Carnet de Jean-Pierre Chevènement

Du Congrès du Kremlin-Bicêtre à la refondation républicaine de la gauche : Soyons l’aiguillon de la reconquête !


Editorial de Jean-Pierre Chevènement à Citoyens Militants, bulletin interne du MRC.


Notre Congrès des 21 et 22 juin au Kremlin-Bicêtre a fait lever l’espoir. Au sein du MRC d’abord, où chacun a pu observer la naissance d’une dynamique nouvelle, à travers un texte d’orientation allant au fond des choses et une direction renouvelée et rajeunie. Mais l’écho a été répercuté dans le reste de la gauche où nos propositions de rassemblement organique, susceptible de créer un électrochoc à gauche, rencontrent des échos nombreux aussi bien au Parti socialiste qu’au Parti communiste.

La problématique est simple : dans l’état actuel des choses, la gauche n’est pas en état de fournir une relève à la droite sarkoziste. Il est surréaliste de voir certains socialistes faire assaut de libéralisme au moment où la globalisation libérale entre en crise profonde. Il y a là la marque d’une inadéquation persistante entre la radicale nouveauté des défis à relever et un ron-ron « social libéral » qui pouvait paraître « moderne » au tournant des années 1990.

Le logiciel républicain, au contraire, affirme sa force et sa pertinence. La faillite des « marchés » hier adulés, aujourd’hui voués aux gémonies (même Nicolas Sarkozy flétrit les « dérives du capitalisme financier » et les ravages de la spéculation), la crise d’une Europe technocratique et ultralibérale à la fois, le retour des Etats, des nations et des peuples, ce grand bouleversement des valeurs offre au discours républicain exigeant du MRC l’occasion de s’affirmer en provoquant dans la gauche les effets de catalyse nécessaires.

Oui, priorité au projet ! et pas à un projet à l’eau de rose !
Un projet sérieux, solide, musclé, dans lequel les couches populaires en déshérence pourront se reconnaître. Dans nos institutions, l’élection présidentielle est bien évidemment devenue directrice. Il faut donc que la gauche aborde l’échéance de 2012 après s’être profondément recomposée. Nous avons proposé et nous continuerons de proposer un grand parti de toute la gauche, parce que c’est en son sein que peuvent s’opérer les remises en ordre nécessaires. Sa création seule peut, comme ce fut le cas pour le PS d’Epinay, provoquer l’électrochoc, et l’engagement corrélatif des dizaines de milliers de militants jeunes, motivés puis formés, qui rendront à la gauche sa capacité d’influer sur le cours des choses.

Bien entendu nous ne nous faisons pas d’illusions. Les résistances à vaincre sont immenses. Mais le PS doit se persuader que, laissé à lui-même, il sera encore une fois réduit à l’impuissance au plan national. Quant au PCF, la perspective que nous offrons est la seule qui puisse lui éviter une marginalisation définitive.

Pour répondre au défi démagogique d’un Besancenot, qui stériliserait la gauche dans son entier, seule la refondation républicaine de celle-ci peut permettre le rassemblement fécond de toutes ses sensibilités et en définitive une victoire qui déboucherait non sur une simple alternance, source de nouvelles frustrations, mais sur une alternative républicaine pensée et construite, dans la perspective d’une Europe redressée.

Notre Université d’été, prévue les 6 et 7 septembre à Belfort sera un moment fort pour préparer la suite de ce processus que vient d’enclencher le comité de liaison de la gauche du 1er juillet 2008 en prévoyant dès cet automne la réunion de forums de la gauche dans le pays. La démarche que nous proposons est connue : Forums de l’Unité dans chaque région que nous encourageons les militants du MRC à susciter et animer ; Assises de la gauche en 2009 pour préparer un programme commun de la gauche. Mise sur pied ensuite d’une Fédération de toute la gauche préparant la création d’un grand parti. Nous n’en sommes qu’au début mais les évènements qui résultent de la crise du système viendront à notre renfort.

Il faudra enfin prévoir la désignation par les militants de celui qui portera devant les Français, en 2012, le projet d’une République moderne accordée aux temps présents. Il revient au MRC d’être le catalyseur de cette dynamique, sans laquelle la gauche, après trois échecs successifs à la présidentielle (1995, 2002, 2007), se verrait encore une fois conduite à la défaite en 2012. Pour y parer, il n’y a pas d’autre chemin que l’effort intellectuel nourri par l’exigence républicaine et le dépassement de tropismes aujourd’hui périmés !

Il faut du neuf : soyons l’aiguillon de cette reconquête républicaine !


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Lundi 21 Juillet 2008 à 22:46 | Lu 5237 fois



1.Posté par BA le 23/07/2008 15:54
Le dossier Tapie met en lumière les pratiques d'arbitrage.

