Entretien de Jean-Pierre Chevènement au Figaro, mercredi 31 août 2016, propos recueillis par Jean-Marie Guénois et Vincent Tremolet de Villers.


Jean-Pierre Chevènement: mon plan pour construire l'islam de France
Sur décision de Bernard Cazeneuve, Jean-Pierre Chevènement va prendre la tête de la Fondation pour l'islam de France. Des polémiques sur son appel à la «discrétion» des musulmans, à la formation des imams en passant par le financement des mosquées, il expose au Figaro sa vision de ce que devrait être l'islam de France. La ligne de crête qu'il emprunte pour éviter l'embrasement du pays n'est pas la plus aisée. L'ancien ministre de l'Intérieur veut cependant croire que la politique peut nous permettre de surmonter sereinement cette nouvelle fracture française.

Le Figaro : Pas encore élu à la tête de la Fondation pour l'islam de France, les critiques fusent. On vous reproche d'avoir conseillé la «discrétion» aux musulmans de France. Un député PS s'en est pris publiquement à vos propos, notamment cette phrase prononcée lundi matin sur France Inter: «Il y a à Saint-Denis par exemple 135 nationalités et il y en a une qui a quasiment disparu»…
Jean-Pierre Chevènement: Ces critiques publiquement exprimées ne m'ont pas échappé. Je parlais évidemment de la classe ouvrière française. La plupart de ces critiques ont un arrière-plan politique: elles procèdent d'une philosophie communautariste que j'ai toujours combattue en tant que républicain laïc. Bien que la Fondation soit d'intérêt public et que son objectif ne soit nullement cultuel, certaines voix se sont élevées pour réclamer la nomination d'une personnalité musulmane. Certaines de ces personnes s'estimaient sans doute aussi mieux qualifiées.

Je n'ai recommandé «la discrétion» que dans l'espace public de débat qui est un espace commun à tous les citoyens où j'incite non seulement les musulmans mais toutes les religions à s'exprimer de manière argumentée plutôt que par la proclamation de leur Révélation. J'ai appris que cette formulation était aussi celle de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Coïncidence pour une fois heureuse.

J'ai enfin évoqué, sur les ondes de France Inter, le ralentissement du processus de l'intégration qui, à mon sens, doit reprendre. Bien entendu, la question de l'emploi est centrale. Mais en laissant s'opérer des concentrations de populations immigrées dans certaines communes, nous avons aussi contribué au ralentissement du processus de l'intégration. J'ai pris l'exemple de Saint-Denis, j'aurai pu en prendre d'autres. C'est un fait qu'il y a 135 nationalités à Saint-Denis mais dans mon esprit c'est le communautarisme qui pose problème et j'ai évoqué très clairement la disparition de la classe ouvrière française traditionnelle qui constituait un puissant facteur d'intégration. Notamment à travers ses organisations politiques et syndicales ou à travers l'école où la maîtrise de la langue française n'est plus assurée dans les petites classes. Quiconque veut bien se reporter à ce que j'ai dit sur France Inter verra la logique de mon raisonnement (il y a le problème de la laïcité mais il y a aussi celui de l'intégration) et ne cédera pas aux procès d'intention fielleux qui me sont faits par quelques snipers de plume et de micro dont je suis la cible depuis très longtemps. Il ne faut quand même pas renverser les rôles!

Jean-Pierre Chevènement était l'invité de Patrick Cohen sur France Inter, lundi 29 août 2016.


Verbatim :

[L’idée de faire émerge un islam républicain] devrait être rendue à Jacques Berque, très grand arabisant et immense écrivain, qui avait cette idée que les musulmans vivant en France, pour la plupart de nationalité française, devraient aider à faire évoluer l’islam et à renverser ce courant du fondamentalisme religieux qui existe dans le monde arabe musulman depuis à peu près quatre décennies (1979).

