Entretien de Jean-Pierre Chevènement au magazine L'Arche, novembre 2016.
L’Arche : Quand vous parlez de « défi de civilisation », et puisqu’aussi bien vous rappelez que la société occidentale est la seule à avoir la capacité de se remettre en question, est-ce à dire qu’on assiste à un clash de civilisation ?
Jean-Pierre Chevènement : Le clash de civilisation est une hypothèse formulée pour la première fois par Samuel Huntington en 1994. Il ne faut pas se tromper sur la pensée de Huntington. Il ne souhaite pas le clash de civilisation, il dit qu’il est possible. À l’époque, son livre a suscité des polémiques pas toujours justifiées. Bien entendu, on peut critiquer la manière dont il définit les civilisations. Je ne suis pas sûr par exemple qu’on puisse opposer une civilisation occidentale et une civilisation orthodoxe. Je préfère, quant à moi, ne pas utiliser ce concept. Je préfère considérer que la nation constitue la brique de base de la vie internationale. Par exemple, dans le monde arabe, l’Algérie n’est pas le Maroc, chacun le sait. Ce n’est pas non plus l’Arabie saoudite. L’Egypte est encore quelque chose de différent. Et il me semble que c’est également vrai des pays dits occidentaux. La France n’est pas un pays anglo-saxon, c’est un pays qui a son histoire propre, et culturellement sans véritable équivalent dans le monde anglo-saxon. Certes, nous partageons les valeurs de la démocratie, mais nous avons une culture républicaine où la valeur d’égalité tient une place éminente. Cela vient de notre histoire, et en particulier de notre révolution à laquelle je consacre quelques pages de ce livre, dans le chapitre consacré au patriotisme républicain. Donc, l’idée d’une guerre de civilisations, je vois bien qui elle arrange, elle arrange Daesh d’abord. Les salafistes djihadistes organisent des attentats parce qu’ils veulent nous précipiter vers une guerre civile, dresser les citoyens français, et d’une manière générale les Occidentaux, contre l’ensemble des musulmans qui finiraient par reconnaître l’idée du califat islamique.
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le 18 Novembre 2016 à 21:56
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Commentaires (11)
Jean-Pierre Chevènement était le Grand témoin de Radio Notre Dame, jeudi 17 novembre 2016.Agenda et médiasJean-Pierre Chevènement était l'invité de Zemmour et Naulleau sur Paris Première, mercredi 16 novembre 2016.Agenda et médiasJean-Pierre Chevènement était l'invité du Grand angle du 64' de TV5 Monde, mercredi 16 novembre 2016.Dépêche AFP, mercredi 16 novembre 2016, 16h15.
L'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement a estimé mercredi que ce ne serait "pas déshonorant" pour François Hollande de renoncer à se représenter à la présidentielle de 2017, "un choix qui lui appartient".
Invité à dire si le président Hollande était en état de se représenter, au vu des mauvais sondages, M. Chevènement a estimé, devant l'Association des journalistes parlementaires (AJP), qu'il avait "le choix entre deux solutions". François Hollande peut "se représenter, c'est normalement ce que font les présidents sortants", et "puis, il y a un autre choix, qui n'est pas déshonorant", a estimé cet ex-ministre et ancien sénateur, dans une allusion à un renoncement. A ses yeux, cette deuxième option consisterait à dire: "J'ai fait les choix qui me paraissaient bons pour le pays, en même temps je vois que beaucoup de gens ne sont pas convaincus et que, peut-être, les résultats ne sont pas tout à fait à la hauteur de ce que j'espérais moi-même, donc je considère qu'il n'est pas déshonorant de..." et cela "serait un discours de dignité." Entretien de Jean-Pierre Chevènement à Paris Match, propos recueillis par Elisabeth Chavelet, mardi 15 novembre 2016.
Paris Match: Dans votre livre, vous dénoncez avec vigueur l’absence de patriotisme économique des «élites mondialisées», rejetées de ce fait par les classes populaires. Ce rejet est-il la raison numéro un de l’élection de Donald Trump? En annonce-t-il d’autres?
Jean-Pierre Chevènement: Bien sûr! L’échec d’Hillary Clinton est celui de la stratégie de «Terra Nova» : quand le peuple se révolte, l’addition des minorités ne suffit plus, comme le croit le think tank social-libéral, à faire une majorité. Regardez en France ce qui vient de se passer chez Alstom Transport, dans l’usine de locomotives de Belfort. Elle employait 1500 personnes en 1995, seulement 480 aujourd’hui. Que s’est-il passé? La direction a donné à fabriquer les composants à des pays à bas coûts, en République tchèque et ailleurs. Et on a jeté aux orties le savoir faire des ingénieurs, ouvriers et techniciens pour pouvoir distribuer plus d’argent aux actionnaires avec comme perspective la fermeture de l’usine : une catastrophe. Le capitalisme financier est arrivé à bout de souffle. Les peuples le rejettent. On s’étonne de l’élection de Trump. Mais ceux qui ont soutenu le développement de cette mondialisation financière sous Reagan, puis Bush père, puis Bill Clinton et Bush fils, ne devraient pas s’étonner de la profondeur du rejet. Plus les élites sont mondialisées, comme elles le sont en France, et moins elles comprennent ce rejet. Etes-vous inquiet ou satisfait de l’élection de Donald Trump? Le peuple américain s’est exprimé. Je ne dis pas que Trump ne m’inquiète pas par son imprévisibilité mais il faut faire avec lui. Comprendre plutôt qu’anathématiser. Concernant l’interventionnisme militaire extérieur, j’aurais été aussi inquiet et même plus après une élection d’Hillary Clinton. Elle a soutenu toutes les interventions idiotes en Irak, en Libye et en Syrie en 2013. Si les frappes envisagées avaient eu lieu, elles auraient porté les islamistes au pouvoir à Damas. Les néocons qui la prônaient existent aussi en France. Heureusement, Barack Obama ne s’est pas laissé faire!
La disparition de Malek Chebel est une perte considérable. Toute sa vie a été consacrée à préparer les évolutions nécessaires de l’islam, en soulignant qu’il était conciliable avec la République, dès lors qu’une « réorganisation sérieuse d’un système de pensée et d’attitude » était engagée. Pour l’avoir convié, aussi bien à la Fondation Res Publica qu’à l’Association France Algérie, je garde présent à l’esprit sa conviction : croyants dans un pays laïc, les musulmans de France doivent être considérés comme « des citoyens à part entière, accessoirement des croyants ; la citoyenneté est le lien viscéral qui nous unit tous ». Sa lucidité, sa culture, son érudition ont ouvert des voies fécondes pour la naissance d’un islam de France. Sa pensée continuera d’éclairer tous ceux qui se sont engagés dans cette voie. Je salue la mémoire d’un homme de foi et de vérité, dont l’œuvre aidera notre pays à surmonter les défis actuels.
La victoire de Donald Trump est à coup sûr une défaite de l’establishment. Venant après le Brexit, elle est une nouvelle pierre jetée dans le jardin de la globalisation néolibérale.
Elle devrait aussi inciter les Européens à penser l’avenir d’une Europe européenne, de l’Atlantique à la Russie, capable de se déterminer par elle-même, alliée des Etats-Unis mais non alignée sur eux. |
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