigence ; - se plier en tous domaines à un devoir de vérité et accomplir un effort de rigueur qui, pour être accepté, devra être équitablement partagé. Sur ces deux sujets, le pays mérite un débat approfondi et sans démagogie. A ce stade, j’entends avant tout préserver ma liberté de jugement et d’expression afin de faire valoir ces exigences et ainsi servir le pays.
La désignation de Bernard Cazeneuve comme Premier ministre répond pleinement à l’intérêt supérieur de l’Etat.
Bernard Cazeneuve est un homme solide, un patriote républicain aux convictions laïques affirmées. Sa nomination permettra le maintien de l’autorité de l’Etat dans la période difficile qui vient. Le successeur de Bernard Cazeneuve à Beauvau, Bruno Le Roux, connaît bien les problèmes de sécurité. C’est un homme d’expérience qui saura « tenir la boutique ». Deux bonnes décisions.
François Hollande a su trouver une issue digne à une situation qui ne l’était pas
Entretien de Jean-Pierre Chevènement au magazine L'Arche, novembre 2016.
L’Arche : Quand vous parlez de « défi de civilisation », et puisqu’aussi bien vous rappelez que la société occidentale est la seule à avoir la capacité de se remettre en question, est-ce à dire qu’on assiste à un clash de civilisation ?
Jean-Pierre Chevènement : Le clash de civilisation est une hypothèse formulée pour la première fois par Samuel Huntington en 1994. Il ne faut pas se tromper sur la pensée de Huntington. Il ne souhaite pas le clash de civilisation, il dit qu’il est possible. À l’époque, son livre a suscité des polémiques pas toujours justifiées. Bien entendu, on peut critiquer la manière dont il définit les civilisations. Je ne suis pas sûr par exemple qu’on puisse opposer une civilisation occidentale et une civilisation orthodoxe. Je préfère, quant à moi, ne pas utiliser ce concept. Je préfère considérer que la nation constitue la brique de base de la vie internationale. Par exemple, dans le monde arabe, l’Algérie n’est pas le Maroc, chacun le sait. Ce n’est pas non plus l’Arabie saoudite. L’Egypte est encore quelque chose de différent. Et il me semble que c’est également vrai des pays dits occidentaux. La France n’est pas un pays anglo-saxon, c’est un pays qui a son histoire propre, et culturellement sans véritable équivalent dans le monde anglo-saxon. Certes, nous partageons les valeurs de la démocratie, mais nous avons une culture républicaine où la valeur d’égalité tient une place éminente. Cela vient de notre histoire, et en particulier de notre révolution à laquelle je consacre quelques pages de ce livre, dans le chapitre consacré au patriotisme républicain. Donc, l’idée d’une guerre de civilisations, je vois bien qui elle arrange, elle arrange Daesh d’abord. Les salafistes djihadistes organisent des attentats parce qu’ils veulent nous précipiter vers une guerre civile, dresser les citoyens français, et d’une manière générale les Occidentaux, contre l’ensemble des musulmans qui finiraient par reconnaître l’idée du califat islamique. Jean-Pierre Chevènement était le Grand témoin de Radio Notre Dame, jeudi 17 novembre 2016.Agenda et médiasJean-Pierre Chevènement était l'invité de Zemmour et Naulleau sur Paris Première, mercredi 16 novembre 2016. |
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