J’avais initié la consultation de 1999 avec toutes les sensibilités de l’Islam en France pour bâtir, pour faire émerger, cet Islam de France, c’est-à-dire autonome dans ses sources de financement et dans sa pensée.
Le dispositif retenu est simple. Bernard Cazeneuve, dont j’apprécie la maîtrise qu’il a de ses dossiers et de son langage, l’a rappelé. C’est un tripode, il y a trois pieds.

Premièrement, il y a la fondation dont l’objet est profane. La Fondation va aider des projets éducatifs, culturels, sociaux, elle va financer des recherches en islamologie, faire en sorte que le contact soit pris avec la jeunesse.

A côté d’elle, qui est une fondation reconnue d’utilité publique, il y aura une association cultuelle, de la loi de 1905, qui elle interviendra sur l’aspect religieux, autrement dit la construction de lieux de culte, ou la formation religieuse des imams. Cette association sera adossée à la fondation.

Les actes du colloque du 23 mai 2016 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.


Actes du colloque de la Fondation Res Publica: "Intégration, laïcité, continuer la France"

Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 29 Août 2016 à 08:00 | Permalien | Commentaires (2)

Dépêche AFP, dimanche 28 août 2016, 12h13.


Chevènement: bâtir un "islam de France" sur une fondation, "cause nationale"
L'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement voit dans la construction d'un "islam de France", autour d'une fondation dont il doit prendre la présidence, une "cause nationale qui devrait réunir la gauche et la droite", dans un entretien à l'AFP.

QUESTION: Comment va fonctionner cette nouvelle Fondation pour l'islam de France, dont les principes seront présentés lundi par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve ?
Globalement, cette fondation, qu'il faudra reconnaître d'utilité publique, doit respecter le principe de la laïcité, donc son objet est profane: elle sera en charge de questions sociales, culturelles et éducatives.
Dans la formation des imams, elle ne traitera que des aspects civiques, juridiques. Tout ce qui est religieux est hors de son champ. C'est pourquoi on va lui adosser une association cultuelle - loi de 1905 - qui aura pour mission ce qui a trait à la formation religieuse ou au financement de la construction de lieux de culte. J'ai fait connaître ma position vis-à-vis des financements étrangers: j'y suis opposé. Il y a des ressources en France. Les musulmans sont 4,1 millions selon l'Ined (Institut national d'études démographiques), leur pratique est notablement supérieure à celle d'autres croyants. Faisons confiance à l'imagination de ceux qui auront en charge ce dossier.

Les actes du colloque du 6 juin 2016 sont disponibles en ligne sur le site de la Fondation Res Publica.


Actes du colloque de la Fondation Res Publica: "Où va l'Inde?"
  • Accueil de Jean-Pierre Chevènement, Président de la Fondation Res Publica

Rédigé par Jean Pierre Chevenement le 24 Août 2016 à 19:50 | Permalien | Commentaires (0)

Jean-Pierre Chevènement était l'invité d'Europe 1 Matin, mardi 16 août 2016, il répondait aux questions de Samuel Etienne.


Verbatim :

Nous vivons un temps d’épreuves. Je n’ai pas besoin de vous le rappeler, les attentats de Nice, c’était il y a un mois.
Face à ces épreuves, les pouvoirs publics et l’ensemble de nos concitoyens ont un certain nombre de devoirs. D’abord, comprendre ce que signifie la présence en France de quatre millions cent mille musulmans, ce sont les statistiques de l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) qui sont pour la plupart français, et il y a un gros effort à faire, non seulement pour les accepter, les comprendre et faire qu’ils puissent bénéficier de tous les droits dont disposent les citoyens français.

La Fondation pour l’Islam de France sera reconnue d’intérêt public, qui n’interviendra pas dans le domaine du cultuel mais par exemple dans la formation profane des imams.

[Quand serez-vous à sa tête ? ] quand le conseil d’administration se sera réuni et m’aura désigné, s’il veut bien me désigner. Personnellement, je ne suis pas candidat, je suis disponible. J’ai dit que je ne me déroberai pas à cette demande parce que je crois qu’elle répond à un grand intérêt public.

