Dépêche AFP, jeudi 17 novembre 2011, 14h03.
L'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, candidat à l'élection présidentielle, a estimé jeudi dans une interview à Sud Ouest que l'euro allait "tôt ou tard" passer du statut de monnaie unique à celui de monnaie commune, avec le retour dans chaque pays d'une monnaie propre.
"Je pense que nous serons contraints d'appliquer tôt ou tard le plan B. A savoir une mutation organisée de l'euro de son statut actuel de monnaie unique vers celui de monnaie commune, l'euro servant aux grands échanges internationaux et chaque pays revenant en interne à une monnaie propre, fluctuante et renégociée chaque année au niveau européen", affirme le sénateur de Belfort, président d'honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC). Derrière la situation actuelle "se pose le problème majeur de la souveraineté et de la démocratie", ajoute M. Chevènement qui s'interroge: "Va-t-on construire une Europe post-démocratique, où les dirigeants seront désignés par l'urgence budgétaire comme c'est déjà le cas en Italie et en Grèce?"
Rédigé par Chevenement.fr le 17 Novembre 2011 à 14:10
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Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Journal Sud Ouest, jeudi 17 novembre 2011.
Un accord avant le premier tour avec François Hollande est-il envisageable?
Jean-Pierre Chevènement: J'apprécierai le moment venu. Tout candidat peut, par définition, se retirer. Y compris François Hollande s'il devait par exemple être moins bien placé que moi (sourire). Nous entrons dans une période de crise majeure. Il faut donner un sens à tout cela. Or l'horizon de Nicolas Sarkozy se limite au maintien du triple A. Et François Hollande peine à s'évader de cette logique purement budgétaire. D'où mon engagement. Il sera difficile de me faire entendre. On m'attaque déjà sur le 21 avril 2002, mon appartement… Cela ne m'effraie pas. Que pensez-vous de l'accord entre le PS et EELV sur le nucléaire? Infaisable. Cela revient à mettre 250 milliards d'euros en l'air. Et suppose de revenir aux chaudières à gaz et à charbon alors que les émissions de CO2 explosent. Le fameux audit sur l'EPR de Flamanville n'ira pas loin. François Hollande a conclu un accord politique qu'il nuancera s'il est élu avec une majorité élargie. Il a montré une fermeté certaine sur l'EPR. Il ne pouvait faire moins, tant celui-ci est vital pour nos exportations. Entre ce qu'elle nous rapporte à l'export et les économies qu'elle nous procure, la filière nucléaire pèse 12 milliards d'euros par an. Ce n'est pas sérieux de vouloir la démanteler quand le problème numéro un du pays est le déficit de 75 milliards de la balance commerciale. Il y a urgence à réindustrialiser le pays. J'avais démissionné de mon poste de ministre de l'Industrie en 1983 parce que le gouvernement n'allait pas dans ce sens. Aujourd'hui, cette idée s'impose.
La crise de la dette publique est aujourd'hui un alibi de premier ordre pour imposer aux Etats et aux peuples des politiques d'austérité prétendument incontournables, mais assurément nuisibles. La pression exercée par les marchés et les agences de notation entend faire prospérer, en la recyclant, la vieille logique libérale popularisée autrefois par Margaret Thatcher : "There is no alternative".
Les élus du MRC de la Région Île-de-France ont pris une initiative salutaire en proposant l'adoption d'un Emprunt Régional Citoyen destiné à mobiliser l'épargne des ménages, plutôt que les fonds d'investisseurs internationaux et les opérateurs bancaires. Le réflexe de la pensée économique dominante, qui consiste à focaliser sur le volume de la dette publique, perd de vue l'essentiel : qui sont nos créanciers ? Malgré un endettement de 200% de son PIB et les récentes remontrances de Mme Lagarde, le Japon se révèle pourtant moins exposé que ne le sont les Etats européens. Et pour cause, sa dette est détenue à 95% par le citoyens japonais eux-mêmes ! La relocalisation de la dette est une stratégie opérante pour sortir du chantage auquel ont décidé de céder nos élites mondialisées. La méthode qui consiste à gouverner l'oeil rivé sur le triple A relève de la servitude volontaire. Je formule le souhait que la gauche francilienne s'empare de ce sujet pour faire la démonstration qu'une autre politique demeure possible. Question de Jean-Pierre Chevènement au Ministre de l’industrie à propos de la désindustrialisation, séance du 15 novembre 2011.
La surévaluation de l’euro que le rapport sur la réindustrialisation aborde p182 joue un rôle essentiel dans la désindustrialisation de la France. Ce n’est pas le seul facteur mais c’est le facteur essentiel. L’euro, dont le cours de lancement était à 1,16 dollar au 1/1/1999, est à 82 centimes de dollar en 2000. Il retrouve son cours de lancement en 2003.
