La fermeture par Alstom de l’usine de locomotives de Belfort qui y existe depuis plus de 140 ans, intervient au lendemain du départ de M. Macron. Celui-ci, en 2015, avait pris devant les salariés d’Alstom des engagements solennels en vue d’assurer le plan de charge de l’usine à travers notamment le programme « TGV du futur ».
Il ne sera pas moins nécessaire demain qu’hier à la SNCF d’acheter des locomotives de fret et des locomotives TGV. La cession d’Alstom-Power à General Electric en 2014 était censée renforcer Alstom-Transport. Celui-ci vient d’emporter un contrat de 2 milliards de dollars aux Etats-Unis mais les emplois créés seront tous américains. On attend du gouvernement de la France qu’il défende les usines françaises avec autant d’énergie que le gouvernement américain en mai pour promouvoir l’emploi industriel aux Etats-Unis. Particulièrement à Belfort où le taux de chômage est supérieur de trois points à la moyenne nationale. Quel symbole ce serait que la disparition de l’usine mère de Belfort ! Je demande au gouvernement et au Président de la République qui connait bien le dossier Alstom de faire en sorte que cette entreprise présente sans tarder un plan alternatif. Entretien de Jean-Pierre Chevènement à la Revue internationale et stratégique de l'IRIS, propos recueillis par Didier Billion et Marc Verzeroli, numéro 102, été 2016.
Revue Internationale et Stratégique: La défense de la nation républicaine constitue l’un des socles de votre positionnement politique. Comment la définissez-vous ?
Jean-Pierre Chevènement: La nation républicaine se définit comme une communauté de citoyens. La République est, depuis deux siècles, le nom moderne de la France. J’insiste donc sur cette identité républicaine, ce qui ne signifie pas que la France n’a pas existé avant la proclamation de la souveraineté nationale par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789 – « le principe de toute souveraineté réside en la Nation ». C’est en français que les États généraux, la Constituante, puis l’Assemblée législative ont élaboré les éléments de ce qui allait fonder le contrat social républicain. Mais comment imaginer que la Révolution puisse être comprise si l’on fait abstraction du siècle des Lumières, de Rousseau, de Voltaire, de Montesquieu, de Montaigne et de combien d’autres ? La France est un long fleuve qui prend ses sources très loin dans le passé. Au VIe siècle, la coagulation entre l’Église, qui incarne ce qui reste du monde gallo-romain, et les tribus franques, dont Clovis est le chef, marque un point de départ. Le partage de l’empire de Charlemagne dessine également les contours de l’Europe future et, au XIIIe siècle, du règne de Philippe Auguste à celui de Louis IX, se dessine une première unité française à l’ombre des cathédrales et sous le chêne de Vincennes, où Saint Louis tient ses lits de justice. Il n’est ainsi pas douteux qu’après la croisade des Albigeois, qui rattache la France d’oc et la France d’oil, le règne de Saint Louis apparaisse comme un formidable cautérisant par rapport aux plaies durables qu’auraient pu engendrer cette croisade. Saint Louis a donc créé le royaume de France dans les cœurs, dans les âmes, et pas seulement par le fer. En outre, il faut toujours revenir à cette idée qu’émettait Napoléon : un pays a la politique de sa géographie. La France est un isthme entre la Méditerranée et la mer du Nord, et il n’y a de France sans un pouvoir qui tient bien arrimées cette France du Nord et cette France du Sud. La France est aussi un cap, celui de l’Eurasie, et, par conséquent, un pays de mélange et de métissage, puisque tous les flux humains finissent par y aboutir. J’ajoute que la France se définit par son indépendance, aussi bien à l’égard de l’Allemagne que de l’Angleterre, avec lesquelles elle aurait pu être fusionnée : l’Allemagne dans le cadre du Saint Empire romain germanique, dont la limite touchait la Meuse, la Saône et le Rhône mais dont les prétentions allaient bien au-delà ; Or le roi de France se voulant empereur en son royaume et ne reconnaissait donc pas la prétention à l’universalité du Saint-Empire. Par ailleurs, l’Angleterre avait une dynastie française : les Plantagenêt qui avaient d’immenses possessions en France, de l’Anjkou à l’Aquitaine. Le roi d’Angleterre se voulant roi de France, il fallut attendre Jeanne d’Arc et la bataille de Castillon pour que « l’Anglais soit bouté hors de France ». Tribune de Jean-Pierre Chevènement parue dans Le Monde, édition du vendredi 2 septembre 2016.