Ce qui est important pour promouvoir cette fondation qui n’aura que des objectifs profanes, c’est-à-dire la formation des imams aux principes généraux du droit ou bien encore une meilleure connaissance de la civilisation musulmane, le financement d’un institut profane en islamologie, la promotion de projets culturels ou éducatifs par des associations de jeunes - prenons l’exemple des scouts musulmans. Disons que beaucoup de choses sont à faire pour créer des ponts entre nos concitoyens, qui ne sont pas toujours musulmans, de tradition musulmane, mais dont certains sont de confession musulmane, ils doivent pouvoir pratiquer librement leur culte. J’avais pris des initiatives à ce titre en 1999. C’est, j’imagine, ce qui a déterminé M. Cazeneuve à faire appel à mes services.

Dépêche AFP, mardi 16 août 2016, 10h34.


Burkini à la plage: les maires "fondés" à interdire en cas de "nécessité d'ordre public" (Chevènement)
Jean-Pierre Chevènement, pressenti pour prendre la direction de la Fondation pour l'islam de France, s'est dit lundi favorable à une "liberté" de tenues à la plage, mais estimé que les maires sont "fondés" à interdire le burkini en cas de "nécessité d'ordre public".
"Les gens sont libres de prendre leur bain costumés ou non. (...) Ma position, c'est la liberté sauf nécessité d'ordre public. Quand il y a la possibilité de heurts, comme il a pu s'en produire à Sisco en Corse, le maire de Sisco, comme le maire de Cannes, sont fondés à prendre des arrêtés. Ça fait partie des pouvoirs des maires qui sont chargés d'assurer la tranquillité publique", a déclaré l'ancien ministre de l'Intérieur sur Europe 1.
"Il ne faut pas flatter les communautarismes (...). Il faut plus d'amitié civique", a-t-il ajouté.
Le maire PS de Sisco (Haute-Corse) Ange Pierre Vivoni a interdit le port de burkini après qu'une rixe a éclaté samedi sur la plage alors que, selon des témoins, des touristes prenaient en photo plusieurs femmes qui se baignaient en burkini.
Le 28 juillet, le maire Les Républicains (LR) de Cannes, David Lisnard, avait également pris un arrêté similaire, suivi le 5 août par le maire (LR) de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes), Lionnel Luca.
Jean-Pierre Chevènement a également déploré la "polémique subalterne et stupide" suscitée par son conseil de "discrétion" aux musulmans.

Dépêche AFP, lundi 15 août 2016, 12h28.


Pressenti à la Fondation pour l'islam, Chevènement conseille la "discrétion" aux musulmans
Paris, 15 août 2016 (AFP) - Pressenti pour prendre la tête de la Fondation pour l'islam de France, Jean-Pierre Chevènement estime que les musulmans "doivent pouvoir pratiquer leur culte en toute liberté" mais conseille la "discrétion" dans l'espace public "dans cette période difficile".
"Les musulmans, comme tous les citoyens français, doivent pouvoir pratiquer leur culte en toute liberté. Mais il faut aussi qu'ils comprennent que, dans l'espace public où se définit l'intérêt général, tous les citoyens doivent faire l'effort de recourir à la +raison naturelle+", explique l'ancien ministre de l'Intérieur dans une interview parue dans Le Parisien lundi.
"Le conseil que je donne dans cette période difficile - comme le recteur de la mosquée de Bordeaux - est celui de discrétion", poursuit-il, alors que les polémiques se succèdent autour du port du voile et désormais du burkini.
Début août, François Hollande avait évoqué son nom de façon informelle pour prendre la tête de la nouvelle Fondation pour l'islam de France, que l'exécutif veut remettre sur les rails.
Relancer la fondation est "une bonne réponse à la poussée du terrorisme", estime M. Chevènement, répétant son intention de ne pas "se "dérober" à cette mission. Début août, il avait annoncé à l'AFP qu'il se prononcerait officiellement à la rentrée.
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