Dans son blog du 5 février, l’un de ceux qui, dès potron-minet, mettent en scène notre vie politique, M. Jean-Michel Aphatie, déplore que dans mon interview au Parisien de la veille, j’aie qualifié M. Sarkozy de « candidat du grand capital financier mondialisé, derrière la tête duquel on aperçoit toutes les têtes du CAC 40 ».
« Ce top 40, écrit-il, est stigmatisé comme la quintessence du capitalisme que nous n’aimons pas, que nous n’aimerons jamais … Que reproche-t-on exactement [à ces entreprises] ? D’exister tout simplement ? »
Non, cher Jean-Michel Aphatie, je ne leur reproche pas d’exister. Je me borne à décrire la logique qui les meut. Nos grandes entreprises dont le capital est de plus en plus détenu par des fonds spéculatifs sont contraints, par la dictature de l’actionnariat qui les régit, à négliger le long terme, les investissements, la recherche, la formation et la promotion de leurs salariés. Les exigences de rentabilité exorbitantes de leurs actionnaires les conduisent à privilégier le court terme, les fusions acquisitions qui font monter la cote, ou à délocaliser leurs activités dans les pays à très bas salaires et sans protection sociale, au détriment de la stabilité et du progrès social dans les pays d’origine. Voyez le dernier fait d’armes de M. Tchuruk, ce prophète de « l’entreprise sans usines » : la fusion d’Alcatel-Lucent, à peine réalisée, débouche sur la suppression de 12.000 à 13.000 emplois ! Ce n’est pas à M. Jean-Michel Aphatie que je ferai le procès d’ignorer ce qu’est la théorie reine de l’acquisition de la valeur pour l’actionnaire et à quoi conduit son application. Tout cela a été fort bien développé par André Orléan et Jean-Luc Gréau, notamment par ce dernier dans un ouvrage profond intitulé L’avenir du capitalisme (chez Gallimard).
« Ce top 40, écrit-il, est stigmatisé comme la quintessence du capitalisme que nous n’aimons pas, que nous n’aimerons jamais … Que reproche-t-on exactement [à ces entreprises] ? D’exister tout simplement ? »
Non, cher Jean-Michel Aphatie, je ne leur reproche pas d’exister. Je me borne à décrire la logique qui les meut. Nos grandes entreprises dont le capital est de plus en plus détenu par des fonds spéculatifs sont contraints, par la dictature de l’actionnariat qui les régit, à négliger le long terme, les investissements, la recherche, la formation et la promotion de leurs salariés. Les exigences de rentabilité exorbitantes de leurs actionnaires les conduisent à privilégier le court terme, les fusions acquisitions qui font monter la cote, ou à délocaliser leurs activités dans les pays à très bas salaires et sans protection sociale, au détriment de la stabilité et du progrès social dans les pays d’origine. Voyez le dernier fait d’armes de M. Tchuruk, ce prophète de « l’entreprise sans usines » : la fusion d’Alcatel-Lucent, à peine réalisée, débouche sur la suppression de 12.000 à 13.000 emplois ! Ce n’est pas à M. Jean-Michel Aphatie que je ferai le procès d’ignorer ce qu’est la théorie reine de l’acquisition de la valeur pour l’actionnaire et à quoi conduit son application. Tout cela a été fort bien développé par André Orléan et Jean-Luc Gréau, notamment par ce dernier dans un ouvrage profond intitulé L’avenir du capitalisme (chez Gallimard).
« A quoi bon pointer le doigt sur ces entreprises, demande M. Aphatie, si n’en découle aucun mot d’ordre ? ».
Non, cher Monsieur Aphatie, je ne m’en prends pas à ces entreprises mais à la dictature du capital financier qui conduit à la désindustrialisation de la France. Je propose d’y mettre un frein. Il me semble que si les pouvoirs publics avaient été plus attentifs à préserver « un noyau dur d’actionnaires » quelle qu’en soit la forme – public, privé ou salarial -, la France, depuis cinq ans, n’aurait pas vu Pechiney tomber aux mains d’Alcan, Arcelor de Mittal, Thomson de TCL, et les Chantiers de l’Atlantique du norvégien Aker Yards. Nous devrions savoir que quand les centres de décision émigrent, les laboratoires et les usines suivent. C’est justement parce que je pense à nos petits-enfants auxquels je ne voudrais pas léguer une France désindustrialisée que je ne me fais pas le défenseur aveugle des marchés financiers. J’aimerais vous convaincre que le souci de l’avenir de nos entreprises est antinomique avec le développement sans frein de la finance mondialisée.
