(L'intervention de Jean-Pierre Chevènement commence à 73min et 25 secondes et finit à 81min et 30 secondes)
L’industrie automobile connait la plus grave crise de son Histoire.
Le marché des voitures particulières en France a marqué une baisse de 13% en février avec notamment PSA, qui chute violemment, de 20%. Ma région, la Franche-Comté où bat le cœur industriel de Peugeot, à Sochaux mais aussi dans toute l’aire urbaine de Belfort-Montbéliard, est particulièrement touchée. Les contrats à durée déterminée ne sont plus renouvelés. Les intérimaires se retrouvent au chômage. L’usine de Sochaux a connu un chômage technique prolongé. Les équipementiers tournent au ralenti. Certains sont en liquidation judiciaire, comme Rencast à Delle, filiale du groupe de fonderie italien Zen, ou attendent une reprise problématique comme Sonas à Beaucourt, Wagon à Fontaine, Key-Plastic à Voujeaucourt.
En résulte une immense inquiétude. La remontée du chômage témoigne de difficultés sociales grandissantes.
Les Etats, contrairement à la Commission européenne, ont réagi en général avec vigueur mais sera ce suffisant ? Je pense d’abord au plan américain de relance du secteur automobile. En France, le 9 février, le Président de la République a annoncé l’octroi d’un prêt de 6 milliards d’euros à un taux de 6 % sur une durée de cinq ans aux deux constructeurs automobiles PSA Peugeot et Renault afin de leur permettre de financer des projets stratégiques en France et de soutenir à juste titre, à travers notamment les pôles de compétitivité, des programmes de véhicules propres. L’offre de véhicules doit anticiper sur la nécessité de voitures plus économiques et de moteurs électriques. En contrepartie de ces aides, qui, pour l’essentiel répondent à l’urgence, les constructeurs auraient dû prendre un engagement sur l’emploi et sur la pérennité des sites d’assemblage en France.
L’industrie automobile connait la plus grave crise de son Histoire.
Le marché des voitures particulières en France a marqué une baisse de 13% en février avec notamment PSA, qui chute violemment, de 20%. Ma région, la Franche-Comté où bat le cœur industriel de Peugeot, à Sochaux mais aussi dans toute l’aire urbaine de Belfort-Montbéliard, est particulièrement touchée. Les contrats à durée déterminée ne sont plus renouvelés. Les intérimaires se retrouvent au chômage. L’usine de Sochaux a connu un chômage technique prolongé. Les équipementiers tournent au ralenti. Certains sont en liquidation judiciaire, comme Rencast à Delle, filiale du groupe de fonderie italien Zen, ou attendent une reprise problématique comme Sonas à Beaucourt, Wagon à Fontaine, Key-Plastic à Voujeaucourt.
En résulte une immense inquiétude. La remontée du chômage témoigne de difficultés sociales grandissantes.
Les Etats, contrairement à la Commission européenne, ont réagi en général avec vigueur mais sera ce suffisant ? Je pense d’abord au plan américain de relance du secteur automobile. En France, le 9 février, le Président de la République a annoncé l’octroi d’un prêt de 6 milliards d’euros à un taux de 6 % sur une durée de cinq ans aux deux constructeurs automobiles PSA Peugeot et Renault afin de leur permettre de financer des projets stratégiques en France et de soutenir à juste titre, à travers notamment les pôles de compétitivité, des programmes de véhicules propres. L’offre de véhicules doit anticiper sur la nécessité de voitures plus économiques et de moteurs électriques. En contrepartie de ces aides, qui, pour l’essentiel répondent à l’urgence, les constructeurs auraient dû prendre un engagement sur l’emploi et sur la pérennité des sites d’assemblage en France.
Ces aides considérables ne peuvent en effet être accordées sans contreparties précises, notamment en ce qui concerne le maintien de l’emploi des salariés. Un fonds d’aide aux équipementiers en difficulté a été mis en place à hauteur de 600 millions d’euros dont 200 ont été fournis par l’Etat, à travers le Fonds Stratégique d’investissement. C’est une bonne initiative mais peut être insuffisante. Il est absolument nécessaire d’assurer la reprise au moins provisoire de ces entreprises menacées et de leurs savoir-faire à travers une holding semi-publique où les constructeurs auront évidemment leur part. Des équipementiers aujourd’hui en déshérence comme Sonas, Wagon, Rencast ne doivent pas disparaître. Bien entendu il y a d’autres sites à pérenniser : je pense à Continental à Clairoix ou des marques comme Heuliez en Poitou Charentes, où de nouveaux modèles pourvus de moteurs hybrides ou électriques devraient arriver sur le marché en 2010. Cette reprise provisoire permettrait d’attendre le moment où, les ventes ne baissant plus, les entreprises disposant d’un stock trop faible devront produire davantage.
Nous prenons aujourd’hui la mesure de l’immense erreur, commise il y a plus de dix ans, quand la France a accepté la perspective de la délocalisation de son industrie automobile à travers une mondialisation sans règle vis-à-vis de pays dont les coûts salariaux sont dix fois inférieurs aux nôtres, ou à travers un élargissement non réellement négocié de l’Union européenne aux pays d’Europe Centrale et Orientale.
