Cher Jean-Paul, chère famille de Gilberte, chères familles Ilana et Benedetti, chère tribu beaucoup plus large encore de celles et ceux qui aimaient Gilberte, Monsieur le Maire,
Quand j'ai rencontré Gilberte, elle avait trente-cinq ans.
C'était une jeune femme chrétienne. Elle était le vivant témoignage de l'investissement que l’Église avait fait dans le monde ouvrier après la Seconde Guerre mondiale, le levain dans la pâte.
Son regard exprimait toute la confiance dans les valeurs de fraternité et de solidarité qui sont les nôtres, à vrai dire des valeurs chrétiennes laïcisées qui font que, quelles que soient nos croyances, nous partageons la même sensibilité, chrétienne cela va sans dire dans cette église Saint-Joseph, l'église des Alsthommes, là où Gilberte a été baptisée et là où aujourd'hui nous l'accompagnons vers sa dernière demeure. Oui nous savons que les pierres ont une âme dans laquelle tous nous nous retrouvons.
Quand j'ai rencontré Gilberte, elle avait trente-cinq ans.
C'était une jeune femme chrétienne. Elle était le vivant témoignage de l'investissement que l’Église avait fait dans le monde ouvrier après la Seconde Guerre mondiale, le levain dans la pâte.
Son regard exprimait toute la confiance dans les valeurs de fraternité et de solidarité qui sont les nôtres, à vrai dire des valeurs chrétiennes laïcisées qui font que, quelles que soient nos croyances, nous partageons la même sensibilité, chrétienne cela va sans dire dans cette église Saint-Joseph, l'église des Alsthommes, là où Gilberte a été baptisée et là où aujourd'hui nous l'accompagnons vers sa dernière demeure. Oui nous savons que les pierres ont une âme dans laquelle tous nous nous retrouvons.
Une militante. C'est tout naturellement que, formée à la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), déjà militante syndicaliste et secrétaire administrative du CE Alsthom, elle adhéra en 1972 au Parti socialiste dans la fédération du Territoire de Belfort qui avait fait appel à moi pour la revivifier. C'était une belle époque, les années 1970-1980, l'espoir vivait. Il y avait du dynamisme, de la tonicité dans l'air car nous voulions « changer la vie ». C'était avant que le néolibéralisme impose sa loi. C'était une belle époque où on rencontrait des êtres aussi purs et tournés vers les autres que l'était Gilberte. Et combien d'autres auxquelles j'associe son nom, militants purs et généreux.
Gilberte avait souffert dans son enfance des maux qui accablaient alors les classes populaires. Elle répondait au mal par le bien. Elle n'en avait tiré aucune autre conclusion que le don de soi à travers les familles Ilana et Benedetti dont elle a, de fait, adopté les enfants après la mort de leurs parents : neuf chez les Ilana, trois chez les Benedetti, et Christine et Angèle, qui avaient 8 et 6 ans, dont elle a suivi l'éducation. Ce dévouement sans limite et qu'aucun obstacle ne faisait reculer était la marque de fabrique de Gilberte. Toute sa vie a été consacrée aux autres, à l'écoute, au partage et à la solidarité.
Gilberte a épousé Jean-Paul en 1976. Admirable Jean-Paul qui l'a accompagnée dans toutes ces années de militantisme et à qui nous avons volé ses soirées – et je me sens un peu coupable à cet égard. Mais il a aussi accompagné Gilberte dans ses dernières années de souffrances. Jean-Paul n'est plus jeune, mais il a témoigné lui aussi. Il a témoigné à Gilberte une infinie et constante sollicitude, un amour véritable.
Samedi 22 juin 2019. Quelques jours avant sa mort, dont je savais qu'elle était proche, j'étais revenu la voir à l'hôpital. C'était le samedi d'avant la semaine dernière. Nous avons eu une bonne conversation. Jean-Paul était là, un peu en retrait mais très attentif. Je crois qu'elle était heureuse que je sois revenu. Elle était surtout heureuse de sa vie tout entière consacrée au service des autres, telle que je la lui racontais, car elle était trop modeste pour se la raconter à elle-même. De sa famille d'abord, la tribu de Gilberte qui était sa plus grande fierté. De sa vie militante aussi, emblématique d'une gauche qui se voulait alors proche du peuple et de la classe ouvrière.
En 1977, elle entre au Conseil municipal de Belfort où elle deviendra Première adjointe en 1989 à mes côtés. Successivement chargée de mandats importants : le social, les quartiers, la politique de la ville d’abord puis l'éducation et les affaires scolaires. Depuis 1982, elle était aussi Conseillère générale de sa chère « Pépi ». Quatre mandats au total jusqu'en 2008, quand fut venu le moment de passer le relais. Aux côtés de Christian Proust, elle a été le pilier au Conseil général. Nous avions des comptes à rendre à Gilberte. Elle était notre honneur. Ô combien elle a contribué à notre bonne entente. Le regard de Gilberte nous accompagnait et nous obligeait. Je ne manquerais pas de rappeler enfin que Gilberte a été la première femme députée de Territoire de Belfort, et jusqu'à présent la seule. Élue deux fois à mes côtés, en 1988 et en 1997, députée de la deuxième circonscription du Territoire de Belfort, elle a fait deux mandats de trois ans qu'elle a interrompus l'un et l'autre par une démission en 1991 et 2000, destinée à me permettre de porter à nouveau la voix du Territoire de Belfort et celle d’une gauche plus exigeante et plus cohérente à l’Assemblée nationale.