L'arbitrage est-il, comme certains l'ont affirmé avec l'affaire Tapie, un « détournement de la justice » ?

Le 11 juillet, les trois arbitres saisis par le Consortium de réalisation (CDR), chargé de gérer pour l'Etat le passif du Crédit lyonnais – Pierre Mazeaud, ex-président du Conseil constitutionnel, Jean-Denis Bredin, avocat, et Pierre Estoup, ancien président de la cour d'appel de Versailles – ont accordé 285 millions d'euros à M. Tapie, après plus de dix ans de procédures judiciaires.

« On a voulu mettre en place des arbitres pour éviter la décision de justice dont on savait qu'elle serait défavorable à Bernard Tapie », a accusé le président du MoDem, François Bayrou.

Le Monde.fr : Les 300 000 euros d'honoraires accordés à chacun des trois arbitres de l'affaire Tapie se situent-ils dans la norme ?

Thomas Clay : Si ce montant est avéré, on peut dire qu'il est rarement atteint dans les cas d'arbitrages internes, surtout pour une affaire qui n'apparaît, de prime abord, ni extraordinairement longue, ni extraordinairement complexe. On trouve en revanche de telles rémunérations dans les arbitrages internationaux.

http://www.lemonde.fr/societe/article/2008/07/23/le-dossier-tapie-met-en-lumiere-les-pratiques-d-arbitrage_1076231_3224.html#ens_id=1072762

En clair :

Trois arbitres ont décidé que les contribuables français devraient verser 285 millions d’euros à Bernard Tapie.

Ces trois arbitres sont :

1- Pierre Estoup, ancien président de la Cour d’Appel de Versailles.

2- Pierre Mazeaud, ancien ministre et ancien député, proche de Jacques Chirac.

3- Jean-Denis Bredin, ancien vice-président du Mouvement des Radicaux de Gauche, le parti politique auquel appartenait Bernard Tapie !

Ces trois arbitres seront payés 300 000 euros chacun.

Coût total pour les contribuables français : 286 millions d’euros.

C’est le scandale politique de l’année 2008.

2.Posté par BA le 25/07/2008 11:11
Vendredi 25 juillet, dans Le Monde.fr, François Bayrou écrit un article exceptionnel. Quoi que l’on pense de François Bayrou, il faut lire cet article :

« Les insultes proférées par M. Tapie à mon encontre (on comprend bien pourquoi) ne changeront rien aux dix affirmations suivantes, qui permettront à chacun de se faire une opinion.

1) Si M. Tapie a gain de cause, c'est le contribuable qui va payer. Le CDR (Consortium De Réalisation), structure destinée à liquider les actifs douteux du Crédit lyonnais, dont la quasi-totalité des activités ont cessé au 31 décembre 2006, n'a aucune autonomie financière. Son financement est assuré par l'EPFR (Etablissement Public de Financement et de Restructuration), alimenté par les crédits budgétaires de l'Etat, donc par le contribuable.

2) Il n'y a pas eu de décision de justice. C'est une décision politique. La procédure d'arbitrage est une procédure privée destinée au monde des affaires. Quand les intérêts de l'Etat et du contribuable sont en jeu, c'est un principe absolu du droit que l'arbitrage est interdit ; seules les juridictions instaurées par la loi sont compétentes.

3) Les principes de l'Etat de droit sont foulés aux pieds. C'est par crainte de décisions de justice défavorables à M.Tapie que le sommet de l'Etat a imposé une telle procédure d'arbitrage, sans appel possible. La seule décision favorable à M.Tapie a été cassée en des termes d'une dureté inhabituelle par la Cour de cassation, plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français, réunie exceptionnellement en formation plénière, sous la présidence de son premier président. Que l'Etat ait pu décider de renoncer à un tel avantage juridique et moral est sans précédent.

Il faut noter qu'un autre principe général du droit est mis en cause : il ne peut y avoir de justice que contradictoire, or M. Tapie a été entendu, mais pas ses contradicteurs, ni Jean Peyrelevade qui a redressé le Crédit lyonnais, ni Jean-Pierre Aubert, président du CDR, jusqu'à la clôture de ses activités.

