Entretien de Jean-Pierre Chevènement à la Tribune, 13 février 2010.
Le sénateur du Territoire de Belfort, président du Mouvement républicain et citoyen, a toujours été opposé à l'euro. Il s'exprime aujourd'hui pour «La Tribune».
La Tribune : Les Vingt-Sept ont exprimé, jeudi, leur soutien à l'égard de la Grèce, qui est aujourd'hui l'économie malade de l'Europe. Cette déclaration ne renforce-t-elle pas la crédibilité de la zone euro ? Jean-Pierre Chevènement : En premier lieu, il faut d'abord s'interroger sur le cas de la Grèce : ce pays n'est pas, du point de vue de son endettement, dans une situation plus difficile que l'Italie ou la Belgique, et son économie, en termes de PIB, est relativement marginale dans l'Europe. Il est donc surprenant de constater que les agences de notations puissent ainsi lancer la curée contre ce pays, et plus généralement contre la zone euro qui, bien sûr, est une zone économique hétérogène. Il est plus que temps de s'interroger sur le rôle des marchés et de la spéculation. Il suffit de décourager la spéculation, et, parallèlement, d'obtenir des Grecs qu'ils fassent un minimum d'efforts. Ce serait d'autant plus réalisable avec une croissance européenne plus forte et une monnaie moins surévaluée. Deux conditions qui ne sont pas réunies aujourd'hui. Pour deux raisons : les défauts de conception de la monnaie unique, inhérents au traité de Maastricht, et la politique de déflation salariale allemande qui, depuis dix ans, plombe la croissance européenne et creuse les déficits... chez les autres. Les textes européens interdisent pourtant l'éventualité d'un plan de sauvetage de la Grèce par les États membres... Évidemment, le traité de Lisbonne est idiot. Son article 123 interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales nationales d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions européennes et aux États. Or c'est exactement ce qu'ont le droit de faire la Réserve fédérale américaine ou la Banque d'Angleterre : ne faudrait-il pas, dans certaines limites, s'affranchir de cet article, comme on a su le faire auparavant pour d'autres dispositions du traité ? Prohibition des aides d'État, principe de la « concurrence libre et non faussée », interdiction des déficits budgétaires en dessous de la barre de 3 % du PIB. En fait, on ne compte plus la liste des articles du traité rendus caducs par la crise. Le pacte de stabilité n'y a pas résisté : tous les pays, y compris l'Allemagne, sont sortis des clous. Il est donc vraiment temps de revoir ce traité, profondément réactionnaire.
Mots-clés :
allemagne
bce
dette publique
euro
europe
gouvernement économique
grèce
traité de lisbonne
traité de maastricht
Rédigé par Chevenement.fr le 13 Février 2010 à 09:26
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ActualitésLes actes du séminaire du 30 novembre 2009 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
Agenda et médiasL'émission, présentée par Frédéric Haziza et Claude Askolovitch, dure 27 minutes et sera diffusée dimanche 7 février à : 8h31, 16h31 et 23h31.
Le thème de l'émission : "le mal français" avec :
Bien sûr, j’ai lu les commentaires à mon billet concernant la lecture que j’ai faite du livre de Lionel Jospin.
A Michel Joblot :
Nous avons en effet cherché à apporter à la gauche : « la République, la nation, le respect du travail et des travailleurs, la défense des valeurs de la famille, la prise en compte du droit à la sécurité, le rempart face aux offensives sans-papiéristes, le souci de l’unité nationale et de la justice sociale, la lucidité sur la question européenne et sur l’hégémonie américaine, les dangers de la mondialisation, le redressement nécessaire de l’Ecole de la République, la défense de la laïcité, le rôle de la France dans le monde. » Beaucoup de socialistes, je le crois, l’ont compris même s’ils n’osent pas assez le dire. Aux élections régionales, le MRC ne peut contracter d’alliance qu’avec le PS. Les Verts ont rompu avec l’héritage des Lumières. Le Front de gauche est, hélas, une « queue de comète ». À Nicolas Sarkozy, je ne fais pas de procès en légitimité, mais je vois ce qui nous sépare de son projet libéral, européiste et « occidentaliste » (cf. le retour à l’OTAN et notre suivisme en Afghanistan). Le ciel des idées brille au-dessus de nos têtes mais nous sommes sur la terre… Alors il faut choisir ou aller cultiver notre jardin. A Gérard Couvert : Un bref retour sur le passé : Il est vrai qu’en février 2002, j’ai refusé d’infléchir mon discours sur l’immigration, en proposant un « moratoire », comme certains me l’ont alors suggéré. Je ne le regrette pas. A Alain Feler : La connaissance du passé éclaire l’avenir et nous aide à le construire. A Bernard : Il est évidemment difficile de construire un mouvement politique organisé dans le système bipolaire qui résulte des institutions. Mais il n’est pas inutile de combattre pour ses idées. Celles-ci, un jour, resurgiront, quand un espace s’ouvrira à la France. Les actes du colloque du 23 novembre 2009 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.