Depuis lors, il n’a cessé d’être surévalué dans une proportion de 20% à 50%. Il est à 1,40 dollar en 2004, à 1,60 dollar en 2008 à 1,50 en 2009. Malgré la crise de l’euro depuis 2010, il reste aujourd’hui à 1,37 dollar, c'est-à-dire à plus de 20% au dessous de son cours de lancement. La part de l’industrie française dans la valeur ajoutée qui était de près de 30% au début des années quatre-vingt n’a cessé de diminuer depuis 1984 avec une stabilisation de 1998 à 2001, qui correspond à une période où le dollar était fort et l’euro faible, pour s’effondrer à partir de 2002. La part de l’industrie dans le PIB ne représentait plus en 2008 que 16% contre 22%, six ans plutôt. Tribune de Jean-Pierre Chevènement parue dans Les Echos, mercredi 16 novembre 2011.
Le sort de la monnaie unique se joue en Italie. Ce pays doit lever 300 milliards d'euros en 2012 à un taux qui dépasse 6 %. Intenable.
Le remplacement d'hommes politiques élus par des technocrates européens non élus, MM. Monti en Italie comme Papadémos en Grèce (à quand M. Trichet à Matignon ?) ne réglera rien. En effet, les ressources disponibles du Fonds européen de stabilisation financière (FESF), soit 250 milliards d'euros, sont radicalement insuffisantes pour faire face à la montagne de dettes des pays « sous tension » (plus de 3.000 milliards d'euros) et particulièrement au risque d'un défaut italien. Le fameux « effet de levier » évoqué par le sommet européen de Bruxelles du 24 octobre 2011 pour multiplier les ressources du FESF par cinq a fait long feu : le « véhicule spécial » qui devait embarquer des « émergents » (Chine, Brésil, etc.) pour venir au secours de la monnaie unique est rentré vide du sommet du G20 à Cannes. Après l'Italie, la France est en première ligne, compte tenu de la forte exposition des banques françaises dans la péninsule. Le gouvernement français a fait une proposition intéressante : transformer le FESF en banque, pour l'adosser aux ressources théoriquement illimitées de la Banque centrale européenne. C'eût été le seul moyen de casser la spéculation pour, ensuite, relancer la croissance sur notre continent. Jean-Pierre Chevènement était l'invité du Grand Journal de Canal Plus mardi 15 novembre. En voici les deux principaux extraits ci-dessous.Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Journal de Saône et Loire, mardi 15 novembre 2011.
Vous visitez l’usine d’Areva Saint-Marcel, pourquoi êtes-vous convaincu que l’on ne peut pas sortir du nucléaire, comme l’Allemagne et d’autres voisins européens en ont la tentation ?
Jean-Pierre Chevènement: Le nucléaire représente 75 % de notre électricité, et c’est surtout moins cher. Ailleurs, comme en Allemagne pour ne citer qu’eux, la facture est 40 % supérieure. Je tiens à rappeler que le kilowattheure nucléaire est deux fois moins cher que l’éolien et 8 à 10 fois moins cher que le kilowatt solaire photovoltaïque. En plus, le nucléaire émet très peu de gaz à effet de serre. Il faut souligner que le nucléaire, c’est 125 000 emplois directs et 400 000 si l’on rajoute tous ceux liés à des sous-traitants. Chez vous, le Pôle Nucléaire Bourgogne (PNB) c’est 10 000 emplois, et ici à Areva Saint-Marcel environ 1 000 emplois, pour la plupart en CDI, selon le plan de charge de l’usine. Je demande à ce que l’on ne massacre pas ce qui reste de notre tissu industriel. Il faut avoir des arguments sérieux, traiter ce problème de manière responsable et ne pas en faire l’enjeu d’une carabistouille électorale, comme dirait M. Mélenchon, où l’on échangerait des réacteurs nucléaires contre des circonscriptions. Pensez-vous que votre présence pendant la campagne peut en modifier les thèmes ? Avez-vous envie d’être celui qui bougera les lignes à gauche ? Je veux permettre la réindustrialisation de la France, avec une monnaie unique moins chère. Je sais, comme ancien ministre de l’Industrie, que nous avons perdu la moitié de notre base industrielle. La France a perdu plus de 2,5 millions d’emplois depuis le début des années 1980. Dans le cadre de ma campagne, je vais aussi aller visiter des entreprises dans l’aéronautique, l’automobile, la pharmacie et l’agroalimentaire. Dans cette campagne, je n’ai rien à gagner et que des coups à prendre, mais nous sommes face à des problèmes gravissimes, et devant une crise qui pourrait être mortelle pour la France. Je ne veux pas que la France soit finie, c’est d’ailleurs le titre de mon dernier livre. Si on continue, nous allons devenir un parc d’attractions, une sorte de pays musée pour les Allemands, les Américains, les Chinois… qui se feront servir des cafés par nos enfants et nos petits-enfants. Il faut donc penser à l’avenir des générations futures. Il répondra aux question de Michel Denisot et de son équipe.
L'émission sera podcastée sur le blog et pourra être revue sur le site de Canal+.
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