Selon Paul Thibaud (Marianne du 21 février), la gauche, depuis 1962, n’est plus capable de refonder et de « relancer le destin national ». Son échec dans la décolonisation la poursuivrait encore aujourd’hui à travers le désir de revanche incarné de 1958 à 1981 par François Mitterrand qui aurait étouffé tout effort de refondation intellectuelle et morale.
Paul Thibaud incrimine l’immobilisme idéologique, celui du programme commun contre le « mouvement d’émancipation culturelle et générationnelle » de 1968 débouchant sur le vide politique. C’est pourquoi la victoire politique de 1981, celle d’un « volontarisme politique artificiel », se serait avérée « creuse ». La gauche serait toujours aujourd’hui sur la ligne mitterrandienne (« la foi sans les œuvres », d’où un « immobilisme agité, velléitaire, dangereux, qui déprime les Français »).
Certes il y a du vrai dans la description de Paul Thibaud : François Mitterrand n’était pas porté sur l’autocritique, mais De Gaulle non plus. Il s’est servi de l’union de la gauche pour venir au pouvoir mais surtout il a substitué au projet de transformation sociale de 1981 - non sans hésitation d’ailleurs - une Europe technocratique et libérale tournant le dos aux aspirations populaires.
Paul Thibaud incrimine l’immobilisme idéologique, celui du programme commun contre le « mouvement d’émancipation culturelle et générationnelle » de 1968 débouchant sur le vide politique. C’est pourquoi la victoire politique de 1981, celle d’un « volontarisme politique artificiel », se serait avérée « creuse ». La gauche serait toujours aujourd’hui sur la ligne mitterrandienne (« la foi sans les œuvres », d’où un « immobilisme agité, velléitaire, dangereux, qui déprime les Français »).
Certes il y a du vrai dans la description de Paul Thibaud : François Mitterrand n’était pas porté sur l’autocritique, mais De Gaulle non plus. Il s’est servi de l’union de la gauche pour venir au pouvoir mais surtout il a substitué au projet de transformation sociale de 1981 - non sans hésitation d’ailleurs - une Europe technocratique et libérale tournant le dos aux aspirations populaires.
La relance par De Gaulle de l’Histoire nationale, après 1962, s’est incarnée dans des choix (des institutions stables, la dissuasion, la sortie de l’OTAN, l’indépendance de notre politique extérieure) beaucoup plus que dans une modernisation économique entamée, elle, par la IVe République, sur la base du programme du CNR, programme d’union nationale, mais marqué par la gauche. Pour relancer à nouveau l’histoire nationale, en 1981, la gauche devait rebattre les cartes en matière économique et sociale.
Ce n’est pas la passion de la revanche (passion bien ordinaire) qui a nourri l’immobilisme idéologique de la gauche, c’est son incapacité à rendre compte du tournant qu’elle a opéré dans les années quatre-vingt en cédant au vent néolibéral qui soufflait d’Amérique : revalorisation de la Bourse, réhabilitation du profit et d’abord dans le partage de la valeur ajoutée, sacralisation du principe de la concurrence à travers l’Acte Unique, libération des mouvements de capitaux et enfin, et peut-être surtout, dévalorisation de la nation à travers le mythe européen. Cette incapacité à « refonder » va de pair avec le choix libéral et européen qui renvoie la nation aux oubliettes. La vision instrumentale de l’union de la gauche a relégué à l’arrière plan l’effort conceptuel qui avait été fait pour donner à la gauche un projet moderne : politique et restructurations industrielles à travers les nationalisations, priorité à la recherche et à sa valorisation, modernisation du « dialogue social », etc. Cette politique a été bel et bien torpillée par l’ouverture de la « parenthèse libérale » en mars 1983.
Naturellement on peut discuter à l’infini de la faisabilité d’une « autre politique ». Constatons simplement où a conduit « la seule politique possible » : à l’éloignement des couches populaires à l’égard de la gauche et à la crise actuelle de la « mondialisation libérale à laquelle le PS a sacrifié l’originalité de son projet et de ses valeurs.
Relancer le destin national ? De Gaulle n’y pouvait parvenir seul dans les années soixante avec l’appui d’une droite qui se méfiait de lui. La translation opérée de droite à gauche à travers la stratégie de l’union de la gauche était alors le seul moyen de sauver ce que la Ve République apportait de fondamentalement positif (des institutions stables, une défense moderne reposant sur la dissuasion, une politique extérieure indépendante). Mais cela supposait aussi que la gauche fût capable d’innover par une politique industrielle et par un projet national adaptés.