Réunion avec Jean-Pierre Chevènement mardi 9 février 2010 à 19h à la Mairie du XIe arrondissement, place Léon Blum, Métro Voltaire (ligne 9).
A l'attention des adhérents et sympathisants du Mouvement Républicain et Citoyen :
Réunion organisée à l'initiative de Georges Sarre, Conseiller de Paris, Ancien Ministre, avec : Jean-Pierre Chevènement, Sénateur du territoire de Belfort, Ancien Ministre sur le thème : «Peut-on sortir du piège dans lequel la Gauche a été enfermée ?»
Mots-clés :
gauche
Certains m’interrogent sur le dernier livre de Lionel Jospin qui n’est pas avare de méchancetés à mon égard. Faut-il même y répondre ? J’ai hésité. Mais comme dit le proverbe « Qui ne dit mot, consent ».
Ce qui m’a le plus intéressé, à vrai dire, dans ce livre c’est l’histoire des choix tactiques et des conflits d’appareil qu’il éclaire d’une vive lumière, s’agissant de l’histoire interne du Parti socialiste sur la période 1988-92 notamment. Ce qui me frappe le plus c’est l’absence de réflexion stratégique sur trente ans d’histoire de la gauche. Dans ce livre il n’est presque jamais question de la France. Elle disparaît. Elle est comme happée par « l’Europe » que l’ancien Premier ministre a acceptée comme le choix directeur qui commandait tous les autres, même s’il confesse, au passage, « l’insuffisance de ses contenus sociaux » et son « libéralisme excessif » (p. 178). Pour procéder à un véritable examen de conscience, Lionel Jospin aurait dû se poser quelques questions : quand a-t-il cherché à corriger ce libéralisme excessif ? En disant « non au non » au traité de Maastricht ? En signant le pacte dit « de croissance et de stabilité », en 1997 ? En organisant la libéralisation des services publics, lors des sommets de Lisbonne (2000) et de Barcelone (2002) ? Ou encore en cautionnant l’idée d’une Constitution européenne en 2000, pour laquelle il fera campagne en 2005 ? Intervention de Jean-Pierre Chevènement, Sénateur du Territoire de Belfort, Motion de renvoi en commission (Projet de loi réforme des collectivités territoriales), Sénat, 20 janvier 2010.
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes chers collègues,
Cette réforme ne procède pas d’une pensée claire. Son examen vient dans un ordre inverse à celui qu’eût inspiré la logique. Il eût fallu partir du rôle des collectivités territoriales et de leurs compétences, régler ensuite leur organisation, pourvoir enfin à leurs recettes. Or, c’est le contraire qui a été fait. Le problème des recettes a été traité mais pas réglé. Nous ne connaissons pas encore les compétences dans lesquelles seront enfermés les départements et les régions. L’objectif premier, comme le Président de la République l’a d’ailleurs clairement déclaré, est d’associer les collectivités territoriales à la rigueur budgétaire. Les financements croisés seront interdits, sauf exceptions dont l’article 35 de ce projet de loi renvoie à un an la définition. L’élection des conseillers territoriaux qui devraient remplacer les conseillers généraux et les conseillers régionaux aura lieu selon un mode de scrutin que nous ne connaissons pas. Elle fera régresser la parité et fera du problème des cumuls un véritable casse-tête. Ce projet porte la marque d’une excessive précipitation : « Qui trop embrasse, mal étreint ». Le Sénat n’entend pas se laisser encore une fois mettre devant le fait accompli et se voir réduire au rôle d’une simple chambre d’enregistrement. |
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