4) Dans la vente d'Adidas, M. Tapie n'a pas été perdant, il a été gagnant. D'ailleurs, c'est lui-même qui a fixé le prix de vente. Adidas a été acheté en 1990 avec un prêt à court terme de 1,6 milliard de francs, à échéance en 1992. A cette date, l'entreprise mal gérée est en situation dramatique. Ne pouvant assurer son échéance, M. Tapie, ancien et bientôt nouveau ministre de la ville, décide alors de la vendre. Il cherche à en obtenir 2 milliards de francs mais l'acheteur (Pentland), découvrant l'étendue des dégâts, retire son offre. C'est alors que M. Tapie donne mandat à la banque de vendre l'entreprise, pour une somme d'un peu plus de 2 milliards de francs qu'il a lui-même fixée. Opération qui lui rapportera au total, si l'on en croit une expertise et une ordonnance judiciaire de l'époque, la somme de 200 millions de francs.

5) L'Etat va prendre à sa charge les dettes de M. Tapie. Contrairement à ce qui est répété en boucle, l'Etat ne va rien récupérer de ses créances. C'est lui qui va payer pour les dettes du groupe Tapie, totalement extérieures à l'affaire Adidas, et qui n'ont jamais été honorées. En particulier, le groupe de M.Tapie a depuis des années des millions de dettes fiscales et sociales vis-à-vis de l'Etat et de l'Urssaf. "Qui paye ses dettes s'enrichit." Ici, c'est l'Etat qui paye les dettes de M. Tapie, et c’est M. Tapie qui s'enrichit.

6) 285 millions d'euros, c'est l'équivalent de la totalité des salaires annuels des 11000 postes d'enseignants supprimés cette année. C'est une somme tellement astronomique que le citoyen ne peut pas s'en faire une idée. Traduite en salaires d'enseignant, c'est plus de 11000 postes à l'année. Si on y adjoint les intérêts, on atteint 400millions, cela représente une somme suffisante pour effacer l'essentiel du déficit des hôpitaux publics du pays.

7) 45 millions d’euros pour "préjudice moral", c'est une insulte. A l'intérieur de cette addition, les 45 millions d'euros pour "préjudice moral" (le mot ne manque pas de sel) sont une insulte pour le citoyen. Quelques comparaisons pour en prendre la mesure : cette somme est l'équivalent de 4 000 années de travail au SMIC. Et l'indemnité moyenne pour une veuve après la mort d'un conjoint victime de l'amiante est de 45 000 euros, soit mille fois moins.

8 ) Tout était fait pour que l'affaire passe inaperçue. La décision d'arbitrage, dont le principe avait été décidé en catimini, largement orientée à l'avance par des montants d'indemnisation définis noir sur blanc, a été annoncée à un moment bien choisi : le vendredi soir ouvrant le week-end du 14 juillet à 17h30, pour que toutes les procédures soient entérinées avant le 15 août.

9) Pendant ce temps, on pressure les pauvres gens jusqu'au dernier centime. On va supprimer les allocations aux chômeurs qui refuseront un emploi trop éloigné de chez eux ou sous-payé. Je connais une jeune femme qui a été contrainte de rembourser une année de RMI parce qu'elle avait fait quelques heures de ménage sans les déclarer. Les faibles sont sans défense, mais le pouvoir enrichit avec complaisance ses affidés.

10) Le problème, ce n'est pas M. Tapie, c'est l'Etat et ceux qui sont à sa tête. Il y a toujours eu, il y aura toujours, des aventuriers qui se jouent des banques, du fisc, de la loi. Mais en principe l'Etat est là pour faire respecter les règles de droit et l'argent public.

Ici, au contraire par le fait du prince, parce qu'il s'agit de soutiens ou de complices dans un certain nombre d'opérations politiques, passées, présentes ou à venir, l'Etat protège et enrichit ceux qui se moquent de sa loi. Le message est clair : sous ce régime, " qui n'est pas avec moi est contre moi ", et qui est avec moi est protégé et peut sabler le champagne. L'affaire Tapie donne la mesure de l'abaissement de l'Etat.

http://www.lemonde.fr/politique/article/2008/07/25/francois-bayrou-repond-a-bernard-tapie_1076999_823448.html

3.Posté par furaxauboulot le 13/08/2008 22:46
Excellente analyse de BA.
Triste illustration de ceux que l'on a voulu proclamer "représentants de la société civile" comme le sieur Tapie , un tel individu est une tache indélébile sur le double septenat de F. Mitterrand, c'est aussi et surtout la décrédibilisation de cette société civile , moteur d'une société française en déliquesence.
Pour en revenir à l'objet du billet de JPC : " Du Congrès du Kremlin-Bicêtre à la refondation républicaine de la gauche : Soyons l'aiguillon de la reconquête ! ", j'émets les réserves suivantes :
1. Ceux qui ont assuré la survie financière du MRC pendant un temps ont semble-t'il disparus.
2. La direction c'est technocratisée.

4.Posté par furaxauboulot le 28/08/2008 23:02
Que pensez-vous de l'interview d'Alain BADIOU sur le site de Rue 89 ?

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