Je revois Gilberte dans mon bureau rue Saint Dominique le 16 janvier 1991 venue me demander la permission de s’abstenir dans le débat de la première guerre d’Irak, dite « guerre du golfe ». Il y avait là Jacques Berque, le grand orientaliste. Le vote avait lieu dans l’après-midi à l’Assemblée nationale. C’est tout naturellement que j’accédai à la demande de Gilberte. Cette contradiction entre le Ministre de la Défense et sa suppléante je savais qu’il m’appartenait de la résoudre et que je la résoudrais.
Elle avait compris qu’au bout de cette guerre ô combien évitable, il y avait al-Qaïda et Daech, le sang, la haine, l’humiliation, la volonté de revanche de l’Orient blessé contre l’Occident myope, pour ne pas dire aveugle. Il fallait témoigner ! Ce n’était pas facile.
Gilberte a attaché son nom à bien des réalisations : le revenu départemental personnalisé d’autonomie, la MIFE (Maison de l’information sur les formations et l’emploi), la sécurité des immeubles après l’incendie de l’hôtel de l’Europe. Mais c’est surtout sa présence attentive, sa constante sollicitude, son écoute des Belfortains qui la faisait aimer. Tous savaient qu’elle avait mon oreille et savait se faire entendre ! Gilberte c’était un trait d’union avec la population de Belfort.
Elle l’a été pour moi aux côtés de tant d’autres que je ne saurais nommer tous.
Je pense à Jackie Drouet bien sûr, à André Kauffmann, à Jean-Louis Wolff et à tant d’autres. Philippe Garot parmi les adjoints, sans oublier ceux venus d’ailleurs prêter à la démocratie belfortaine le précieux appuie de leur savoir-faire : Gérard Jacot et Gabriel Goguillot eux aussi présents dans ma pensée.
Je suis infiniment redevable à Gilberte, car elle m’a tant donné, son temps et surtout sa confiance illimitée.
Gilberte ne se battait pas seulement pour Belfort, elle se battait pour de grandes causes humaines : la dignité des travailleurs. Reste vivante la grève Alstom de 1979 dont elle a fredonné longtemps l’air « le chiffon rouge » ; les droits des femmes qui lui tenaient particulièrement à cœur ; la justice internationale et enfin la paix
La générosité qui était la marque de Gilberte n’avait rien de mièvre.
Gilberte était lucide, sa générosité était combative, elle a toujours montré dans la lutte contre l’injustice une certaine intransigeance
Gilberte a témoigné, au sens chrétien du terme, le témoin qui se sacrifie, mais aussi au sens laïque. Chacun de ses actes a été un repère pour la suite et pour les autres
Oui, Gilberte a témoigné !
Elle a témoigné pour que nous continuions la lutte ! Car la lutte doit continuer. Les Alsthommes ont toujours besoin qu’on se mobilise à leur service, pour préserver leur outil de travail et la somme de compétences accumulées et tout simplement pour
Belfort.
« Le chiffon rouge » associé au souvenir de Gilberte résonne encore dans nos têtes.
Oui, nous avons une dette vis-à-vis de Gilberte. Une dette collective mais aussi personnelle.
Je te dois beaucoup, Gilberte. Tu m’as tout donné et je ne sais pas comment te le rendre, sinon en poursuivant le combat à la mesure de mes forces avec ceux qui dans les générations à venir se souviendront de ton témoignage et voudront le faire vivre.
Gilberte avait souffert dans son enfance des maux qui accablaient alors les classes populaires. Elle répondait au mal par le bien. Elle n'en avait tiré aucune autre conclusion que le don de soi à travers les familles Ilana et Benedetti dont elle a, de fait, adopté les enfants après la mort de leurs parents : neuf chez les Ilana, trois chez les Benedetti, et Christine et Angèle, qui avaient 8 et 6 ans, dont elle a suivi l'éducation. Ce dévouement sans limite et qu'aucun obstacle ne faisait reculer était la marque de fabrique de Gilberte. Toute sa vie a été consacrée aux autres, à l'écoute, au partage et à la solidarité.
Gilberte a épousé Jean-Paul en 1976. Admirable Jean-Paul qui l'a accompagnée dans toutes ces années de militantisme et à qui nous avons volé ses soirées – et je me sens un peu coupable à cet égard. Mais il a aussi accompagné Gilberte dans ses dernières années de souffrances. Jean-Paul n'est plus jeune, mais il a témoigné lui aussi. Il a témoigné à Gilberte une infinie et constante sollicitude, un amour véritable.