L'islam de France m'a toujours paru être une grande cause nationale. Avec 4,1 millions de fidèles, selon l'Institut national d'études démographiques (INED), il constitue la deuxième religion de France. Certes, tous les immigrés d'origine maghrébine, africaine ou turque, et pour la plupart de nationalité française, ne sont pas musulmans, mais ils le sont majoritairement.
Ils ont le droit de pratiquer leur culte. C'est pour favoriser leur intégration qu'en 1999 j'ai lancé une consultation réunissant les grandes sensibilités de l'islam présentes en France. Cette -consultation a permis d'élaborer une déclaration de principes afin de préciser les rapports entre les pouvoirs publics et le culte musulman. Les principes républicains ont été rappelés sans exclusive et le recensement a été fait de tout ce qu'ils permettaient. C'est sur cette base qu'a pu être créé en 2003 le Conseil français du culte musulman, Jacques Chirac étant président de la République et Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur. J'ai moi-même approuvé cette création dont le bilan est souvent excessivement décrié, mais qui a l'immense mérite d'exister et qui a condamné fermement et publiquement les attentats terroristes en novembre 2015 par une déclaration lue dans toutes les mosquées de France. Le ministre de l'intérieur d'au-jourd'hui, Bernard Cazeneuve, dont j'apprécie la maîtrise qu'il a à la fois de ses dossiers et de sa parole, a souhaité relancer le processus initié il y a bientôt dix-sept ans, en créant une instance de dialogue permanente et en relançant la Fondation pour les œuvres de l'islam de France créée en 2005 par Dominique de Villepin, afin de surmonter les blocages qui l'avaient empêchée jusqu'à maintenant de fonctionner. Il m'a pressenti pour en prendre la présidence. Que s'agit-il de faire ? Dépêche AFP, mardi 30 août 2016.
Jean-Pierre Chevènement balaie les critiques sur sa nomination attendue à la tête de la Fondation pour l'islam de France et ses récentes déclarations, dénonçant des "procès d'intention fielleux" souvent mus par une "philosophie communautariste" dans un entretien au Figaro à paraître mercredi.
Après avoir invité les musulmans à la "discrétion", l'ancien ministre de l'Intérieur, âgé de 77 ans, a provoqué le trouble en affirmant sur France Inter qu'il y avait "à Saint-Denis, par exemple, 135 nationalités, mais il y en a une qui a quasiment disparu", alimentant selon ses détracteurs la théorie du "grand remplacement". "La plupart de ces critiques ont un arrière-plan politique : elles procèdent d'une philosophie communautariste que j'ai toujours combattue en tant que républicain laïc", réplique-t-il. Il s'agit de "procès d'intention fielleux qui me sont faits par quelques snipers de plume et de micro dont je suis la cible depuis très longtemps", ajoute-t-il. A propos de ces déclarations à France Inter, Jean-Pierre Chevènement dit avoir déploré le communautarisme et la disparition de la "classe ouvrière française", un "puissant facteur d'intégration". "Notamment à travers ses organisations politiques et syndicales ou à travers l'école où la maîtrise de la langue française n'est plus assurée dans les petites classes", justifie-t-il. Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Figaro, mercredi 31 août 2016, propos recueillis par Jean-Marie Guénois et Vincent Tremolet de Villers.
Sur décision de Bernard Cazeneuve, Jean-Pierre Chevènement va prendre la tête de la Fondation pour l'islam de France. Des polémiques sur son appel à la «discrétion» des musulmans, à la formation des imams en passant par le financement des mosquées, il expose au Figaro sa vision de ce que devrait être l'islam de France. La ligne de crête qu'il emprunte pour éviter l'embrasement du pays n'est pas la plus aisée. L'ancien ministre de l'Intérieur veut cependant croire que la politique peut nous permettre de surmonter sereinement cette nouvelle fracture française.