La stérilité actuelle de la gauche, procède de son auto-trépanation de 1983, de son incapacité à avoir su devancer la crise (bien au contraire elle a contribué – en pratique et en théorie - à installer le capitalisme financier dans notre pays) et de son absence de réponse face à ses développements. Elle s’est réfugiée dans une vieille incantation (Europe ! Europe ! Europe !) plutôt que de chercher dans une vision moderne de la République, en France et en Europe, le moyen de refonder un système de valeurs et de croyances collectives. C’est pourquoi le PS se trouve pris à contrepied par la crise au moment même où il vient de ratifier le traité de Lisbonne et d’officialiser son ralliement au libéralisme. Et voilà pourquoi « notre gauche » est muette.
Je partage cependant la conclusion de Paul Thibaud : « C’est encore à la gauche de renouer avec l’éthique de responsabilité, le devoir de « faire société », de retrouver la capacité de synthèse qui donne espoir à un peuple, à une nation ». Mais peut-être lui faudrait-il d’abord se réconcilier avec la nation, dans sa conception républicaine, évidemment ...
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Ce texte est également publié sur Marianne2.fr.
Ce n’est pas la passion de la revanche (passion bien ordinaire) qui a nourri l’immobilisme idéologique de la gauche, c’est son incapacité à rendre compte du tournant qu’elle a opéré dans les années quatre-vingt en cédant au vent néolibéral qui soufflait d’Amérique : revalorisation de la Bourse, réhabilitation du profit et d’abord dans le partage de la valeur ajoutée, sacralisation du principe de la concurrence à travers l’Acte Unique, libération des mouvements de capitaux et enfin, et peut-être surtout, dévalorisation de la nation à travers le mythe européen. Cette incapacité à « refonder » va de pair avec le choix libéral et européen qui renvoie la nation aux oubliettes. La vision instrumentale de l’union de la gauche a relégué à l’arrière plan l’effort conceptuel qui avait été fait pour donner à la gauche un projet moderne : politique et restructurations industrielles à travers les nationalisations, priorité à la recherche et à sa valorisation, modernisation du « dialogue social », etc. Cette politique a été bel et bien torpillée par l’ouverture de la « parenthèse libérale » en mars 1983.
Naturellement on peut discuter à l’infini de la faisabilité d’une « autre politique ». Constatons simplement où a conduit « la seule politique possible » : à l’éloignement des couches populaires à l’égard de la gauche et à la crise actuelle de la « mondialisation libérale à laquelle le PS a sacrifié l’originalité de son projet et de ses valeurs.
Relancer le destin national ? De Gaulle n’y pouvait parvenir seul dans les années soixante avec l’appui d’une droite qui se méfiait de lui. La translation opérée de droite à gauche à travers la stratégie de l’union de la gauche était alors le seul moyen de sauver ce que la Ve République apportait de fondamentalement positif (des institutions stables, une défense moderne reposant sur la dissuasion, une politique extérieure indépendante). Mais cela supposait aussi que la gauche fût capable d’innover par une politique industrielle et par un projet national adaptés.
La stérilité actuelle de la gauche, procède de son auto-trépanation de 1983, de son incapacité à avoir su devancer la crise (bien au contraire elle a contribué – en pratique et en théorie - à installer le capitalisme financier dans notre pays) et de son absence de réponse face à ses développements. Elle s’est réfugiée dans une vieille incantation (Europe ! Europe ! Europe !) plutôt que de chercher dans une vision moderne de la République, en France et en Europe, le moyen de refonder un système de valeurs et de croyances collectives. C’est pourquoi le PS se trouve pris à contrepied par la crise au moment même où il vient de ratifier le traité de Lisbonne et d’officialiser son ralliement au libéralisme. Et voilà pourquoi « notre gauche » est muette.
Je partage cependant la conclusion de Paul Thibaud : « C’est encore à la gauche de renouer avec l’éthique de responsabilité, le devoir de « faire société », de retrouver la capacité de synthèse qui donne espoir à un peuple, à une nation ». Mais peut-être lui faudrait-il d’abord se réconcilier avec la nation, dans sa conception républicaine, évidemment ...
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