Samedi 22 juin 2019. Quelques jours avant sa mort, dont je savais qu'elle était proche, j'étais revenu la voir à l'hôpital. C'était le samedi d'avant la semaine dernière. Nous avons eu une bonne conversation. Jean-Paul était là, un peu en retrait mais très attentif. Je crois qu'elle était heureuse que je sois revenu. Elle était surtout heureuse de sa vie tout entière consacrée au service des autres, telle que je la lui racontais, car elle était trop modeste pour se la raconter à elle-même. De sa famille d'abord, la tribu de Gilberte qui était sa plus grande fierté. De sa vie militante aussi, emblématique d'une gauche qui se voulait alors proche du peuple et de la classe ouvrière.
En 1977, elle entre au Conseil municipal de Belfort où elle deviendra Première adjointe en 1989 à mes côtés. Successivement chargée de mandats importants : le social, les quartiers, la politique de la ville d’abord puis l'éducation et les affaires scolaires. Depuis 1982, elle était aussi Conseillère générale de sa chère « Pépi ». Quatre mandats au total jusqu'en 2008, quand fut venu le moment de passer le relais. Aux côtés de Christian Proust, elle a été le pilier au Conseil général. Nous avions des comptes à rendre à Gilberte. Elle était notre honneur. Ô combien elle a contribué à notre bonne entente. Le regard de Gilberte nous accompagnait et nous obligeait. Je ne manquerais pas de rappeler enfin que Gilberte a été la première femme députée de Territoire de Belfort, et jusqu'à présent la seule. Élue deux fois à mes côtés, en 1988 et en 1997, députée de la deuxième circonscription du Territoire de Belfort, elle a fait deux mandats de trois ans qu'elle a interrompus l'un et l'autre par une démission en 1991 et 2000, destinée à me permettre de porter à nouveau la voix du Territoire de Belfort et celle d’une gauche plus exigeante et plus cohérente à l’Assemblée nationale.
Je revois Gilberte dans mon bureau rue Saint Dominique le 16 janvier 1991 venue me demander la permission de s’abstenir dans le débat de la première guerre d’Irak, dite « guerre du golfe ». Il y avait là Jacques Berque, le grand orientaliste. Le vote avait lieu dans l’après-midi à l’Assemblée nationale. C’est tout naturellement que j’accédai à la demande de Gilberte. Cette contradiction entre le Ministre de la Défense et sa suppléante je savais qu’il m’appartenait de la résoudre et que je la résoudrais.
Elle avait compris qu’au bout de cette guerre ô combien évitable, il y avait al-Qaïda et Daech, le sang, la haine, l’humiliation, la volonté de revanche de l’Orient blessé contre l’Occident myope, pour ne pas dire aveugle. Il fallait témoigner ! Ce n’était pas facile.
Gilberte a attaché son nom à bien des réalisations : le revenu départemental personnalisé d’autonomie, la MIFE (Maison de l’information sur les formations et l’emploi), la sécurité des immeubles après l’incendie de l’hôtel de l’Europe. Mais c’est surtout sa présence attentive, sa constante sollicitude, son écoute des Belfortains qui la faisait aimer. Tous savaient qu’elle avait mon oreille et savait se faire entendre ! Gilberte c’était un trait d’union avec la population de Belfort.
Elle l’a été pour moi aux côtés de tant d’autres que je ne saurais nommer tous.
Je pense à Jackie Drouet bien sûr, à André Kauffmann, à Jean-Louis Wolff et à tant d’autres. Philippe Garot parmi les adjoints, sans oublier ceux venus d’ailleurs prêter à la démocratie belfortaine le précieux appuie de leur savoir-faire : Gérard Jacot et Gabriel Goguillot eux aussi présents dans ma pensée.
Je suis infiniment redevable à Gilberte, car elle m’a tant donné, son temps et surtout sa confiance illimitée.
Gilberte ne se battait pas seulement pour Belfort, elle se battait pour de grandes causes humaines : la dignité des travailleurs. Reste vivante la grève Alstom de 1979 dont elle a fredonné longtemps l’air « le chiffon rouge » ; les droits des femmes qui lui tenaient particulièrement à cœur ; la justice internationale et enfin la paix
La générosité qui était la marque de Gilberte n’avait rien de mièvre.
Gilberte était lucide, sa générosité était combative, elle a toujours montré dans la lutte contre l’injustice une certaine intransigeance
Gilberte a témoigné, au sens chrétien du terme, le témoin qui se sacrifie, mais aussi au sens laïque. Chacun de ses actes a été un repère pour la suite et pour les autres
Oui, Gilberte a témoigné !
Elle a témoigné pour que nous continuions la lutte ! Car la lutte doit continuer. Les Alsthommes ont toujours besoin qu’on se mobilise à leur service, pour préserver leur outil de travail et la somme de compétences accumulées et tout simplement pour
Belfort.
« Le chiffon rouge » associé au souvenir de Gilberte résonne encore dans nos têtes.
Oui, nous avons une dette vis-à-vis de Gilberte. Une dette collective mais aussi personnelle.
Je te dois beaucoup, Gilberte. Tu m’as tout donné et je ne sais pas comment te le rendre, sinon en poursuivant le combat à la mesure de mes forces avec ceux qui dans les générations à venir se souviendront de ton témoignage et voudront le faire vivre.