*
M. Claude Askolovitch relaie sur la gauche l’offensive de Jean-Michel Aphatie. « Chevènement, s’exclame-t-il sur son blog du 6 février, n’a pas bougé d’un poil depuis la belle époque des seventies, quand la gauche « changeait la vie » … allait partir à l’assaut des monopoles … J’avais dix ans et mon Dieu, rien n’a donc changé ? »
Mais si, cher Claude, les formes du capitalisme, justement ont changé. Il s’est mondialisé. Les marchés financiers ont pris le pouvoir. Les multinationales mettent en concurrence les territoires et les mains d’œuvre au mépris des droits sociaux les plus élémentaires et des normes environnementales qui devraient s’imposer à tous.
Mais sur le fond, croyez-vous, cher Claude, que l’essence du capitalisme ait vraiment changé ? Vous lisez trop le Nouvel Observateur qui est obligé de réinventer le monde toutes les semaines.
La vérité est que jamais depuis la « belle époque » d’avant 1914 le talon de fer du Capital n’a été plus brutal. Jamais la soif du profit n’a été plus inextinguible. Jamais la puissance de l’Argent n’a été plus arrogante et, il faut bien l’avouer, jamais plus timoré un socialisme qui n’a pourtant de raison d’être que s’il est d’abord la critique en acte du capitalisme.
Vous me reprochez de « recharger les Lebel du socialisme ». « Quelle ironie, écrivez-vous, que cet excellent Chevènement soit encore audible et choyé, quelle rage que cet éternel retour ! ». Ne connaissez-vous donc pas ma devise : « Etiam mortuus redeo » (1). C’est que rien de fondamental n’a vraiment changé : tel un vieil arbre que le vent des modes n’a pu déraciner, je contemple, avec Ségolène, un nouveau printemps de la gauche. N’avez-vous par perçu dans son remarquable discours du 6 février, les effluves d’une République plus jeune que jamais, car fidèle à elle-même ?
----------
1)Même mort je reviens
Non, cher Monsieur Aphatie, je ne m’en prends pas à ces entreprises mais à la dictature du capital financier qui conduit à la désindustrialisation de la France. Je propose d’y mettre un frein. Il me semble que si les pouvoirs publics avaient été plus attentifs à préserver « un noyau dur d’actionnaires » quelle qu’en soit la forme – public, privé ou salarial -, la France, depuis cinq ans, n’aurait pas vu Pechiney tomber aux mains d’Alcan, Arcelor de Mittal, Thomson de TCL, et les Chantiers de l’Atlantique du norvégien Aker Yards. Nous devrions savoir que quand les centres de décision émigrent, les laboratoires et les usines suivent. C’est justement parce que je pense à nos petits-enfants auxquels je ne voudrais pas léguer une France désindustrialisée que je ne me fais pas le défenseur aveugle des marchés financiers. J’aimerais vous convaincre que le souci de l’avenir de nos entreprises est antinomique avec le développement sans frein de la finance mondialisée.
*
M. Claude Askolovitch relaie sur la gauche l’offensive de Jean-Michel Aphatie. « Chevènement, s’exclame-t-il sur son blog du 6 février, n’a pas bougé d’un poil depuis la belle époque des seventies, quand la gauche « changeait la vie » … allait partir à l’assaut des monopoles … J’avais dix ans et mon Dieu, rien n’a donc changé ? »
Mais si, cher Claude, les formes du capitalisme, justement ont changé. Il s’est mondialisé. Les marchés financiers ont pris le pouvoir. Les multinationales mettent en concurrence les territoires et les mains d’œuvre au mépris des droits sociaux les plus élémentaires et des normes environnementales qui devraient s’imposer à tous.
Mais sur le fond, croyez-vous, cher Claude, que l’essence du capitalisme ait vraiment changé ? Vous lisez trop le Nouvel Observateur qui est obligé de réinventer le monde toutes les semaines.
La vérité est que jamais depuis la « belle époque » d’avant 1914 le talon de fer du Capital n’a été plus brutal. Jamais la soif du profit n’a été plus inextinguible. Jamais la puissance de l’Argent n’a été plus arrogante et, il faut bien l’avouer, jamais plus timoré un socialisme qui n’a pourtant de raison d’être que s’il est d’abord la critique en acte du capitalisme.
Vous me reprochez de « recharger les Lebel du socialisme ». « Quelle ironie, écrivez-vous, que cet excellent Chevènement soit encore audible et choyé, quelle rage que cet éternel retour ! ». Ne connaissez-vous donc pas ma devise : « Etiam mortuus redeo » (1). C’est que rien de fondamental n’a vraiment changé : tel un vieil arbre que le vent des modes n’a pu déraciner, je contemple, avec Ségolène, un nouveau printemps de la gauche. N’avez-vous par perçu dans son remarquable discours du 6 février, les effluves d’une République plus jeune que jamais, car fidèle à elle-même ?
----------
1)Même mort je reviens