En délocalisant leur production et leurs sous-traitants, les constructeurs ont créé eux-mêmes les conditions du naufrage actuel. Le Président de la République s’étonnait à Vesoul, le 15 janvier dernier, de ce que notre industrie automobile qui était, il y a peu encore, le premier poste excédentaire dans notre balance commerciale, fût devenue déficitaire. Sa réaction spontanée témoignait en fait de la cécité collective de nos dirigeants politiques pendant les années quatre-vingt dix.
J’ai posé le 27 novembre dernier à Madame Lagarde une question relative à la protection de notre industrie automobile. Madame Lagarde m’a répondu en alléguant le communiqué du G20 rejetant tout « protectionnisme », ce pelé, ce galeux d’où viendrait tout le mal. La seule évocation de ce mot tabou est un moyen de clore par avance toute discussion. Mais n’est-il pas évident, comme l’avait démontré il y a longtemps Maurice Allais, qu’entre des pays ayant des conditions salariales et sociales complètement hétérogènes, il n’y a pas de concurrence bénéfique possible ?
Renault, confronté à un sursaut de la demande de voitures Clio II, vient de décider de créer temporairement 400 emplois à Flins, son usine de Slovénie tournant déjà à plein régime. Aussitôt cris d’orfraie à Bruxelles !
Suite aux déclarations du Président de la République, la commissaire européenne en charge de la concurrence, Madame Neelie Kroes, avait déjà mis en garde le gouvernement français face à « un risque de retour au protectionnisme ». Elle avait ajouté que contraindre des entreprises à investir ou acheter seulement en France n’était pas compatible avec le droit européen.
Le gouvernement a dû convaincre, lors du sommet européen du 1er mars dernier, les différents dirigeants européens, notamment allemands, que le plan français n’était pas en contradiction avec les règles de l’UE. Finalement, la France s’est engagée devant la Commission à ne plus mentionner de conditions quant aux prêts octroyés aux constructeurs automobiles. Force est de constater que le gouvernement tient un discours différent selon qu’il se trouve à Paris ou à Bruxelles !
La véritable dictature de la pensée libérale qui s’est instaurée est devenue intolérable. Les institutions de Bruxelles défendent un libre échangisme dévoyé, alors que croulent des pans entiers de notre industrie. Ils s’exposent, eux, et ceux qui reprennent leur discours, à la juste colère de notre peuple. Osons briser les tabous et parler vrai : la logique industrielle libre-échangiste, en l'absence d’une raisonnable protection, conduit à la disparition potentielle de tous les sites de production français. Toute la production française en effet peut être réalisée dans des pays à très bas coût salarial, faute de protection de notre marché.
Distinguons donc entre les pays de l’Europe Centrale et Orientale dont la plupart ont été admis, en 1999, à faire partie, en 2004, de l’Union européenne et les pays à très bas coût situés hors de l’Union européenne.
1. Pour les pays extra-européens, une taxe anti-dumping social et une écotaxe pour égaliser les conditions de concurrence devraient être maintenant à l’ordre du jour des sommets européens et mondiaux. Face à l’hypocrisie générale, le courage devrait conduire la France à défendre au G20 la thèse non pas d’un protectionnisme aveugle mais d’une protection raisonnable et négociée permettant une concurrence équitable entre les différentes régions du monde, en tenant compte des différences de coûts salariaux mais aussi – j’y insiste – de la nécessité du développement des pays émergents, à condition que leur croissance soit fondée non pas seulement sur les exportations mais aussi sur le développement de leur marché intérieur, comme semble s’y résoudre, heureusement, la Chine, en lançant un plan de relance de 450 milliards d’euros. Il y a un équilibre à trouver entre une relance coordonnée à l’échelle mondiale et une protection raisonnable permettant une concurrence équitable. Ce n’est pas conforme à l’orthodoxie libre-échangiste mais c’est le bon sens et cela se négocie !
2. S’agissant des pays membres de l’Union européenne, les grandes marques automobiles pourraient être associées à un contingentement de la production par pays en fonction des flux enregistrés depuis 1999. L’Europe ne peut pas être l’autel sur lequel la France sacrifierait son industrie automobile. Un tel accord ne peut bien sûr se faire que dans le cadre d’un plan d’ensemble d’aide aux PECOs dont la situation économique et financière est particulièrement difficile.
Mais il faut que le gouvernement français affirme une claire volonté : l’industrie automobile française ne doit pas disparaître. Elle ne doit pas être considérée comme la variable d’ajustement des difficultés des PECOs ! Il est temps de remettre en cause des postulats libre-échangistes et des dogmes d’une autre époque ! N’immolons pas notre industrie automobile sur l’autel d’un libre-échangisme dévoyé !
