Carnet de Jean-Pierre Chevènement

Sarkozy et l’Europe : une politique de Gribouille


Le cinquantenaire du traité de Rome va, sans nul doute, être l’occasion de faire tonner les grandes orgues de la bienpensance « européiste » : j’appelle ainsi l’idéologie de ceux qui, au nom de l’idée européenne, ont en réalité mis bas tout ce qui pouvait permettre l’émergence d’un acteur européen stratégique pour le XXIe siècle :


  • suppression de fait du tarif extérieur commun ;
  • politique commerciale ultra libre-échangiste du Commissaire Mandelson qui est prêt à sacrifier notre agriculture à l’OMC ;
  • paralysie organisée de la politique monétaire qui fait de l’euro une monnaie surévaluée d’au moins 30 à 40 % par rapport au dollar, au yuan et au yen ;
  • inféodation à l’OTAN et acceptation unilatérale par la Pologne et la Tchéquie du bouclier spatial américain.

    A cet égard, M. Sarkozy fait une proposition très inquiétante : il veut reprendre dans un traité soumis au seul Parlement « le paquet institutionnel qui n’est contesté par personne ».

    Or, la création d’un « ministère européen des Affaires Etrangères » ne saurait, en l’état actuel des rapports de forces entre les vingt-sept, qu’enchaîner un peu plus la politique extérieure de l’Europe en gestation à la diplomatie de Washington. Cette proposition doit être rejetée. Elle est de plus inepte : si la France veut revoir les dispositions du traité intéressant la politique monétaire, économique et sociale, et notamment les statuts de la Banque Centrale européenne, il est totalement contreproductif de gaspiller par avance ses munitions en accordant d’emblée à l’Allemagne tout ce qu’elle souhaite, c’est-à-dire « la substance » de la Constitution, sans faire de la partie institutionnelle une monnaie d’échange avec la partie économique et sociale du traité. Politique de Gribouille. Seul un nouveau référendum peut nous préserver de ce type de dérive.


Rédigé par Jean-Pierre Chevènement le Lundi 19 Mars 2007 à 13:08 | Lu 9552 fois



1.Posté par rajeev le 20/03/2007 01:21
On peut ajouter à ce rappel bienvenu des positions de N. Sarkozy par J.P Chevènement que François Bayrou, quant à lui, ignorant le vote du 29 mai continue de proner une Europe Fédérale et un nouveau référendum sur la Constitution européenne comme si le vote du 29 mai 2005 ne suffisait pas. Sur les autres points, sa position ne diffère pas de celle de Nicolas Sarkozy : ministre des affaires étrangères européen, euro fort etc...

2.Posté par Claire Strime le 20/03/2007 09:32
La proposition de MAE européen n'est peut-être pas "inepte" mais dangereuse, ce serait un pas de plus-décisif- vers la constitution d'un empirillon, membrane subordonnée à l'Empire étatsunien. Il n'y aurait plus alors qu'à entériner, sans débat dans les parlements nationaux (réduits alors pour le coup à des conseils régionaux), une poltique agressive envers la Russie, le monde musulman (le livre de Huntington étant bien entendu le livre de chevet du nouveau MAE), la Chine, les pays sud-américains qui osent résister à l'Empire...
L'esprit européen se résumerait alors à mettre un peu plus de vernis humanitaire et d'onction papale que l'on en met habituellement outre-atlantique: ainsi pourraient s'enchaîner 2, 3 Iraks, avec le retour de l'Idéologie du début des années 1990.

Apocalypse now version globalisée???
C'est aussi un des enjeux de cette présidentielle; là dessus aussi le choc des idées avec M.Sarkozy sera frontal.

3.Posté par vitte le 20/03/2007 15:12
Je ne résiste pas au plaisir de vous citer de larges extraits de la chronique, intitulée « les perspectives de la France », que le regretté Michel Jobert dit à Radio Méditerranée Internationale (Tanger) le 13 mai 1995, tant ils me semblent inusables:
« Au soir du 7 mai, quand les chiffres électoraux furent connus, le nouveau Président de la République déclara notamment : « Lorsque nous aurons fait reculer ces fléaux (le chômage , l’exclusion), alors la France redeviendra elle-même, terre de liberté, de fraternité, d’égalité des chances, terre de solidarité. De nouveau naîtra dans notre pays l’espoir de l’ascension sociale, de nouveau le progrès sera attendu et l’avenir désiré. De nouveau la patrie des droits de l’homme rayonnera dans le monde et de nouveau la France sera le moteur de l’Union européenne, gage de paix et de prospérité pour notre continent…Alors, la France redeviendra un phare pour tous les peuples du monde et c’est sa vocation ».
Ayons la distinction de ne pas considérer ces paroles comme de pure circonstance. Elles engagent. Assurons-nous plutôt, après les avoir entendues, de la réalité du monde dans lequel elles tombent et de la justesse de l’analyse qui sera faite de celui-ci. Il s’agit donc de clairvoyance. Et soulignons les orientations qu’il faudra prendre comme la ténacité qui sera nécessaire, cette grande vertu de l’homme d’Etat.
Depuis le 9 novembre 1989 , l’ordre de Yalta s’est effondré…(30 lignes sur la situation internationale)…
Pour nous limiter à la France et à la déclaration présidentielle, déjà citée, du nouveau titulaire de l’Elysée, faisons deux constatations simples : l’Allemagne réunifiée a été la clé qui a ouvert la porte murée de l’ordre de Yalta. Cette opération accomplie, la construction européenne apparaît dans sa véritable lumière : celle d’un contre-feu aux menaces soviétiques, allumé à l’abri de l’Amérique. Or, aujourd’hui, le monde s’est libéré et les nations y trouvent une place ou retrouvent celle qu’elles avaient perdue. Telle l’Allemagne, qu’il ne s’agit plus d’arrimer, par précaution, à un système européen quelconque. N’entrons pas dans l’avenir à reculons. La France est la nation qui a fait l’effort le plus considérable pour l’Union européenne. Elle est entourée d’amis et d’alliés. Elle est la mère universelle du concept d’Etat-Nation. Elle en est aussi le plus fidèle interprète. Nul ne lui demande, sauf quelques idéologues, de renoncer à cette nature et à un capital d’une valeur universelle, qui lui donne un rang enviable à l’échelle du monde. L’Union européenne doit être une Europe des nations dans un monde de nations, au lieu de s’imaginer un bloc, cimenté autour d’un couple franco-allemand, pour régenter le continent et défier, si c’est encore nécessaire, l’Amérique. Est-il présomptueux d’avoir déduit cette orientation des mots lancés avec gravité par le Président de la République, dans l’euphorie de sa victoire ? Est-il superflu de considérer que toute nation qui respire librement est une grande nation et que le monde nouveau est une aventure collective pour laquelle elle dispose d’un droit imprescriptible ? «
Esprit de Jobert inspire les tous !


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