Le Monde : Comment justifiez-vous votre ralliement à Ségolène Royal, partisane de la Constitution européenne, alors que vous en étiez un de ses plus farouches détracteurs ?
Jean-Pierre Chevènement : Vous oubliez un événement très important : le peuple français a rejeté le projet de Constitution européenne, le 29 mai 2005 et Ségolène Royal entend respecter le verdict populaire en dépassant, en dynamique, le clivage du oui et du non. L’accord politique passé entre le MRC et le PS est à cet égard pleinement satisfaisant. Il affirme la priorité d’un redressement économique et social de la construction européenne et il écarte l’idée d’une nouvelle Constitution. Ségolène Royal a dit clairement que la Constitution était caduque et qu’il fallait « faire l’Europe par la preuve ». Elle a souligné à Porto, devant les socialistes européens, la nécessité de réformer les statuts de la BCE pour y inscrire le soutien à la croissance et à l’emploi.
Mais comment voyez-vous l’Europe repartir sous présidence allemande ?
Je souhaiterais qu’Angela Merkel ne se borne pas à prendre des contacts confidentiels mais qu’elle mette directement les peuples dans la confidence. La chancelière allemande, qui a rappelé qu’elle appartenait à la même famille politique que Nicolas Sarkozy, voudrait que la politique monétaire échappe à la politique. Selon elle, il suffirait de flexibiliser le marché du travail, de contenir la pression salariale et d’allonger la durée du travail pour pouvoir faire face à la mondialisation. Cette position ne tient pas compte de la position exprimée par le peuple français. On peut renégocier le texte des traités européens. Chaque gouvernement doit définir publiquement sa position. Mme Merkel a fixé ses deux principaux objectifs : la modification des règles de vote au Conseil et la taille de la Commission, bref la prise en compte de la démographie qui bien sûr avantage l’Allemagne. C’est normal. La France, quant à elle, souhaite une réorientation économique et sociale de la construction européenne, un gouvernement économique de la zone euro, la réforme des statuts de la Banque centrale, la lutte contre l’euro cher.