Nous prenons aujourd’hui la mesure de l’immense erreur, commise il y a plus de dix ans, quand la France a accepté la perspective de la délocalisation de son industrie automobile à travers une mondialisation sans règle vis-à-vis de pays dont les coûts salariaux sont dix fois inférieurs aux nôtres, ou à travers un élargissement non réellement négocié de l’Union européenne aux pays d’Europe Centrale et Orientale.
En délocalisant leur production et leurs sous-traitants, les constructeurs ont créé eux-mêmes les conditions du naufrage actuel. Le Président de la République s’étonnait à Vesoul, le 15 janvier dernier, de ce que notre industrie automobile qui était, il y a peu encore, le premier poste excédentaire dans notre balance commerciale, fût devenue déficitaire. Sa réaction spontanée témoignait en fait de la cécité collective de nos dirigeants politiques pendant les années quatre-vingt dix.
J’ai posé le 27 novembre dernier à Madame Lagarde une question relative à la protection de notre industrie automobile. Madame Lagarde m’a répondu en alléguant le communiqué du G20 rejetant tout « protectionnisme », ce pelé, ce galeux d’où viendrait tout le mal. La seule évocation de ce mot tabou est un moyen de clore par avance toute discussion. Mais n’est-il pas évident, comme l’avait démontré il y a longtemps Maurice Allais, qu’entre des pays ayant des conditions salariales et sociales complètement hétérogènes, il n’y a pas de concurrence bénéfique possible ?
Renault, confronté à un sursaut de la demande de voitures Clio II, vient de décider de créer temporairement 400 emplois à Flins, son usine de Slovénie tournant déjà à plein régime. Aussitôt cris d’orfraie à Bruxelles !
Suite aux déclarations du Président de la République, la commissaire européenne en charge de la concurrence, Madame Neelie Kroes, avait déjà mis en garde le gouvernement français face à « un risque de retour au protectionnisme ». Elle avait ajouté que contraindre des entreprises à investir ou acheter seulement en France n’était pas compatible avec le droit européen.
Le gouvernement a dû convaincre, lors du sommet européen du 1er mars dernier, les différents dirigeants européens, notamment allemands, que le plan français n’était pas en contradiction avec les règles de l’UE. Finalement, la France s’est engagée devant la Commission à ne plus mentionner de conditions quant aux prêts octroyés aux constructeurs automobiles. Force est de constater que le gouvernement tient un discours différent selon qu’il se trouve à Paris ou à Bruxelles !
La véritable dictature de la pensée libérale qui s’est instaurée est devenue intolérable. Les institutions de Bruxelles défendent un libre échangisme dévoyé, alors que croulent des pans entiers de notre industrie. Ils s’exposent, eux, et ceux qui reprennent leur discours, à la juste colère de notre peuple. Osons briser les tabous et parler vrai : la logique industrielle libre-échangiste, en l'absence d’une raisonnable protection, conduit à la disparition potentielle de tous les sites de production français. Toute la production française en effet peut être réalisée dans des pays à très bas coût salarial, faute de protection de notre marché.
Distinguons donc entre les pays de l’Europe Centrale et Orientale dont la plupart ont été admis, en 1999, à faire partie, en 2004, de l’Union européenne et les pays à très bas coût situés hors de l’Union européenne.
1. Pour les pays extra-européens, une taxe anti-dumping social et une écotaxe pour égaliser les conditions de concurrence devraient être maintenant à l’ordre du jour des sommets européens et mondiaux. Face à l’hypocrisie générale, le courage devrait conduire la France à défendre au G20 la thèse non pas d’un protectionnisme aveugle mais d’une protection raisonnable et négociée permettant une concurrence équitable entre les différentes régions du monde, en tenant compte des différences de coûts salariaux mais aussi – j’y insiste – de la nécessité du développement des pays émergents, à condition que leur croissance soit fondée non pas seulement sur les exportations mais aussi sur le développement de leur marché intérieur, comme semble s’y résoudre, heureusement, la Chine, en lançant un plan de relance de 450 milliards d’euros. Il y a un équilibre à trouver entre une relance coordonnée à l’échelle mondiale et une protection raisonnable permettant une concurrence équitable. Ce n’est pas conforme à l’orthodoxie libre-échangiste mais c’est le bon sens et cela se négocie !
2. S’agissant des pays membres de l’Union européenne, les grandes marques automobiles pourraient être associées à un contingentement de la production par pays en fonction des flux enregistrés depuis 1999. L’Europe ne peut pas être l’autel sur lequel la France sacrifierait son industrie automobile. Un tel accord ne peut bien sûr se faire que dans le cadre d’un plan d’ensemble d’aide aux PECOs dont la situation économique et financière est particulièrement difficile.
Mais il faut que le gouvernement français affirme une claire volonté : l’industrie automobile française ne doit pas disparaître. Elle ne doit pas être considérée comme la variable d’ajustement des difficultés des PECOs ! Il est temps de remettre en cause des postulats libre-échangistes et des dogmes d’une autre époque ! N’immolons pas notre industrie automobile sur l’autel d’un libre-échangisme dévoyé !