Carnet de Jean-Pierre Chevènement

Un as du barreau : derrière la paille des mots, le grain des choses


Que M. Sarkozy soit un talentueux démagogue ne devrait surprendre personne. Il en fait tous les jours la démonstration. Il a prévenu son camp : « je vais m’adresser à l’autre, à l’électorat de gauche. Ne prenez donc pas à la lettre ce que je réserve à ces gogos ».


  • Il défend en paroles la valeur du travail, mais la logique du capitalisme financier dont il est le candidat impose à nos entreprises rentabilisation à outrance, restructurations, délocalisations, licenciements, compression salariale, précarisation du travail.
  • Il propose aux Français de gagner plus en travaillant plus, mais que vaut ce slogan quand manque l’offre de travail ? Il se garde bien de mettre en cause la logique déflationniste des politiques européennes et pas davantage la concurrence faussée des pays à très bas salaires.
  • Il défend « les petits patrimoines, fruit du travail », mais propose un « bouclier fiscal » destiné à exonérer les très grandes fortunes et ceux dont le taux d’imposition sur leur revenu dépasse 50 %.
  • Il se veut le parangon de la République, mais, hier, il proposait à la Corse un statut dérogatoire qui aurait livré l’île aux mafieux, statut dont nos concitoyens de Corse, attachés à l’égalité de tous devant la loi, n’ont pas voulu. Il flatte tour à tour toutes les communautés, exacerbant ainsi les communautarismes. Dans un livre récent sur les religions, il proposait de revoir la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, sous prétexte que les œuvres religieuses pouvaient calmer le jeu dans les quartiers aussi bien que les clubs de foot subventionnés.
  • Il se réclame de la Résistance et du gaullisme, mais il s’excusait hier à Washington de « l’arrogance de la France » refusant au Conseil de Sécurité de s’associer à l’invasion de l’Irak.
  • Il qualifie aujourd’hui celle-ci de « faute », quand M. Lellouche révélait hier qu’il était le seul ministre à s’en être déclaré partisan.
  • Il prétend faire la synthèse de l’Ancien Régime et de la Révolution : Curieuse conception de la République qui se définit, au plan philosophique et juridique, comme une rupture radicale avec l’ordre des privilèges garantis par le droit divin !

    M. Sarkozy, avocat de profession, peut défendre toutes les causes avec talent. Nos concitoyens sauront distinguer derrière la paille des mots le grain des choses : Ils renverront cet as du barreau à ce qu’il sait le mieux faire.


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Lundi 22 Janvier 2007 à 19:08 | Lu 8584 fois



1.Posté par Alain FELER le 22/01/2007 21:59
De fait, on peut bien dire de Nicolas Sarkozy :
>
et cela se sent fréquemment, heureusement.

2.Posté par Toto le 23/01/2007 10:43
Comme cela est bien jeté...Mais est-ce cela que les médias relaient...On peut en douter qui sont déjà plusieurs à faire ostensiblement campagne en sa faveur ! Qui donc osera enfin renvoyer le code barres du MEDEF dans ses cordes ? Il est piquant de noter que le jour du décès de l'abbé Pierre, Sarko n'ait même pas eu la décence de patienter ne serait-ce que quelques jours pour défendre son bouclier fiscal adressé aux plus riches...C'est à peu près ignoble !

3.Posté par Elie Arié le 23/01/2007 13:03
Il manque un point, je crois.

Dans son interview parue dans le "Monde" daté du 23 Janvier, abordant le thème des dépenses de santé, Nicolas Sarkozy répète à deux reprises : " Il faut essentiellement responsabiliser le patient. " par des franchises de remboursement (ticket modérateur – qui existe déjà et qui est un des plus élevés d’ Europe).

Responsabiliser financièrement le patient n’a économiquement aucun sens dans la consommation médicale qui est , pour l’essentiel, une économie subie et non choisie; on ne choisit pas d’être malade, et, quand on l'est, on n'est pas compétent pour juger des dépenses qui vous sont prescrites: si votre médecin vous prescrit un scanner, sur quelles bases pouvez-vous juger qu’il n’est pas indispensable ?

Par contre, l’importance de la franchise peut dissuader financièrement les plus faibles revenus de se soigner : le ticket modérateur est en réalité un ticket d’exclusion, puisqu’il ne joue que sur possibilités financières de chacun, sans prendre en compte aucun critère d’utilité médicale.

Cette injustice sociale se double d'un non-sens économique complet: tous les spécialistes de santé publique savent qu'il faut faciliter financièrement le plus possible l'accès au médecin de premier recours - c'est-à-dire le médecin généraliste - car les diagnostics et traitements précoces, susceptibles d'éviter qu'une maladie ne devienne grave - donc chère- constituent le premier facteur d'économies des dépenses de santé: c'est pourquoi, dans la plupart des pays développés, l'accès au médecin généraliste est dispensé de toute avance de frais et de franchise; il est absurde de dissuader financièrement ce que les considérations de santé publique et d'économies de santé devrait inciter à encourager!

La seule responsabilisation financière possible serait celle des ordonnateurs des dépenses, c’est-à-dire des prescripteurs…celle que Nicolas Sarkozy écarte d’office : " La médecine libérale, qui ne représente que 15 % des dépenses, a fait beaucoup d'efforts " ; je ne vois pas lesquels, en dehors des combats facilement gagnés par les spécialistes pour obtenir des droits quasi constants aux dépassements d’honoraires , et dont le montant vient s'ajouter à la franchise financière pour majorer d'autant la part laissée à la charge des malades.