Le Figaro : Pas encore élu à la tête de la Fondation pour l'islam de France, les critiques fusent. On vous reproche d'avoir conseillé la «discrétion» aux musulmans de France. Un député PS s'en est pris publiquement à vos propos, notamment cette phrase prononcée lundi matin sur France Inter: «Il y a à Saint-Denis par exemple 135 nationalités et il y en a une qui a quasiment disparu»… Jean-Pierre Chevènement: Ces critiques publiquement exprimées ne m'ont pas échappé. Je parlais évidemment de la classe ouvrière française. La plupart de ces critiques ont un arrière-plan politique: elles procèdent d'une philosophie communautariste que j'ai toujours combattue en tant que républicain laïc. Bien que la Fondation soit d'intérêt public et que son objectif ne soit nullement cultuel, certaines voix se sont élevées pour réclamer la nomination d'une personnalité musulmane. Certaines de ces personnes s'estimaient sans doute aussi mieux qualifiées. Je n'ai recommandé «la discrétion» que dans l'espace public de débat qui est un espace commun à tous les citoyens où j'incite non seulement les musulmans mais toutes les religions à s'exprimer de manière argumentée plutôt que par la proclamation de leur Révélation. J'ai appris que cette formulation était aussi celle de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Coïncidence pour une fois heureuse. J'ai enfin évoqué, sur les ondes de France Inter, le ralentissement du processus de l'intégration qui, à mon sens, doit reprendre. Bien entendu, la question de l'emploi est centrale. Mais en laissant s'opérer des concentrations de populations immigrées dans certaines communes, nous avons aussi contribué au ralentissement du processus de l'intégration. J'ai pris l'exemple de Saint-Denis, j'aurai pu en prendre d'autres. C'est un fait qu'il y a 135 nationalités à Saint-Denis mais dans mon esprit c'est le communautarisme qui pose problème et j'ai évoqué très clairement la disparition de la classe ouvrière française traditionnelle qui constituait un puissant facteur d'intégration. Notamment à travers ses organisations politiques et syndicales ou à travers l'école où la maîtrise de la langue française n'est plus assurée dans les petites classes. Quiconque veut bien se reporter à ce que j'ai dit sur France Inter verra la logique de mon raisonnement (il y a le problème de la laïcité mais il y a aussi celui de l'intégration) et ne cédera pas aux procès d'intention fielleux qui me sont faits par quelques snipers de plume et de micro dont je suis la cible depuis très longtemps. Il ne faut quand même pas renverser les rôles! Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Patrick Cohen sur France Inter, lundi 29 août 2016.
Verbatim :
[L’idée de faire émerge un islam républicain] devrait être rendue à Jacques Berque, très grand arabisant et immense écrivain, qui avait cette idée que les musulmans vivant en France, pour la plupart de nationalité française, devraient aider à faire évoluer l’islam et à renverser ce courant du fondamentalisme religieux qui existe dans le monde arabe musulman depuis à peu près quatre décennies (1979). J’avais initié la consultation de 1999 avec toutes les sensibilités de l’Islam en France pour bâtir, pour faire émerger, cet Islam de France, c’est-à-dire autonome dans ses sources de financement et dans sa pensée. Le dispositif retenu est simple. Bernard Cazeneuve, dont j’apprécie la maîtrise qu’il a de ses dossiers et de son langage, l’a rappelé. C’est un tripode, il y a trois pieds. Premièrement, il y a la fondation dont l’objet est profane. La Fondation va aider des projets éducatifs, culturels, sociaux, elle va financer des recherches en islamologie, faire en sorte que le contact soit pris avec la jeunesse. A côté d’elle, qui est une fondation reconnue d’utilité publique, il y aura une association cultuelle, de la loi de 1905, qui elle interviendra sur l’aspect religieux, autrement dit la construction de lieux de culte, ou la formation religieuse des imams. Cette association sera adossée à la fondation. ActualitésLes actes du colloque du 23 mai 2016 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
Dépêche AFP, dimanche 28 août 2016, 12h13.
L'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement voit dans la construction d'un "islam de France", autour d'une fondation dont il doit prendre la présidence, une "cause nationale qui devrait réunir la gauche et la droite", dans un entretien à l'AFP.
QUESTION: Comment va fonctionner cette nouvelle Fondation pour l'islam de France, dont les principes seront présentés lundi par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve ? Globalement, cette fondation, qu'il faudra reconnaître d'utilité publique, doit respecter le principe de la laïcité, donc son objet est profane: elle sera en charge de questions sociales, culturelles et éducatives. Dans la formation des imams, elle ne traitera que des aspects civiques, juridiques. Tout ce qui est religieux est hors de son champ. C'est pourquoi on va lui adosser une association cultuelle - loi de 1905 - qui aura pour mission ce qui a trait à la formation religieuse ou au financement de la construction de lieux de culte. J'ai fait connaître ma position vis-à-vis des financements étrangers: j'y suis opposé. Il y a des ressources en France. Les musulmans sont 4,1 millions selon l'Ined (Institut national d'études démographiques), leur pratique est notablement supérieure à celle d'autres croyants. Faisons confiance à l'imagination de ceux qui auront en charge ce dossier. |
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