Il convient de rappeler ici:

-qu’entre 1990 et 2004, le revenu des médecins spécialistes a progressé trois fois plus vite que celui des salariés, selon le prochain rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance-maladie (Hcaam), attendu cette semaine, et qui illustre le fait que les efforts financiers ont toujours été demandés aux seuls salariés;

-qu’en Allemagne, le montant des honoraires médicaux est fixé en fin d’année, en fonction des comptes de l’ Assurance-Maladie : en cas de déficit, il est abaissé, et les médecins doivent rembourser le trop-perçu, compte tenu des nouveaux tarifs à effet rétroactif (système dit des " lettres clés-flottantes ")

Mais, ces cinq dernières années, le gouvernement a été tétanisé par son obsession d' éviter de mécontenter de quelque façon que ce soit les médecins; ce qu'on peut appeler son "syndrôme plan Juppé", auquel il attribue son échec aux législatives de 1997.

L'exemple de l' Allemagne nous montre pourtant qu'une réforme de l' Assurance-Maladie, nécessairement douloureuse, ne peut réussir que si les sacrifices sont équitablement répartis entre les assurés, les professionnels de santé et l'industrie pharmaceutique: en choisissant, pour des considérations aussi électoralistes qu'idéologiques, de favoriser ces deux dernières catégories et de faire porter tout le poids financier des réformes aux seuls assurés, Nicolas Sarkozy opte pour une médecine de classe et prépare une situation socialement explosive.

4.Posté par A2B le 23/01/2007 21:04
Sarkosy a vraiment été désobligeant pour la France en allant se faire adouber par le Texan Bush.
Mais Ségolène Royal comence à énerver sérieusement avec son moralisme de "bonne soeur". Qu'elle relise Blaise Pascal et sa vision des anges...Il faut redouter ces "bonnes soeurs" qui se croient détentrices de l'esprit de justice, mieux que tout autre, et qui appliquent un autoritarisme impitoyable quand elles ont le pouvoir ...

Qu'a été faire JP Chevènement dans cette galère ?

5.Posté par justin le 24/01/2007 09:35
Le point développé par Elie Arié est particulièrement important.

Les libéraux envisagent la question des dépenses de santé sous le seul angle comptable et statistique. Ils font la même chose avec les retraites.

Pour eux, les français vivent mieux, se soignent mieux et plus longtemps et "coûtent" plus chère.

Ils mettent ce fait au compte des progrès technologiques et scientifiques.

Ils oublient les principes même de la sécurité sociale et des retraites : donner au salarié (qui ne vit que de son salaire) la possibilité de vivre (survivre) quand il n'est plus ou pas en état de travailler. Constituer de fait un salaire différé socialisé payer solidairement par tous (employeurs compris).

Ils nient ainsi l'effet pourtant bien réel des politiques sociales dans l'amélioration des conditions de soin, de vie et d'espérance de vie.

Ce n'est pas un hasard si "la rupture libérale" dans les ex-pays de l'est a aussi amener à perdre 10 ou 15 ans d'espérance de vie.

Maintenant, il reste aussi une question... Cette vision libérale des soins, de la santé ou des retraites est portée par l'Europe. Elle est donc fidèlement transcrite par les politiques "socialistes".

Je ne suis pas convaincu que Mme Royal sorte de cette logique.




6.Posté par lionel le 24/01/2007 10:53
"""Il propose aux Français de gagner plus en travaillant plus, mais que vaut ce slogan quand manque l'offre de travail ? """"

C'est tout simplement la logique de sarkozy de dresser les Français les uns contre les autres. Les courageux contre ceux qui "ne se lèvent même pas le matin", sous entendant que les personnes privées d'emploi l'ont bien cherché et se satisfont de leurs allocations de misère (quand ils en ont ...)

Les bien portants contre les hypocondriaques de malades
Les courageux (encore une fois) contre les non-imposables
Les bons immigrés diplomés contre les autres

etc...
C'est LE candidat de la division des citoyens et ne peut donc en aucun cas se qualifier de Républicain

7.Posté par Alain FELER le 27/01/2007 23:53
Dans mon post initial, illisible, je voulais dire:
On peut dire de Nicolas Sarkozy : il ne pense pas un mot de ce qu'il dit, il ne dit pas un mot de ce qu'il pense; et cela se sent fréquemment.
De plus il semble avoir résolu d'essayer de dire à chacun ce qu'il attend, ce qui est très antipathique.
De Ségolène Royal, on peut plutôt dire qu'il semble qu'elle pense au moins une partie de ce qu'elle dit, et qu'elle ne dit certainement pas tout ce qu'elle pense, tout en laissant échapper des choses plus ou moins maîtrisées. Cette expression en creux laisse subsister la part du rêve en ceux qui l'écoutent, et nourrit donc les espoirs. En même temps cela donne l'impression d'un vrai tempérament, et c' est bien plus sympathique qu'un discours trop contrôlé et exhaustif.
Tout le monde sent ce genre de choses, et cela joue en faveur de Ségolène Royal.

8.Posté par Snyck le 29/01/2007 20:03
Le rappel de la profession du candidat de droite ne vise indirectement pas l'ensemble de la dite-profession , ce qui ne peut que réjouir les intéressés qui ne souhaitent ( surtout ) pas d'amalgame .
Considérant que le même supposé-a priori pourait être appliqué à un certain nombre de haut-fonctionnaires, les mêmes intéressés sont encore plus rassurés. La parenthèse étant ( définitivement )fermée , il semble qu'un certain nombre de R.M. ( celui de Lille par exemple ) souhaiteraient un prochain contact car les courriels n'arrivent visiblement pas à destination pour des raisons techniques ignorées.


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